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PATRONAGE

son et Cazajeux qui rapportent le fait, une simple démarche d’apparat. Elle traduisait les sentiments profonds du personnel pour une Société qui attribue en grande partie son succès industriel aux qualités et au bien-être matériel et moral de ses collaborateurs de tous ordres et aussi à l’esprit de solidarité que ce bien-être leur inspire vis-à-vis de la Société à laquelle ils sont fiers d’être attachés. » Par contre, les institutions de patronage, multipliées comme on a vu, n’ont pas empêché les grèves d’éclater à Anzin, Blanzy, le Creusot, Montceau-les-Mines. On a vu les ouvriers indifférents au bien qu’ils avaient reçu de ces compagnies se soulever contre elles à la voix de quelques cabaretiers ou même de gens inconnus, montrer des exigences exagérées, déraisonnables et joindre les violences et encore le crime à la déraison. Ce sont là, dira-t-on, de grandes industries où l’action du directeur n’était pas sentie. L’objection ne tient pas ; car il y a des directeurs, M. Chagot, par exemple, le directeur de Montceau, qui étaient en rapports constants avec leurs ouvriers et de plus des patrons, propriétaires personnels de leur usine et tout dévoués à leurs ouvriers, n’ont pas moins éprouvé leur ingratitude. Plusieurs chefs d’industrie qui avaient fait de la participation aux bénéfices pour attacher leur personnel et le faire entrer dans leurs intérê ts ont dû y renoncer après de vains essais. Il faut donc avouer que les réi sultats matériels du patronage sont variables il et incertains et qu’on ne peut promettre la / paix sociale comme conséquence de leurs efforts aux patrons qui voudraient l’appliquer dans leurs établissements. Il est assuré seulement que la pratique du patronage sert aux ouvriers ; qu’elle améliore leur situation matérielle et même, si le patron le veut bien, leur situation morale. C’en est assez pour qu’elle doive tenter, malgré les chances d’oubli, d’entraînement, d’ingratitude venant de ces ouvriers, les chefs de maison soucieux de leurs devoirs et du sort de ceux qu’ils emploient.

. Le patronage agricole.

Il n’a été question, dans ce qui précède, que du patronage industriel ou commercial, ne peut-il s’exercer aussi à l’égard de la population agricole qui, en France, représente encore la moitié au moins de la population ouvrière ? Il le peut, sans doute, mais les conditions du travail y étant tout autres que dans l’industrie, le patronage y prend aussi d’autres formes. Le travail salarié est exécuté d’ordinaire par des valets de ferme, nourris et logés chez celui qui les occupe et dont le seul besoin restant, le vêtement, est plus que

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satisfait par des gages actuellement très élevés. Les journaliers que l’on occupe en sus ne sont employés que temporairement et ce sont encore des cultivateurs presque tous propriétaires, c’est-à-dire ayant leur domicile à eux et ayant surtout des habitudes de prévoyance et d’épargne encore vivaces et fortes heureusement, bien quelles tendent à diminuer, qui les placent, sous ce rapport, bien au-dessus de l’ouvrier des villes. Le patronage ne se comprend que dans les pays de métayage, où le domaine, quelquefois vaste d’un seul propriétaire est divisé entre de petits exploitants qui, souvent encore, travaillent avec des bestiaux fournis par le propriétaire et leur payent en échange une quote-part de la récolte et du croît des troupeaux. Là, un propriétaire habitant le pays, connaissant bien la culture et la manière d’être du paysan (car il faut cela) peut être le guide et le soutien de ses métayers, gens ordinairement pauvres et très routiniers en culture ; il peut leur rendre ainsi d’inestimables services. Mais ce sera par son action personnelle, il ne peut être question ici des institutions ni, des fondations que Ton a vues. Il y a, dans notre pays, de ces propriétaires intelligents et actifs, résidant dans leurs domaines et qui ont su, grâce à leur action sur le paysan, faire du métayage réputé jadis la forme de la plus arriérée, celle qui a le mieux supporté la crise agricole que nous traversons.

. Le patronage à l’étranger.

Il ne peut être question d’entreprendre une étude sur le patronage dans les divers pays de l’Europe et du nouveau monde. Ce qui a été dit de la France est, du reste, applicable à la Belgique, à la Suisse, aux Pays-Bas, à l’Italie pour la partie industrielle et enfin aux pays allemands et Scandinaves avec quelques différences venant de la variété des situations locales. C’est ainsi que le patronage tenant à la permanance des engagements (celui qu’a décrit Le Play) est encore fréquent en Norvège et en Suède, plus rare dans l’Europe centrale et se trouve de moins a moins à mesure qu’on s’avance vers l’Ouest. Il fait place aux institutions dans lesquelles les ouvriers sont partie et siègent à côté du patron.

En Autriche et en Allemagne, la construction de maisons ouvrières est une des marques les plus fréquentes du patronage ; les institutions de prévoyance sont érigées le plus souvent en dehors de l’action des particuliers. En Espagne, ce sont les communes qui, par suite d’un très ancien état de choses, exercent, grâce au patrimoine qu’elles pos-