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PEAGE

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PÉAGE

tion d’un droit de passage. Il en est de même sur les voies ferrées. Mais, dans ce cas, le péage naturel conduit forcément à ce résultat que les régions les plus riches, celles où la production et la consommation ont rencontré les éléments les plus favorables à leur essor, bénéficient des tarifs les plus bas et, par suite, des plus grandes facilités au point de vue de la circulation. Car le taux des droits est d’autant plus faible ou peut être réduit d’autant plus vite que la circulation, grâce à des besoins préexistants ou immédiats, est plus grande ou augmente plus rapidement Si, au contraire, la voie a pour principal objet d’amorcer de nouveaux débouchés ou d’étendre un trafic jusqu’alors peu considérable, l’accroissement des transports, qui commencent toujours par être en petit nombre, rencontre un obstacle presque insurmontable dans l’exagération des tarifs de début. De telle sorte que l’inégalité qui découle pour certaines contrées de leur situation géographique, se trouve encore aggravée par le fait de leur développement économique.

A cela viennent s’ajouter la multiplicité et la complication des taxes, inconvénients si nuisibles aux transports à moyenne et à longue distance et qui étaient devenus tels, pour la navigation intérieure, qu’on fut obligé, en 1836, d’unifier les tarifs dans toute la France, ce qui transforma l’ancien péage en un véritable impôt.

Enfin, quand des contrats ont été passés pour l’exploitation des voies d’utilité générale, les pouvoirs publics, en raison de ces engagements, ne sont plus maîtres de prendre telle mesure que leur semble comporter l’intérêt économique du pays. En 1860, le gouvernement, au moment d’inaugurer une nouvelle politique commerciale, eut à compter avec le régime auquel étaient alors soumis les canaux. Il ne put réaliser son désir de faciliter les échanges par un abaissement général des tarifs qu’en rachetant un certain nombre de voies navigables qui, primitivement concédées, échappaient à son action.

Ces diverses conséquences de l’application générale et absolue du péage aux travaux publics avaient échappé à Adam Smith et à Dupuit, ou plutôt ces deux économistes n’ont point voulu s’y arrêter. Pour eux, cette taxe constitue le seul mode équitable de faire participer, chacun dans la proportion du profit qu’il en retire, aux frais de construction et d’entretien d’un ouvrage, et rien ne pourrait l’emporter sur cet autre avantage du péage de restreindre les dépenses aux besoins actuels. Car, lorsqu’elles doivent subsister avec leurs propres ressources, on a soin de limiter les entreprises aux opérations qui ont chance de rendre productifs, à bref délai, les capitaux engagés. Jean-Baptiste Say, au contraire, ne trouve pas mauvais que les contribuables soient appelés, dans une certaine mesure, à faire l’avance de travaux dont le profit, bien qu’indirect et peut-être lointain, n’en sera pas moins sensible pour la nation entière. _ Moins irréprochable en théorie, mais plus simple et plus pratique, cette dernière méthode a prévalu en France. Elle a été appliquée notamment à l’établissement du réseau des chemins de fer. De larges subventions ont été accordées, et les produits des lignes les plus fructueuses sont reversés en partie sur des voies moins directement utiles, jusqu’à ce que celles-ci se suffisent à elles-mêmes. Mais si l’on a, de cette façon, formé un fonds commun national et créé une sorte de solidarité entre les régions desservies, on a, du même coup, privé les tarifs de ce qui constitue à proprement parler le péage : l’exacte proportionnalité au service rendu *. Sans étendre le péage à tous les travaux similaires, on peut, à la vérité, n’y recourir que dans une proportion restreinte et dans des conditions spéciales. En France, des ouvrages de même nature, les ponts par exemple ont été, suivant les circonstances, livrés gratuitement à la circulation, ou établis par des concessionnaires et soumis à redevance. En Angleterre, des particuliers, sous le contrôle et la responsabilité des paroisses et, en Italie, les communes peuvent être autorisés à percevoir des droits de passage destinés à subvenir aux frais de construction et d’entretien des routes et chemins. Dans ces conditions, le péage n’est plus qu’une exception, qu’une faculté ; mais il conduit à cette injustice que les habitants de telle contrée où la circulation est gratuite sont exposés, lorsqu’ils traversent des territoires où il existe des taxes, à contribuer directement et sans réciprocité aux dépenses de la voirie, tout en supportant les mêmes impositions générales que les autres citoyens. . Le mot péage a d’ailleurs, en matière de chemins de fer, une signification particulière. D’après le cahier des charges, les prix maxima comprennent deux parties : ° Le droit de péage, qui correspond aux charges du capital de premier établissement et aux frais d’entretien d& la voie ferrée ;

° Le prix du. transport, qui représente les charges d’acquisition du matériel roulant, les frais de traction et lesdépenses de l’exploitation.

On supposait à l’origine qu’une même voie ferrée pourrait être exploitée simultanément par plusieurs compagnies. Delà cette subdivision, dont il n’est fait usage que dans les cas exceptionnels où des compagnies d’embranchement sont : autorisées à emprunter des voies principales.