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bois, cours d’eau, maisons, manufactures, établissements commerciaux et industriels, numéraire, meubles et objets divers, ainsi ’.que les titres, effets, contrats, actes de toute ^nature, représentant ou spécifiant ces propriétés. Toutes les matières imposables de cette première catégorie constituent des richesses certaines, ou en révèlent l’existence.

! On risque pen de se tromper en les frappant, 

pourvu toutefois, que la proportion du prélèvement ne devienne pas excessive. Le taxateur découvre ensuite devant lui une autre catégorie de matières imposables, composée non plus de richesses et de propriétés, mais d’individus offrant leurs personnes mêmes aux atteintes du fisc. C’est la masse même des contribuables, propriétaires ou non propriétaires, qu’il s’agit alors de frapper individuellement, soit par voie de capitation, soit par le procédé plus moderne des impôts sur les consommations. Dans cette nouvelle combinaison, chacun doit, être taxé d’après sa dépense, « sans égard à sa fortune », mots qui provoquent immédiatement de graves réflexions. Car, malheureusement, il est avéré que, dans tout pays, la majorité de l’immense légion des consommateurs ne possède guère pour vivre que le fruit de son travail quotidien : c’est la loi d’airain des sociétés. Sans doute, quelques privilégiés jouissent d’une abondance exceptionnelle et même étalent, avec ostentation, les signes de leur superflu : des impôts spéciaux s’empresseront de saisir ces manifestations somptuaires, sans grande efficacité, comme on l’a vu.

Mais qui payera les droits sur les consommations d’une utilité générale, seuls réellement productifs, sinon la classe même qui compose la majorité de la nation, et dont le travail quotidien pourvoit tout juste aux frais de l’existence* ? Ici donc le taxateur n’est plus en face d’une richesse certaine, effective, qu’il peut imposer en sécurité, à condition de respecter les lois de la proportionnalité. Au contraire, il n’aperçoit devant lui qu’un inconnu redoutable, dont le voile recouvre la malheureuse situation de la presque universalité des petits contribuables. Alors, il doit retenir son bras, distinguer avec soin chaque nature de consommations, apprécier leur degré de nécessité et reculer . M. Ttiiers exprimait cette vérité très énergiquement en 1848 dans son grand discours sur le droit au travail : « Je vais vous dire ce qui embarrasse tous les financiers : c’est qu’en définitive, le trésor est toujours le Trésor des pauvres et non pas celui du riche, parce que les riches sont très pen nombreux... De quelque manière que vous vous y preniez, en remaniant les impôts, vous ne faites rien que de vous adresser d’un pauvre à un autre. » (Assemblée constituante, 14 septembre 1848.)

dès qu’il se trouve en présence de consommations essentielles à la vie.

Non seulement les sentiments de philanthropie ou de bienfaisance, l’idée chrétienne dans l’impôt, comme disait un ministre des finances de l’empire d’Allemagne, commandent une telle réserve. Mais, cantonné dans le domaine financier, on aboutit encore à. cette même conclusion que le fisc ne peut rien demander à qui n’a rien, que la répercussion trop souvent invoquée ne fonctionne pas toujours et qu’alors frapper la misère c’est décimer la nation. Un simple fermier des taxes publiques possesseur d’un bail suffisamment prolongé raisonnerait de même, guidé par son seul intérêt, afin de ménager la matière imposable 1 . Tant il est vrai que la science des finances étudiée dans ses principes se rencontre spontanément sur le terrain de la justice et de la morale avec les sciences qui l’entourent.

. Résumé. — La suppression graduelle des impôts sur les objets de première nécessité constitue la réforme fiscale la plus simple, la plus facile dans son exécution et la plus efficace dans l’intérêt des classes laborieuses et de la prospérité du pays-

Quelques mots suffisent maintenant à récapituler les étapes successives que nous venons de parcourir dans le cours de tout cet article. L’impôt, avons-nous dit, représente une nécessité sociale, à laquelle aucun État moderne ne saurait se soustraire. Ses qualités fondamentales sont celles qu’Adam Smith a définies dans ses célèbres maximes de justice, de certitude, de commodité et d’économie, maximes révélées par l’expérience d’alors et que l’autorité du maître a transformées en axiomes. L’expérience contemporaine permet d’y ajouter l’énoncé de quelques principes subsidiaires, contenus dans les quatre nouvelles formules suivantes : l’impôt doit éviter tout contact trop fréquent et trop direct entre les contribuables et les agents du fisc ; l’impôt doit être multiple ; son rôle exclusif est de pourvoir aux besoins du budget ; il ne devient relativement parfait qu’avec le temps, lorsqu’il est ancien. Dans le sein de chaque nation, l’impôt a revêtu et peut revêtir des formes très différentes et frapper des catégories de richesses très diverses. Il est payé soit en nature, soit en argent, il atteint le capital ou le revenu, les valeurs mobilières ou immobilières, il est i. « La difficulté de se nourrir, dît Malthus, est un obstacle toujours subsistant à l’accroissement de la population humaine. Cet obstacle se fait sentir partout où les hommes sont rassemblés et s’y présente, sans cesse, sous les formes Variées de la misère et du juste effroi qu’elle inspire. » {Principe de population.)