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PÊCHE

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PÊCHE

. De la pisciculture.

La pisciculture la plus efficace est celle qui favorise la reproduction naturelle des poissons par eux-mêmes. Les méthodes artificielles ne seront jamais que des procédés auxiliaires qui ne peuvent que toujours être inférieurs dans leurs résultats à ceux que la nature favorise avec une inépuisable libéralité.

Une loi strictement observée, sévèrement appliquée, par de nombreux agents de sur- ’ veillance visant surtout la protection du poisson au moment du frai amènerait promptement une amélioration et un repeuplement progressif..

Lors du Congrès de pêche international de Vienne, au mois d’octobre 1890, où l’Autriche, la Hongrie, la Russie, la France, la Bavière, l’Italie, la Prusse, l’Angleterre étaient représentées, M. Weeger, président, établit que la pisciculture était loin d’avoir donné les résultats espérés et que de nombreuses déceptions étaient successivement survenues. Au cours dfi la discussion, M. Weeger compléta ses preuves en citant les États-Unis, le Canada, et aussi. l’Angleterre où peu à peu il s’est élevé un courant contre le déversement des alevins incomplets. « Où sont, a-t-il dit, les millions de truites et autres poissons que depuis douze à quinze ans tant de sociétés de pêche ont lâchés dans les cours d’eau ? Combien de ces alevins ont été portés adultes au marché ? Il est très facile de faire éclore des œufs sans pertes sensibles, mais il est bien difficile et coûteux d’élever les jeunes poissons jusqu’à Page où ils pourront être lâchés sans être presque entièrement détruits, et ce but est celui que doit atteindre la pisciculture pour n’être pas une dépense sans aucun profit. » Il est acquis auj ourd’hui que les alevins mis en liberté aussitôt après la résorption de la vésicule ombilicale, c’est-à-dire pendant le premier âge, ne peuvent prospérer. Ils sont vouées à une mort certaine, et l’exemple de rétablissement de Huningue, qui a employé cetteméthode pendant de nombreuses années sans parvenir à remédier au dépeuplement de nos eaux, malgré la production de milliards d’alevins, est concluant.

Il faut dépenser beaucoup pour amener les alevins à l’âge où leur existence ne serait plus compromise, c’est-à-dire jusqu’à la période de leur existence où ils ont atteint une force capable de les protéger. De jeunes poissons élevés dans les bacs d’un aquarium, nourris à heure fixe, n’ayant pas été habitués dès leur jeune âge à chercher leur nourriture, à se défendre de leurs ennemis, ne sauraient avoir la même résistance et le même avenir que les poissons nés de la reproduction naturelle l .

Ce n’est donc pas sur la pisciculture qu’il faut compter pour le repeuplement de nos cours d’eau, mais la pisciculture pourra seulement y aider, dans une certaine mesure, lorsque les causes de destruction actuelles n’existeront plus, et lorsque le repeuplement naturel sera amplement effectué, elle est apte à rendre d’incontestables services en introduisant après des expériences préalables les espèces étrangères, en augmentant ainsi les ressources de l’alimentation publique. Le ministre de l’agriculture, en Allemagne, rappelait en juin 1890 aux sociétés de pisciculture allemandes qu’elles doivent écarter de leur programme l’acclimatation ou le croisement de poissons d’une valeur encore douteuse, que les alevins des poissons voraces exotiques ou de leurs croisements seront seulement élevés dans les étangs particuliers, et que jamais on ne les lâchera dans les eaux libres.

La pisciculture française ne devrait-elle être soumise à des règlements d’une aussi sage prévoyance.

ni. DU PERMIS DE PÊCHE.

Il résulte de l’étude des législations étrangères qui ont amené si promptement chez des peuples voisins un tel excédent de production qu’ils alimentent presque entièrement notre marché français, que le moyen le plus efficace employé par leurs gouvernements a été l’établissement d’un droit fixe à percevoir par l’État sous forme de licences, de plombage des filets, de permis de pêche délivrés comme le sont les permis de chasse en France. Il serait évidemment logique d’emprunter à la législation des pays voisins, chez qui la pêche est si fructueusement organisée, les éléments d’une nouvelle législation ?

La surveillance efficace, rigoureuse que les ressources provenant de ce droit fixe a permis d’établir, en créant de nombreuses fonctions i, « La pratique suivie jusqu’ici (a dit M. Weeger) de déverser directement les alevius après la résorption de la vésicule ombilicale est en général restée sans résultats. S’il est admis qu’à l’état naturel de 1000 œufs, il provient tout au plus uo poissou adulte, l’expérience a prouvé que le déversement d’alevins non développés n’a pas donné ua résultat plus favorable. »

M. Weeger cite à l’appui de sa thèse l’opinion deM.H.Rogers, inspecteur de la pêche de la Nouvelle-Ecosse. « Le déversement d’alevins de saumons non développés a donné partout une déception générale. Pas 1/8 n’échappe à la mort avant la cinquième année. Je ne suis pas l’adversaire de la pisciculture artificielle, maïs si l’on veut arriver à quelque résultat, les alevins devraient être, au moins pendant un an, conservés, nourris et soignés avant d’être mis en liberté. »