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PAUPÉRISME

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PAUPERISME

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renseignements plus exacts. En Tan X f c’est-à-dire sons le Consulat, quand Tordre était rétabli et que la prospérité commençait à renaître, en comptait à Paris 43 552 ménages indigents, composés de 111626 individus, sur une population totale approximative de 547 416 indidus ; il s’y rencontrait donc un indigent sur 4,86 habitants. De 1803 à 4814 on ne vit guère d’amélioration bien sensible ; en 1813, on supposait que Paris contenait 1 indigent sur 5,69 âmes ; en 181 8, 1 sur 8,08. Depuis lors, les dénombrements ont donné des résultats extrêmement précis ; pour n’en citer qu’un seul, en 1880, il y avait i indigent sur 18 habitants, proportion extrêmement faible et attestant une diminution de l’indigence.

Pour ceux qui se défient des chiffres, il y aurait un autre moyen de vérifier ce fait, ce serait de parcourir les diverses causes qui produisent l’indigence et de voir si elles sont ou non plus actives qu’elles n’étaient autrefois. Ils ne tarderaient pas à reconnaître qu’il y a eu, depuis un siècle, et surtout depuis soixante ans, un accroissement considérable des salaires, ainsi qu’une diminution et une fixité du prix du pain, constituant une assurance contre la disette ; aussi Tindigence a-t-elle diminué dans les campagnes ; mais il s’est produit, en revanche, une concentration des industries dans les grandes villes, concentration qui crée la misère et lui donne un caractère endémique. Ce n’est pas la grande industrie qui lui donne naissance, contrairement à une opinion généralement répandue ; car, à côté du grand atelier ou de la grande usine, il y a un ensemble d’institutions philanthropiques, où l’assistance et la prévoyance réunies luttent contre les éventualités douloureuses de la vie. Mais c’est la présence dans une même ville d’un grand nombre de petites entreprises, qui fait la misère ; ici, le chômage est fréquent et il n’y a rien pour l’adoueir ; ici, il y a un patron souvent gêné dans ses affaires et qui, pour échapper à la ruine, n’hésite pas., quandle travail seralentit, en congédiant ses ouvriers, à les plonger dans la misère. Si Ton ajoute à cela la séparation des classes, conséquence nécessaire d’une grande cité, où l’opulence coudoie la misère sans la connaître, on comprendra que, dans les grandes villes, si Tindigence ne s’étend pas, elle y est, du moins, plus dure, plus douloureusement épouvantable pour ceux qui en sont atteints. Le nombre des indigents n’augmente pas, mais on compte davantage de drames sinistres, dont la faim constitue le principal personnage. La chiffre des ménages indigents décroit et la statistique le proclame avec fierté ; mais ce qu’elle ne peut dire, c’est que, dans ces ménages indigents, la misère y sera perpétuelle et que les enfants y naîtront avec un signe indélébile et une maladie héréditaire. Cette misère, c’est celle de Whitechapel ou de Spitalfields, à Londres ; c’est celle de la Butte aux Cailles, à Paris. Elle s’appelle, nous l’avons dit, le paupérisme, et le paupérisme apparaît et se développe pendant que décroît le champ de l’indigence.

Parmi les causes de la misère, il en est qui, comme nous l’avons vu, sont imputables à la faute ou à la négligence de l’individu . Nous devons à la vérité de reconnaître que les idées d’épargne et de prévoyance ne gagnent pas de terrain dans les classes populaires et que, d’autre part, il existe malheureusement parmi elles un vice très répandu, l’ivrognerie, qui fait des ravages énormes dans tous les pays septentrionaux, | précisément dans celles des contrées où la ? boisson courante du peuple laisse à désirer au point de vue des qualités nutritives. L’usage de l’eau-de-vie est entré dans les* mœurs vers la fin du xvn e siècle (V. Boissons et Spiritueux). Mais ce n’est que dans le siècle actuel qu’il a pris une sérieuse extension. Aussi l’intempérance a-t-elle revêtu de nos jours une forme, particulièrement fatale, celle de Yalcoolisme, qui affecte d’une manière si grave les facultés intellectuelles et les forces physiques.

En résumé, les causes générales qui engendrent la misère, sont moins nombreuses ; elles sont aussi moins intenses, à l’exception d’une seule, spéciale aux grands centres. Le résultat c’est que le champ de l’indigence a diminué, mais que, sur l’étendue de ce domaine réduit, il y a des coins plus impénétrables, des misères plus graves et moina guérissables.

. Remèdes.

C’est avec quelque hésitation que noua abordons ce problème, peut-être insoluble. La parole de l’Écriture : « Il y aura toujours des pauvres parmi vous», est demeurée vraie pendant dix-huit siècles, en dépit des modifications profondes qu’ont subies nos sociétés, en dépit aussi des efforts tentés pour déraciner la misère.

Il est inutile de dire que les solutions uniques sont de celles sur lesquelles l’attention ne saurait s’arrêter. La première est la solution socialiste : le communisme agraire-, serait, dit-on, un obstacle à la misère collective ; le mir russe et Vallmend suisse assurent aux membres du village quelques jouissances foncières, qui servent d’appoint au