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pèrent dans son esprit les germes que la lecture d’Adam Smith y avait déposés. A son retour, il demeura dix années à Gisors où il continua à étudier l’histoire et l’économie politique.

Il publia, en 1826, un livre sur l’aristocratie dans ses rapports avec la civilisation, qui eut alors du succès et fonda la réputation de l’auteur. Quoique ce livre traitât le sujet à un point de vue élevé et général, il n’en était pas moins, sous le gouvernement de la Restauration, un livre d’opposition libérale. (De l’aristocratie considérée dans ses rapports avec les progrès de la civilisation. Paris, 1826, 1 vol. in-8°.)

Passy était déjà en relations avec le parti libéral et, pendant quelques mois, il collabora à la rédaction du National, en même temps que Thiers et Mignet. Aussi, immédiatement après la révolution de Juillet, pendant que son frère aîné, Antoine Passy, devenait préfet de l’Eure, il était lui-même élu député par la circonscription de Louviers. A la Chambre, l’étendue de ses connaissances lui assura tout d’abord une place distinguée : il fut nommé rapporteur des budgets de 4831 et de 1835, plusieurs fois vice-président de la Chambre des députés, ministre du commerce et des travaux publics dans le cabinet du 22 février 1 836, démissionnaire le 25 août suivant,chargé par le roi, après la chute du ministère Mole (janvier 1839), de former un cabinet qu’il ne parvint pas à composer, enfin ministre des finances le 12 mai suivant dans le ministère présidé par le maréchal Soult.

Le projet de dotation en faveur du duc de Nemours ayant été repoussé par la Chambre amena la chute de ce dernier cabinet, le 1 er mars 1840 et donna le pouvoir à M. Thiers. Peu enclin aux intrigues de la politique et aux agitations des campagnes électorales, Passy accepta, en 1843, le titre de pair de France où il espérait trouver ainsi plus de loisirs et de calme pour s’occuper des questions de finance.

La révolution de 1848 le rendit à la vie privée. Mais, lorsque, le 20 décembre 1848, Louis Bonaparte devenu président de la République constitua son premier ministère, il y appela Odilon Barrot, de Tracy , Léon Faucher, de Falloux, Bixio et Passy. Passy prit le portefeuille des finances, qu’il conserva jusqu’au 31 octobre 1849. Pour combler le déficit, il proposa le rétablissement de l’impôt sur les boissons et un impôt de 1 p. 100 sur le revenu. Élu membre de l’Assemblée législative par les électeurs de l’Eure et de la Seine en 1849, il continua à appuyer de ses votes la politique conservatrice du gouvernement ; mais il refusa son adhésion au coup d’État du S décembre 1851 et, depuis lors, resta à l’écart des affaires publiques.

Immédiatement après le rétablissement de l’Académie des sciences morales et politiques, en 1833, il avait été nommé correspondant de cette Académie. En 1838,il en fut élu membre à la place de M. de Talleyrand. Pendant quarante ans, il a exercé une influence très considérable dans cette Académie par ses travaux et son caractère. Indépendamment de communications fréquentes sur les sujets d’économie politique qui ont successivement occupé l’opinion publique durant cette période, M. Passy fit à l’Académie plus de cent Rapports et publia dans le Recueil de ses travaux des mémoires très étendus et très importants. C’est dans les travaux de l’Académie qu’on retrouve toute la vie scientifique de Passy, ses doctrines libérales et qu’on peut admirer les connaissances approfondies qu’il avait sur l’histoire, la philosophie, la législation et l’économie politique (V. les Comptes rendus de l ’Académie des sciences morales et politiques, de 1838 à 1880). Pendant ces quarante années, il a dirigé particulièrement les travaux de la section d’économie politique et de statistique, fournissant une grande partie des sujets de concours, lisant les mémoires des concurrents, toujours prêt à rédiger les rapports sur les prix et suscitant ainsi d’importants travaux en contribuant à donner une direction libérale aux études économiques. Il prêtait, en même temps, un concours assidu à la rédaction du Journal des économistes et aux discussions de la Société d’économie politique, dont il fut longtemps un des présidents et le représentant le plus autorisé. Il était président de la Société de statistique. Dans son cabinet, il encourageait de ses conseils la jeunesse laborieuse sans compter jamais le temps qu’il donnait pour être utile. Il jugeait avec bienveillance les personnes ; car la bonté était une qualité éminente en lui ; elle se manifestait en toute circonstance, sans apprêt et sans vivacité de démonstration, comme la manière d’être naturelle d’un caractère élevé et d’une âme sereine. Lorsque l’Académie des sciences morales et politiques publia, en 1848, une série de petits traités populaires, Hippolyte Passy apporta sa contribution par le Traité sur les causes de l ’inégalité des richesses. C’est un de ses meilleurs ouvrages.

C’est encore sur l’invitation et sous les auspices de l’Académie qu’il traita des systèmes de culture en France et de leur influence sur l’économie sociale. Cet important ouvrage a eu deux éditions et est devenu un des livres classiques sur la matière. Dans ses conclusions, H. Passy établissait que dans l’état pré-