Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/448

Cette page n’a pas encore été corrigée

PATRONAGE

PATRONAGE

à capital aliéné. La maison Thiriez frères, de Lille, qui ne demande aucun versement à ses ouvriers, leur assure 400 francs de pension après trente ans de service et 15 francs par chaque année en sus. La Caisse d’assurances générales avait, dès 1850, sur l’initiative de son directeur F. de Gourcy, constitué à son personnel et avec une part de ses bénéfices des pensions de retraite bientôt remplacées, sur la demande des intéressés, par la constitution d’un capital en leur faveur. En 1889 les apports de la Compagnie dépassaient 6 millions et demi qui, avec les intérêts, en avaient produit plus de 9. Un simple garçonde recette s’était, après vingt-deux ans, retiré avec plus de 20000 francs pour sa part.

Une question fort débattue est celle de l’emploi des fonds qui constituent ces caisses de retraite. Certains patrons versent à la Caisse nationale des retraites les parts afférentes à chacun de leurs ouvriers, car ces sortes de versement doivent être fait nominalement ; d’autres préfèrent garder cet argent en portant seulement sur leurs livres la créance des retraités. Ce second procédé, plus avantageux pour la maison, puisqu’elle dispose ainsi de capitaux qu’elle n’aurait plus avec le versement à la Caisse des retraites, a l’inconvénient de faire dépendre le payement des retraites du bon succès de l’établissement. S’il tombe, les retraites sont compromises, comme il est arrivé pour les établissements de Bessèges. Mais aussi ne peut-on pas forcer le patron à placer d’une certaine manière les libéralités qu’il fait à ses ouvriers (V. Retraites).

g. Institutions d’épargne. — L’ouvrier, au lieu d’épargner en vue de sa vieillesse ou en vue de garantir quelque avoir aux siens après ison décès, peut vouloir économiser dans un autre but ; il peut, par exemple, songer à établir ses enfants ou à acquérir pour lui-même un petit domaine rural (V. Prévoyance et Épargne). C’est toujours une bonne tendance et que nombre de patrons encouragent en acceptant les versements de leurs ouvriers auxquels ils assurent un intérêt élevé, jusqu’à 5 et 6 p. 100. Bien que l’épargne ait été rendue très facile aujourd’hui et qu’avec les caisses postales on puisse verser les plus petites sommes et les retirer aisément, il y a dans les intérêtsélevés payés par le patron, dans la commodité de laisser ainsi quelque chose de sa paye un côté avantageux, qui engage et explique ce genre d’institution patronale. L’inconvénient est celui qui a été signalé déjà : les sommes qui sont dans la caisse d’un établissement industriel en suivent forcément la fortune. Ces mêmes patrons, d’ailleurs, conseillent leurs ouvriers sur l’emploi à faire de leurs capitaux et les aident même- lorsqu’ils songent, par exemple, à quelque acquisition de maison ou j ardin (ce qui suppose une usine rurale ) qui doit les rendre propriétaire et par suite accroître leur stabilité et leurs ressources.

Ceci est un bon office que le patron rend à ceux qu’il occupe, mais qui n’exige pas leur intervention ; au contraire, ces mêmes patrons (compagnies ou chefs d’industrie) ont grand soin de faire intervenir leurs ouvriers dans la gestion des caisses de retraite, comme dans celle des sociétés de secours mutuels. Ils les intéressent ainsi à ces caisses et veulent, lorsque les ouvriers y contribuent, qu’ils n’aient aucun doute sur l’emploi de leurs fonds. Mais c’est surtout dans la question des Économats que les patrons doivent réclamer le concours de leurs ouvriers (ou employés les institutions de patronage étant également applicables aux uns et aux autres), h. Économats. Fournitures de denrées, — On sait quelle économie procurent pour l’achat des choses nécessaires à la vie les sociétés coopératives de consommation (V. Coopération ) qui achètent en gros et revendent à leurs membres à prix coûtant ou bien leur vendent au prix courant, mais en leur remettant à fin d’exercice la différence en espèces. Plusieurs patrons ont établi de ces magasins où ils font profiter ceux qu’ils emploient de la différence entre le prix du gros et le prix du détail. La Compagnie d’Orléans a été l’une des premières à fonder un de ces économats et celui de ses administrateurs qui avait décidé l’entreprise, Augustin Cochin, déclarait dans l’enquête de 1866 que le bénéfice procuré ainsi au personnel de la Compagnie était de 64 p. 100 sur le charbon de bois, 56 p. 100 sur les pommes de terre, 66 p. 100 sur le salé, 115 p. 100 sur le sel, 127 p. 100 sur les jambons, 33 p. 100 sur le vin (non frelaté), 55 p. 100 sur les couvertures de coton, etc. Et toutefois la plupart des patrons qui avaient fait de ces sortes d’institutions ont dû y renoncer devant l’hostilité des ouvriers, hostilité telle que l’existence d’une société coopérative de consommation fondée par la compagnie, bien que l’accès en fût absolument volontaire, a été la vraie cause de la grève de Montceau-les-Mines marquée par l’odieux assassinat d’un ingénieur, M. Watrin 1 . Cette i. Le défenseur des assassins, qui fut élu député à Ja suite des débats, appelait devant la Cour d’assises cette société coopérative : « un abus disparu depuis quatre-vingts ans et que la compagnie a fait renaître «. Depuis, le directeur de la Compagnie de Commcntry, M. A. Gibon, qui avait organisé entre les ouvriers de la compagnie une société coopérative véritablement modèle (ut, pour ce fait, signalé comme exploiteur du peuple à la tribune de ïa Chambre 4 ( ?* députés*