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sentielle et fondamentale de sa prospérité. De leur côté, les sociétaires ne jouiront de la certitude morale d’être toujours efficacement soutenus contre les éventualités prévues qu’autant que les sacrifices qu’ils s’imposent correspondront aux garanties qu’ils recherchent.

Il est donc indispensable que les risques à couvrir soient l’objet d’évaluations sérieuses au moyen de tables dressées à cet effet (V. Police d’assurance). Les risques variant avec l’âge d’entrée des sociétaires et avec leur profession, les cotisations doivent varier avec ces mêmes éléments.

Le fonds social d’une mutualité appartient non à chacun des membres en particulier, mais à la masse pour les objets déterminés par les statuts ; d’où la nécessité de proscrire toutes remises ou modérations accordées à une fraction des membres de la société sur le montant de leurs cotisations. Il serait désirable que la cotisation du sociétaire, au lieu d’être fixée à un chiffre uniforme pour la durée de sa vie, fût calculée de telle sorte qu’elle put varier comme varie le rapport de la productivité du travailleur aux charges qui lui incombent.

On a justement observé que la vie de l’ouvrier est loin d’être uniforme à ce point de vue. M. Paul Leroy-Beaulieu la divise en six périodes : « 1° Celle où il est à la charge de ses parents : elle commence à sa naissance et dure jusqu’à l’âge de quatorze ou quinze ans environ ; 2° celle où il peut se suffire sans avoir encore d’excédent de recettes qui soit disponible pour l’épargne : elle va de l’âge de quatorze à quinze ans à celui de dix-sept ou dix-huit ; 3° l’âge vraiment productif pour l’épargne et décisif pour l’avenir de l’ouvrier : ce sont les huit ou dix années qui s’étendent de l’âge de dix-sept ou dix-huit ans jusqu’au mariage, ’c'est-à-dire jusqu’à vingt-cinq, vingt-huit ou trente ans ; alors l’ouvrier jouit de tous les gains de l’homme fait sans avoir encore les charges du ménage ; il est rare qu’il ne puisse pas épargner le quart, le tiers, parfois la moitié de sa rémunération ; c’est la période importante pour le travailleur capable et frugal ; il peut y accumuler un trésor de plusieurs milliers de francs ; 4° F ouvrier se marie à vingt-cinq, vingt-huit ou trente ans, il a des enfants, ses charges deviennent lourdes ; s’il n’a pas d’économies, il est rare que la gêne ne survienne pas ; en tout cas, l’épargne se ralentit ; cette période dure quinze ou dix-huit ans jusqu’à l’âge de quarante-cinq ou de quarante-huit ans ; 5° survient une autre période, mais plus brève, d’aisance et où l’économie est de nouveau facile, c’est celle OÙ les enfants sont d’âge à se suffire et où l’ouvrier, n’ayant pas encore perdu sa vigueur et son habileté, peut continuer à exercer son métier : cela dure huit ou dix ans, de quarante-cinq ou de quarante-huit à cinquante-cinq : il peut encore de nouveau épargner le quart, le tiers, parfois plus de ses gains ; 6° la vieillesse qui, pour le simple travailleur manuel, est souvent précoce, débute à cinquante-cinq ou cinquante-huit ans et se divise elle-même en deux époques, celle où l’ouvrier peut encore se livrer au travail, mais avec moins de succès et en obtenant une rémunération moindre, et celle vers l’âge de soixante-cinq ou soixante-dix ans, où il ne peut plus guère rien gagner. » Il serait facile, dirons-nous avec M. Chaufton, pour la fixation des tarifs de l’assurance ouvrière, de tenir compte de ces particularités de l’existence de l’ouvrier et de graduer les cotisations suivant la période dans laquelle il se trouverait.

Il faut remarquer que les sociétés peuvent avoir à faire face à des nécessités dépassant les prévisions ou à des risques peu susceptibles d’évaluation, tels que le chômage résultant de crise industrielle ou de grève ; il sera donc utile que les statuts stipulent, en vue de ces nécessités imprévues, l’obligation éventuelle pour les associés d’opérer des versements supplémentaires.

C’est ici le lieu d’indiquer la nécessité de l’assurance en cas de chômage et le caractère particulier qu’elle doit revêtir. On a justement fait remarquer que cette assurance est la clef de voûte des assurances ouvrières. Toutes les autres resteront inefficaces si le chômage qui tarit les salaires vient suspendre le payement des primes et fait ainsi déchoir l’ouvrier de tout droit acquis. De là ressort la nécessité d’une caisse spéciale d’assurance qui, en dehors des secours au sociétaire sans travail, acquitterait directement pour son compte les différentes cotisations qu’il serait dans l’impossibilité de payer par suite de chômage résultant soit de manque de travail, soit de grève générale. ° Gestion financière. —La mutualité reposant sur l’épargne comporte l’usage des procédés perfectionnés de l’épargne : réunion de faibles éléments ; mise en productivité des sommes ainsi formées ; capitalisation incessante des intérêts.

La gestion d’une mutualité exige, en outre, l’application des principes qui s’imposent à toute organisation financière notamment en ce qui concerne les placements de fonds qui doivent réunir d’abondantes conditions de sécurité de productivité et de mobilité. La comptabilité ne doit pas être seulement régulière, elle doit être établie distincte