Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/394

Cette page n’a pas encore été corrigée

NECKER

— 390 —

NECKER

réparation éclatante et dont la plus importante était son entrée dans le conseil, tout en conservant sa religion. Cette demande ayant été repoussée, Necker, après quelques jours de nouvelles négociations , donna sa démission (19 mai 1781).

La France fut consternée. « Des hommes de toutes classes et de toutes conditions, des prélats, tous les personnages qui n’étaient pas trop engagés dans le parti de la cour, se hâtèrent d’aller au château de Saint-Ouen présenter à Necker des consolations sur sa disgrâce. »

Celui-ci rédigea, sous le titre d’Administration des finances, une longue apologie de son ministère. La publication de cet ouvrage augmenta encore les regrets de la France. Le séjour de Paris fut interdit à l’auteur, mais « aucun écrit sur des sujets aussi sérieux n’eut un succès tellement populaire ». Quatre-vingt mille exemplaires en furent distribués. Necker s’y laisse aller, dans l’introduction, à un désir d’approbation excessif ; mais son livre est intéressant par l’étendue des renseignements qu’il renferme sur l’état de la France avant 1789 et constitue un complément précieux du Compte rendu. Ce dernier ouvrage n’avait trait qu’à la situation financière. et, à ce point de vue même, était très incomplet ; les charges de la guerre et des services de l’armée n’y étaient pas indiquées ; la dette flottante était omise. Sur 430 millions environ de revenu total, il n’en avait été compté que 264 ; le reste appartenait à diverses caisses dont le directeur général n’avait pas parlé parce qu’il n’avait yur elles aucune action. De plus, les chiffres fournis n’étaient pas spéciaux à telle ou telle année ; ce n’étaient que des moyennes très générales dans le calcul desquelles n’étaient entrés ni les fonds consommés d’avance, ni les sommes recouvrables ultérieurement, de sorte que l’état des recettes et des dépenses placé à la fin de l’ouvrage ne devait être accepté qu’à titre d’indication. « Le Compte rendu, a dit Droz, était un travail fort ingénieux, qui paraissait prouver beaucoup et qui ne prouvait rien. »

On conçoit, dès lors, que Calonne ait pu croire politique de renouveler, lors de la réunion de l’Assemblée des notables en 1787, les attaques dont ce travail avait été l’objet. Dans son discours d’ouverture, Calonne insinua que Necker, en se retirant, avait laissé un déficit considérable ; dans les bureaux de l’Assemblée, il chiffra ce déficit. Necker demanda au roi, comme il l’avait fait en 1781, de faire vérifier les allégations du ministre ; cette demande ayant été écartée, il en appela au public dans un Mémoire en réponse, à la suite duquel il fut exilé à vingt lieu es de Paris. C’est ainsi que commença la fameuse querelle sur le déficit qui amena la chute écrasante de Calonne. Des historiens compétents ont montré comment cette querelle porta sur les mots au moins autant que sur les choses. La dette flottante devait-elle entrer dans le compte des emprunts ? L’un disait que non, l’autre estimait que oui. Necker s’appuyait sur les chiffres du Compte rendu, bien qu’ils n’eussent pas un caractère précis ; Calonne ne fournissait pas de données plus exactes ; l’étendue et la nature des dépenses que celui-ci avait faites parlèrent bien plus hautement que les raisons alléguées par son adversaire. Louis XVI refusa de se prononcer même après avoir reçu de l’ancien contrôleur général Joly de Fleury une déclaration favorable à Necker. Quand il se fut décidé à chasser Calonne et à l’exiler de France, il s’efforça de ne pas rappeler aux affaires l’auteur du Compte rendu. 11 ne le fit qu’un an plus tard (26 août 1788), lorsque Brienne eut exaspéré la France et rendu la banqueroute imminente.

Necker fut regardé à ce moment comme le sauveur de l’État, aussi bien par la Cour effrayée que par la multitude. Son administration ne répondit qu’imparfaitement à ce que les uns et les autres en attendaient. Pour expliquer l’impuissance des efforts de Necker, on a dit qu’il avait été rappelé trop tard et qu’il avait été associé à la marche du gouvernement plutôt qu’il ne l’avait dirigée. Des obstacles de toute espèce ont été placés sur la route du ministre, soit par la cour qui, tout en comptant sur son habileté pour rétablir les finances, le regardait comme un ennemi de l’aristocratie, soit par le roi qui ne pouvait supporter sa vanité et ses allures bourgeoises, soit par la Constituante et par Mirabeau qui jalousaient sa popularité et qui, voulant suivre une voie libérale, étaient gênés par ses prétentions autoritaires. Mais si grands qu’aient été ces obstacles, ils ne suffisent pas à expliquer les fautes ou les incertitudes qu’on remarque dans la conduite de Necker à la veille ou au lendemain de .

Quand il prit le pouvoir, les finances étaient dans un état déplorable ; les caisses contenaient 500000 francs, les dépenses de chaque semaine devaient dépasser plusieurs millions. Le nom seul du ministre ramena la confiance ; les fonds montèrent de 30 p. 100 et des capitalistes, auxquels Necker offrit en gage sa propre fortune, consentirent à fournir au Trésor des ressources momentanées ; l’arrêt du 16 août par lequel le paiement des rentes avait été suspendu, fut révoqué et le crédit