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PATRONAGE

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PATRONAGE

de lui venir de l’assistance publique ou même de la charité privée.

Cette sollicitude envers l’ouvrier qui fait que le patron s’intéresse à lui en dehors de ce qu’il lui doit strictement et s’efforce de lui être utile, constitue le patronage. Des chefs d’industrie qui le pratiquent, les uns sont mus par le sentiment religieux : ils pensent que la situation où les a placés la Providence est accompagnée de devoirs et qu’elle les oblige à s’occuper de leurs ouvriers comme de leurs enfants et, par conséquent de leur âme, comme de leur condition matérielle ; d’autres sont conduits par une idéephilanthropiqueouseulementpar le désir de voir régner la concorde dans leurs ateliers et de s’assurer un personnel plus stable. Par suite, les premiers donnent plus à l’action personnelle, c’est-à-dire ils entrent en relation plus intime avec l’ouvrier et avec sa famille en dehors même du travail ; ils s’enquièrent de ses besoins, prennent part à ses joies et à ses peines, deviennent pour lui un guide, un soutien, un conseiller, un ami. Mais une telle action si elle est de toutes la plus efficace est aussi la plus rare, parce qu’elle veut un dévouement constant ; il faut se donner entier à son œuvre et disposer toute sa vie en vue d’accomplir ce devoir tout volontaire. Il faut donner à ses ouvriers l’exemple d’une vie réglée et laborieuse aussi bien et plus encore que des secours matériels. Ce qui est plus ordinaire parmi les patrons soucieux de faire pour leurs ouvriers autre chose qu’accomplir strictement le contrat de louage d’ouvrage, est la fondation d’institutions qui, pour être variables dans leur application, peuvent se ramener pourtant à quelques types principaux. Et il n’est point hors de propos de faire remarquer à ce sujet que ces institutions de patronage se trouvent aussi bien dans les sociétés anonymes que chez des patrons maîtres de leur usine, et c’est une belle réponse à faire à cette critique, trop souvent élevée à notre époque, contre cette forme de l’industrie, que les sociétés anonymes ne voient que le gain et sont sans entrailles pour ceux qu’elles emploient. Les grandes sociétés anonymes comptent au contraire parmi les établissements qui font le plus de sacrifices pécuniaires pour leurs ouvriers.

Voici donc les forme» que prend le patronage moderne.

. Diverses formes du patronage. a. Moralité du personnel. — Les patrons soucieux de leur devoir ne veulent pas que leurs ateliers deviennent par la grossièreté des propos qui s’y tiennent des lieux de démoralisation pour les apprentis et les jeunes gens qui y entrent. Ce soin s’impose surtout pour les ateliers de femmes. Ces patrons ont donc soin de recruter eux-mêmes le personnel, surtout les contremaîtres et d’exclure quiconque, même suffisant au point de vue professionnel, se montre pervers et licencieux, lis défendent à l’atelier tous propos et lectures déshonnêtes et cette préoccupation, parce qu’elle est trop rare et qu’en même temps elle est singulièrement nécessaire, mérite d’être signalée et louée chez ceux qui la mettent en pratique.

Des patrons ayant de grandes exploitations et isolées des centres, ont construit des chapelles desservies par des aumôniers qu’ils rétribuent afin de rendre faciles à leurs ouvriers la pratique de leurs devoirs religieux. Ils évitent le travail du dimanche, et dans les travaux qui ne souffrent pas d’interruption, relèvent les équipes de manière à permettre aux ouvriers l’exercice de leur culte. De même, ils ont soin d’éviter le mélange des sexes dans le travail et d’avoir pour les hommes et pour les femmes des portes de sortie et même, s’il se peut, des heures de sortie différentes. Ces détails semblent petits et négligeables, l’expérience fait voir qu’ils ne le sont pas et c’est ce que savent bien les patrons soucieux de la moralité de ceux qu’ils emploient.

Le jour de paye ne peut être non plus indifféremment choisi. La coutume d’y procéder le samedi donne aux ouvriers de malheureuses tentations qui ont provoqué le chômage du lundi. L’expérience a fait voir qu’on évite ou qu’on atténue au moins cette dissipation en prenant pour faire la paye un jour de la semaine, jour variable suivant les maisons, mais qui ne précédant pas un jour de repos, fait que l’argent reçu va ordinairement au ménage. C’est par de tels soins qu’un patron améliore, même sans sacrifice pécuniaire, la situation de ses ouvriers. b. Mode de travail. — Hygiène des ateliers.

— Les allures de l’industrie moderne, allures absolument déréglées parce qu’elle travaille sur demandes et que ces demandes sont variables avec la mode, causent aux ouvriers de grandes souffrances, les moments de presse étant suivis de longs chômages. Aussi voit-on des patrons s’ingénier pour atténuer ces périodes d’inaction, par exemple en fabriquant des produits similaires dont ils ne doivent tirer qu’un profit illusoire ou même nul, mais qui occupent le personnel. Ceux qui habitent la campagne se montrent soigneux de rendre facile à leurs ouvriers l’acquisition de quelques pièces de terre ou au moins d’un jardin dont la culture les occupera et dont