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Il fît ses premières études chez les jésuites de Lyon, vint les achever à Paris au séminaire des Trente-Trois et entra, après un brillant examen, en Sorbonne, où il devint l’ami de l’abbé Turgot, l’abbé de Brienne (Loménie), l’abbé de Boisgelin, etc. C’est sans doute à leur fréquentation qu’il faut attribuer la tournure de son esprit et la nature de ses travaux les plus importants.

Morellet s’était fait connaître par des écrits littéraires et philosophiques, notamment par des articles donnés à l’Encyclopédie sur l’intolérance religieuse et surtout par sa Vision de Charles Palissot, où il défendait ceux qu’on appelait alors les philosophes, lorsqu’en 1737 et 1758 on agita, au conseil de commerce, la question de la liberté de la fabrication des toiles peintes. « Toutes les tyrannies financières étaient employées pour empêcher l’établissement, en France, de cette industrie, jusque là, dit Morellet dans ses Mémoires, qu’on voyait nombre d’hommes aux galères pour une pièce de toile ». La question fut portée au conseil ; Trudaine chargea Morellet de la traiter contra dictoirement avec les marchands et les fabricants. C’est pourquoi, en mars 1758, il fit paraître : Réflexions sur les avantages de la libre fabrication des toiles peintes en France. L’analyse de cet écrit serait aujourd’hui d’un médiocre intérêt, mais il eut alors une influence considérable. Détail curieux, Morellet n’avait pas osé conclure, comme l’y devait amener son argumentation, à la libre entrée des toiles peintes en France. Il se contenta de réclamer la libre fabrication, et demanda des droits considérables sur les produits similaires étrangers.

Peut-être avait-il été obligé de ménager la compagnie des Indes qui avait alors le privilège d’introduire les toiles peintes de l’Indoustan à charge de réexportation ; si tel fut le motif qui influença ses conclusions, il avait singulièrement modifié ses vues, quand en 1769, il commença sa fameuse campagne contre le privilège de la Compagnie des Indes (V. Privilèges § 2, A) « dont les affaires, dit-il, étaient montées au comble du désordre ». Magnon dTnvau, contrôleur général, qui avait chargé l’abbé de traiter la question, lui avait fait remettre, pour les consulter, tous les états de situation de la Compagnie. Il rédigea donc, sur ces documents, plusieurs mémoires et brochures dans lesquels il démontra que la Compagnie était désormais hors d’état de continuer ses affaires par elle-même, et que le roi ne pouvait lui continuer les subsides annuels qu’il lui fournissait depuis quarante ans. Ces écrits, du reste, n’avaient qu’une seule et même conclusion, à savoir : « Qu’une Compapnie privilégiée n’était ni bonne, ni nécessaire pour faire utilement le commerce des Indes ». Necker eut beau plaider la cause de la Compagnie, un arrêt du conseil supprima le privilège.

Tout en s’occupant de ces petits traités, Morellet travaillait à un grand ouvrage, dont il n’a laissé que le Prospectus (1 vol. in-8° de 500 p.). Cet ouvrage était le Nouveau Dictionnaire du commerce. Les frères Estienne l’avaient chargé de reviser le Dictionnaire de Savary ; il s’était déjà mis à la besogne, mais elle lui parut bien ingrate. Tout d’un coup il changea d’idées et se lança dans une œuvre originale. Il avait étudié l’économie politique, et surtout le commerce avec Gournay ; à la mort de son ami, on lui avait remis ses papiers, une « centaine de mémoires sur les objets les plus intéressants de la théorie générale du commerce et de son administration en France ». Enfin, soit par lui-même, soit avec l’appui de l’administration, il en avait, pendant une vingtaine d’années, recueilli, classé, coordonné tous les documents. La publication allait commencer quand éclata la Révolution qui changea tous ses projets 1 . D’après le Prospectus, le Dictionnaire eut été divisé en trois parties ou vocabulaires : 1° le Vocabulaire de géographie commerçante, avec le nom des États et des provinces de ces États, y compris les villes, l’étendue, le commerce, les capitaux, le crédit, la dette, les produits et la spéculation ; 2° le Vocabulaire des substances, qui sont matières à commerce : produits, mines, pêches et industries se rattachant à ces substances ; et 3° le Vocabulaire des termes abstraits, tels que : argent, change, banque, circulation, hypothèques, monnaies, intérêts, luxe, manufactures, population, etc.

Le programme a de quoi faire regretter l’ouvrage. On le regrette d’autant plus que ce prospectus contient des morceaux d’économie politique qui sont d’un maître, notamment une analyse de l’utilité et de la valeur qu’il fut le premier à distinguer avec quelque netteté. Nous n’insisterons pas sur ce point : on le trouvera exposé avec quelque détails dans un solide article de M. Schelle, publié en novembre 1890 dans le Journal des Économistes. Un autre et important ouvrage de Morellet fut : la Réfutation de Vabbé Galiani sur le cornmerce des blés. Dans cet écrit, l’auteur ne s’était surtout attaché qu’aux développements logiques du principe du droit de propriété. Toute son argumentation roule autour de . Tous ces importants matériaux furent plus tard tard remis par Morellet à J. Peuchet qui les a utilisés dans son Dictionnaire universel de géographie commerçante-.