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aient moins d’enfants que les autres catégories de capitalistes ou que la petite propriété soit à cet égard plus dangereuse que la propriété moyenne, par exemple. Les quelques chiffres recueillis par M. Urbain Guérin dans deux ou trois communes rurales tendraient précisément à prouver que la fécondité des ménages augmente lorsque l’importance des domaines diminue. Quant à la statistique officielle, elle montre que les neuf départements (Seine et Rhône exceptés) où les exploitations de moins de 10 hectares sont proportionnellement le plus nombreuses se trouvent au-dessus de la moyenne en ce qui concerne la fécondité des ménages : l’exemple de la Savoie est particulièrement remarquable. Et le département le plus riche en grandes exploitations (Landes) reste , au contraire, au-dessous de la moyenne. En présence de ces constatations, l’influence stérilisante de la petite propriété devient difficile à affirmer. En réalité, ce que craignent les époux qui s’interdisent les postérités abondantes, c’est avant tout de diminuer leur propre bien-être ; c’est ensuite de condamner leurs descendants, par leur nombre même, à une sorte de déchéance sociale. Or, cette variété d’égoïsme individuel ou familial s’explique mieux encore chez le petit bourgeois que chez le paysan : le ménage villageois qui a 1000 ou 2000 francs de terre n’est pas assez haut placé dans l’échelle sociale pour que ce soit la crainte de voir ses enfants déchoir qui l’empêche d’en avoir plus d’un ; et, comme son immeuble ne représente, en somme, que le fruit de quelques années de labeur, il sait que chacun de ses fils, s’il en a plusieurs, pourra, en travaillant et en épargnant à son tour, se conquérir le même luxe.

Au point de vue de la natalité, comme au point de vue du morcellement lui-même, la liberté testamentaire ne tiendrait probablement pas toutes les promesses que l’on croit pouvoir faire en son nom.

II. SECONDE FORME EU MORCELLEMENT : LE FRACTIONNEMENT PARCELLAIRE DU SOL. Pour l’économiste, le fractionnement parcellaire du sol n’a pas le même intérêt que la division de la propriété. Aussi nous ne nous y arrêterons pas longtemps ; mais il importe de faire ici justice des trop fréquentes équivoques auxquelles donne lieu cette seconde forme du morcellement. Beaucoup de ceux qui ont disserté sur la propriété foncière confondent la parcelle cadastrale, tantôt avec la cote, tantôt avec le morceau de propriété isolé. Cette dernière interprétation, à vrai dire, est celle du Dictionnaire de l’Aca-MORCELLEMENT

demie et de celui de Littré :■« Parcelles,* disent-ils, terme de cadastre, se dit de chaque petite portion de terre séparée des terres voisines et appartenant à un propriétaire différent ». Seulement le cadastre, directement mis en cause par les deux dictionnaires, les contredit tous les deux. Le Recueil méthodique des lois, décrets, règlements, instructions et décisions sur le cadastre définit la parcelle « une portion de terrain, située dans un même canton, triage ou Heu dit, présentant une même nature de culture et appartenant à un même propriétaire »♦ La différence est considérable entre cette définition et celle des dictionnaires, puisque Tune fait de la parcelle une question de propriété et que l’autre en fait alternativement une question de propriété ou une question de culture. Le Recueil méthodique n’autorise aucun doute. Une masse de terres labourables qui se partage entre trois propriétaires forme trois parcelles ; mais une masse de terre appartenant à un seul propriétaire et partagée entre trois cultures distinctes, telles que labour, vigne, pré, forme également trois parcelles. D’autre part, un champ affecté tout entier à la même culture et appartenant tout entier au même propriétaire, mais coupé en deux par une haie, un fossé, un chemin, un ruisseau ou autre limite fixe, forme deux parcelles ; et deux maisons contiguës, ayant chacune sa porte, font deux parcelles aussi, bien qu’appartenant à la même personne. Il semblerait même que, dans la pratique, chaque bâtiment fournit deux parcelles, une pour le terrain qui le porte et l’autre pour la construction.

La parcelle cadastrale n’implique donc pas nécessairement une discontinuité dans la propriété du sol. Le domaine le plus compact peut fournir au cadastre de nombreuses parcelles ; nous avons cité ailleurs un vaste domaine dont les 450.hectares sont d’un seul tenant et qui n’en comporte pas moins plus de cent parcelles cadastrales. On comprend dès lors à quelles erreurs ont dû se trouver entraînés les auteurs et les orateurs qui raisonnaient sur les nombres de parcelles que le cadastre a relevés, en assignant à ce mot de parcelles un sens que le vocabulaire cadastral lui a toujours refusé.

Dans l’ancien livre terrier du cadastre, la partie imposable de la France continentale (49 millions 4/40 d’hectares) se décomposait en 126 millions de parcelles, ce qui faisait ressortir l’étendue moyenne de la parcelle, bâtie ou non, à 39 ares. En évaluant à 16 millions le nombre des parcelles fournies par les 7 millions de propriétés bâties imposables du livre terrier, il restait 110 millions