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charbon. Certaines matières : le cuir, la laine, le fer, le bois, sont compris dans les objets nécessaires à la vie, c’est un des sujets les mieux mis en lumière par Mac-Culloch, à propos du bois : l’outil est nécessaire à la vie. Le bois et le fer en sont les éléments. Pour ces objets-là, même incidence qu’en ce qui concerne la farine ; quant aux autres matières, les taxes douanières entrent dans le prix des produits fabriqués. Elles peuvent en diminuer la consommation et, par suite, la production.

° Produits fabriqués. — Leur condition est moins favorable, parce que leur nécessité est moins grande. Le pain et le charbon passent avant les lainages et les machines. L’incidence est encore plus variable dans ce cas que pour les matières premières. Elle tombe sur le consommateur qui souvent est lui-même un producteur. Le double effet des droits est bien moins certain. Des éléments très compliqués, très différents, entrent dans la composition des produits fabriqués. Leur multiplicité, leur variété, la diversité des concurrences, l’importance de la façon, de l’habileté technique, modifient tout. Les effets des droits peuvent être prévenus, déviés, compensés de mille manières. ° Des effets internationaux d’incidence. — Turgot et Condillac soutenaient que les Hollandais se faisaient rembourser par les propriétaires étrangers, avec lesquels ils trafiquaient, une notable partie des taxes qui accablaient leur propre pays. Le fait n’est pas venu au secours de la théorie. Stuart Mill a repris la discussion à un autre ’point de vue. Il a essayé d’établir que les droits de douanes à l’exportation offraient aux États un moyen commode d’alimenter leurs budgets, et ceux à l’importation un moyen de faire retomber les droits sur l’étranger. Si les droits à la sortie restent au compte de l’acquéreur, comraentles droits à l’entrée peuvent-ils être au compte du vendeur ? Dans les affaires internationales, l’incidence se règle d’après l’intensité du besoin ; or, dans les importations, le besoin a plus d’influence que dans les exportations.

° Des taxes de compensation. — La théorie des taxes douanières en compensation des impôts intérieurs est une de celles que les protectionnistes ont, dans ces dernières années, répandues avec le plus de succès ; c’est l’une des plus dangereuses, car elle pourrait constituer les plus grandes inégalités dans la répartition de l’impôt. Si certaines classes ou certains producteurs obtiennent des compensations, en sera-t-il accordé à tous les autres ? L’établissement des impôts n’est pas

— INCIDENCE DE L’IMPOT 

fait au hasard ; quand le législateur juge nécessaire de frapper tel ou tel autre genre de bénéfices ou de capitaux, ce n’est pas pour atteindre indirectement tel ou tel autre.

. Taxes sur les transports.

° Les impôts sur les transports ont touj ours été un élément fiscal, témoin les portoria et les péages.

Ils sont devenus très importants depuis les chemins de fer et les progrès de la navigation fluviale.

En principe, les impôts sur les transports sont au compte des consommateurs ; cependant il peut se présenter des circonstances, surtout quand les droits sont sensiblement augmentés, cas qui s’est produit en France, après 1871, où ces impôts retomberont en partie sur les prolits ; c’est ce qui a eu lieu chez nous. Si les droits étaient portés plus haut, les impôts finiraient par entamer même le salaire.

Le salaire actuel doit comprendre, en effet, pour la plupart des travailleurs, la faculté d’opérer un mouvement propre, comme tout citoyen. Aussi faut-il tenir la main à ce que les impôts de transport ne soient pas excessifs (ils ont atteint à ce degré en France), et à ce que les tarifs respectent le nécessaire du travailleur.

. Conclusions.

° Cette théorie du nécessaire, mise en honneur au siècle dernier par Montesquieu, Condillac, Adam Smith, doit être élargie avec tous les progrès de la civilisation. Au siècle dernier, elle se bornait à la portion calculée par Forbonnais. M. de Laveleye, dans son livre sur le Socialisme contemporain , a montré, en excellents termes, comment le nécessaire à la fin du xix e siècle consistait en tout autre chose qu’à l’époque de YEsprit des Lois. Peut-être tous les progrès qui nous séparent de l’immortel auteur de ce grand monument pourraient-ils se résumer dans cette courte formule : le travailleur est devenu un contribuable, le meilleur des contribuables. Le paysan de la Bourgogne ne cache plus dans une cave son vin de réserve et son pain. Le boulangerie Importe sans redouter aucune inquisition. De même la perception est mieux faite qu’autrefois, bien que sur trois cotes personnelles, en moyenne, deux soient seules recouvrables. Les faits d’incidence et de répercussion de l’impôt ont perdu de leur acuité. Ils ne paraissent plus renfermer du mystère. Chacun sait qu’il se récupère difficilement de ce qu’il a lui-même versé au fisc ; on se résigne, mais