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l’application : les valeurs ainsi taxées étaient, jusqu’en 1883, inférieures à 4 millions do francs par an ; elles ont atteint 18 millions en 1885 et oscillent depuis entre 15 et 10 millions. Il pourra se faire de la sorte bien des rectifications de frontières .

. Remèdes possibles : remaniements collectifs.

Les échanges amiables entre propriétaires voisins peuvent être un remède suffisant à l’enchevêtrement des terres dans les pays où le mal n’existe qu’à l’état sporadique, mais il y a des contrées entières où la dissémination des héritages est la règle, non l’exception, et alors l’initiative individuelle serait souvent impuissante. Dans nos départements de l’Est, en Lorraine, en Alsace, dans les provinces rhénanes, dans la Hesse, dans la Saxe, dans le grand-duché de Bade, dans le royaume de Wurtemberg et jusqu’en Autriche, la pratique séculaire de l’assolement triennal a divisé une foule de communes en trois zones distinctes, et une exploitation n’y était complète qu’à la condition de se partager entre les trois zones. Beaucoup de propriétaires avaient là leurs diverses cultures situées à de grandes distances l’une de l’autre, sans chemin pour aller de Tune à l’autre. En présence de l’extrême confusion à laquelle on était ainsi arrivé sur certains points, les pouvoirs publics furent amenés à se demander s’il n’y aurait pas lieu de réorganiser d’office, par voie d’échanges forcés, ces territoires dépréciés.

Nous ne pouvons pas entreprendre ici l’histoire de ces remaniements collectifs et obligatoires (V. Réunions territoriales) : les trois derniers siècles en ont vu des exemples en Suisse, en Bavière, en Souabe, en Prusse, en Ecosse, en Danemark et même en Angleterre. Frédéric II, dans ses Mémoires, revendique l’honneur d’avoir refait de sa propre autorité la carte d’un certain nombre de localités où les terres lui semblaient trop mal découpées. De nos jours, un décret ne suffirait pas, même en Allemagne, pour imposer aux particuliers une intervention si dictatoriale. Mais la loi est intervenue à cet effet dans presque tous les États allemands. Lorsque le remaniement collectif des héritages, dans une commune, est demandé par la majorité des propriétaires locaux, les autres sont forcés de le subir. La majorité exigée n’est pas, d’ailleurs, la même dans tous les cas et la législation tend à devenir de plus en plus facile à cet égard. En Saxe, par exemple, la loi du 14 juin 1834 voulait que les trois quarts de la surface imposable fussent représentés î celle du 6 novembre 1843 ne demandait plus que les deux tiers des suffrages ; celle du 23 juillet 1861 se contente de la majorité absolue et il y a même des cas où elle s’en passe. En Autriche, la loi du 7 juin 1883 stipule seulement l’approbation de la moitié plus un des propriétaires, pourvu que leur revenu cadastral représente les deux tiers du revenu total. Près de 2 millions d’hectares de terres enchevêtrées ont ainsi été réorganisés dans les pays d’outre-Rhin. On peut, pour apprécier les mesures de ce genre, se placer à deux points de vue différents. Comme résultats matériels, les remaniements entrepris en Allemagne ont généralement réussi et l’on a pu citer des cas où il en résulterait d’extraordinaires plus-values 1 . Mais comment justifier l’atteinte portée au droit de propriété ? L’expropriation pour cause d’utilité publique (voy. ce mot) est une nécessité : l’expropriation pour cause d’utilité privée nous semble inadmissible ; et, quoi qu’en disent les apologistes du système prussien, il y a bien expropriation quand une famille se voit enlever malgré elle un coin de terre qui lui appartient, quelles que puissent être les compensations qu’on lui donnera ailleurs. Nous ne sommes donc pas de ceux qui considéreraient comme un bienfait l’importation en France du régime des permutations forcées. Mais nous ne pensons pas qu’il faille renoncer pour cela à hâter, par une action collective, le redressement d’un état de choses défectueux et nous avons d’autant moins lieu de le penser qu’en France bien des communes rurales ont déjà su obtenir le même résultat sans qu’il ait été besoin pour cela d’aucun excès de pouvoir.

L’ancien régime lui-même nous offre, notamment en Bourgogne et en Lorraine, d’assez nombreux exemples de ces remaniements collectifs effectués d’un commun accord par un groupe de propriétaires. Mais les précédents les plus topiques ne remontent qu’à une trentaine d’années. Nous voulons parler de ces « remembrements » dont l’agent le plus actif a été le géomètre Gorce, de Nancy, et qui, de 1860 à 1890, ont transformé de la manière la plus heureuse le territoire de vingt-cinq communes du département de Meurthe-et-Moselle enrichissant tous les propriétaires à la fois (500 francs de plus-value par hectare, en moyenne) et tarissant pour l’avenir la source des procès. Le traitement dont il s’agit ici consiste en deux opérations connexes et combinées, savoir : . Voir, par exemple, dans le Bulletin du ministère de l’agriculture de juin 1890, p. 273, les résultats obtenus à £fc«inheini (Wertphalie)