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cette doctrine : « Le droit de propriété et la conservation de cette propriété ayant été le premier motif de la réunion des hommes en société, et étant antérieurs à la société elle-même, celle-ci ne peut y porter atteinte sous aucun prétexte ».

En 1772, Morellet reçut la mission d’aller en Angleterre pour y recueillir « quelques renseignements et instructions utiles en matières commerciales ». Favorisé et aidé en toute chose par lord Shelburne qu’il avait connu à Paris, chez M, Trudaine, il visita les grandes manufactures du Wiltshire et du Glocestershire et y réunit une belle collection de notes et de dessins. Mais ce ne fut pas là le seul fruit de ce voyage. Il avait eu l’occasion de voir souvent lord Shelburne, il avait eii avec lui de fréquents entretiens, et son esprit et son caractère avaient été appréciés à ce point que, lors de la paix survenue entre l’Angleterre et les États-Unis, ce ministre lui en attribua en quelque sorte tout le mérite : « C’est lui, écrit-il au ministre français, qui a libéralisé (sic) mes pensées, et si le roi est content de toute cette négociation », il ne saurait mieux témoigner sa satisfaction, qu’en donnant une abbaye à Morellet. Louis XVI fit mieux, il lui accorda 4000 francs de pension, sauf retenue, sur les économats. Dès les premiers temps de la Révolution, Morellet écrivit les Réflexions du lendemain pour blâmer la précipitation et les vices des opérations faites sur les biens ecclésiastiques. Cet écrit fut suivi de : Moyens de disposer utilement, pour la nation, des Mens ecclésiastiques. Il y repousse la prétention du clergé de former un corps politique, habile à posséder des biens en propriétés incommutables ; il y soutient le principe que la possession des fonds et des dîmes du clergé, n’est qu’usufruitière ; et il propose, au lieu d’attribuer sans profit plus de 70 millions de dîmes aux propriétaires, de conserver au clergé ses dîmes et ses fonds, mais en exigeant des bénéficiaires le tiers de leurs revenus, affecté au payement de la dette nationale ; lequel tiers donnerait 30 millions qui iraient toujours s’accroissant par l’abolition des ordres monastiques et la vente de leurs biens. Les choses n’allèrent point ainsi. Le bon abbé lui-même se vit dépouillé de tout, et passa, presque sans transition, de 30 000 francs de rentes ou pensions, à 1200 francs à peine ; ce qui l’obligea, pour vivre, à faire les nombreuses traductions anglaises qu’on connaît de lui.

En messidor 1795, Morellet fut nommé professeur d’économie politique aux écoles centrales. Il déclina cet honneur et voici la raison qu’il donne de ce refus : « J’aurais accepté avec empressement, dans d’autres circonstances ; mais je ne voulais pas être professeur de législation sous l’autorité de’ semblables législateurs.

Morellet se consacra dès lors à la philosophie et à la littérature, ainsi que ses derniers écrits et sa correspondance en témoignent. En 1803 il fut nommé membre de l’Institut et en 1806, quand l’Académie française fut reconstituée, il lui apporta ses archives et le manuscrit de son Dictionnaire, qu’il avait emportés chez lui pour les soustraire au pillage et aux dévastations qui devaient avoir lieu le jour du premier anniversaire du 10 août 1792. Un sénatus-consulte du 17 février 1808 le nomma membre du Corps législatif pour le département de la Seine ; à la législature suivante, il fit partie de la Chambre des députés dont il resta membre jusqu’en 1815. Il y parla peu ; son grand âge avait affaibli sa voix. Mais il reste un discours de lui sur la question du monopole des fers étrangers.

Les dernières années de l’abbé Morellet furent calmes et heureuses. Il s’éteignit doucement au milieu des siens : «J’ai eu, disait-il, l’étoile que je me serais choisie, si jamais j’avais pu croire à ce que chacun appelle son étoile. » Il avait quatre-vingt-douze ans. Bibliographie.

Les ouvrages de Morellet sont nombreux. Nous ne citerons que les principaux.

Petit écrit sur un sujet intéressant, contre l’intolérance qui faisait persécuter les protestants du Midi ; son premier ouvragé, qui décida de son admission parmi les encyclopédistes. — Analyse de l’ouvrage de M. de Necker, svr la législation et le commerce des grains. Paris, 1774. — Fragment d’une lettre à M. de Malesherbes sur le commerce des grains, in-12,^35 pages. — Lettres sur la police des grains, 1775, in-8°. — Examen du gouvernement d’Angleterre, 1789 (24 pagesj. — Mémoire des fabricants de Lorraine et de Bar, concernant le projet d’un nouveau tarif. Nancy, in-8°, 1762. — Mémoire sur la situation actuelle de la C'"> des Indes (Examen de la réponse de M. de Necker, favorable à la compagnie. Paris, 1769,in-4°). — Mémoire relatif à ta discussion du privilège de la O des Indes. Paris, in-8°, 1786 (86 pages). — Prospectus d’un nouveau Dictionnaire du commerce, 1769, in-8°. — Réflexions sur les avantages de la liberté d’écrire et d’imprimer sur les matières d’administration. Paris, 1777, in-8°. — Re flexions sur les avantages de la libre fabrication des toiles peintes et de leur usage, en France, Réponse aux mémoires des fabricants de Paris, Lyon, Tours, Rouen, etc., 1758, in-12. — Réflexions sur les préjugés qui s’opposent au progrès de l’inoculation en France, in-8°, 1773. — Réfutation de l’ouvrage de Galiani, intitulé : Dialogue sur le commerce des blés, in-8°, 1770. Réponse précise au Procès pour les actionnaires de la nouvelle C ie des Indes. Paris, in-8°, 1787 (39 pages). —Moyens de disposer utilement, pour la nation, des biens ecclésiastiques, 1789, in-8» (20 pages). — Le Cri des familles, 1795, in-8°. — Sur la restitution des Mens des victimes de la Révolution à leurs héritiers. — La cause des pères sur la restitution à leurs héritiers des biens des émigrés, 1795, in-8». Ces deux écrits influèrent tellement sur l’opinion publique, que la Convention, bien qu’elle y répugnât, rendit deux décrets conformes à leurs conclusions-