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serait vraisemblablement de supporter sans Tévolte le poids excessif des charges foncières, que le système de la répartition lui fait aujourd’hui patiemment accepter. « Transformer l’impôt foncier en un impôt sur le revenu des terres est chez nous, dans notre état social politique et administratif, une impossibilité absolue, » dit M. Léon Say dans sa brochure sur le Dégrèvement de V impôt foncier (1882).

Tout au plus peut-on songer à introduire le, système de la quotité à l’égard des propriétés bâties. Celles-ci, en effet, par leur nature mêise, se prêtent plus aisément que la terre à l’application d’un tarif. Elles se trouvent entre les mains d’un moindre nombre de contribuables, généralement plus aisés et, surtout, leur revenu, leur valeur locative, offrent à l’imposition une base relativement certaine et constante, que les taxateurs peuvent, à la rigueur, évaluer facilement. C’est pourquoi le contingent total de l’impôt foncier a été, depuis quelques années, divisé chez nous en deux parts, dont l’une concerne exclusivement les propriétés bâties, afin de permettre de pratiquer sur celles-ci isolément les expériences de quotité que de nombreux projets réclament, et que la loi du 8 août 1890 a réalisées *. Du reste, à l’étranger, la taxe sur les maisons est presque toujours de quotité. En Angleterre, en Italie, en Prusse, en Bavière, en Autriche, etc. 2 , nous la rencontrons telle. Par conséquent, on ne saurait élever d’objections contre un système dont la plupart de nos voisins nous offrent l’exemple. Mais étendre la quotité à l’impôt sur la propriété non bâtie, assujettir la terre à un tarif, mettre le cultivateur en rapport direct et annuel avec l’agent du fisc, voilà ce qu’on ne rencontre plus, ni en Belgique, ni en Italie, ni en Bavière, ni en Prusse, et ce qui serait impraticable en France.

< Je considère, disait encore M. Léon Say dans un discours du 4 mars 1881, que le gouvernement qui entreprendrait une pareille tâche, dût-il l’accomplir et surtout s’il l’accomplissait, ne pourrait pas y survivre... La seule pensée de soumettre les cultivateurs de toute la France à une sorte d’exercice, analogue à celui que n’ont pas pu supporter les bouilleurs de cru, c’est, au point de vue administratif comme au point i. Dans les discussions qui ont précédé la loi du 8 août 1890, la question de l’impôt de quotité a été traitée au point de Tue théorique, ayee beaucoup de science et d’élévation. (Voir notamment les discours de M. Léon Say, à la Chambre des députés et de M. Boulanger au Sénat.) . Consulter l’enquête dirigé par le Ministère des affaires étrangères, à la demande de l’administration des contributions directes. (Bulletin de staiistiquedes finances.) de vue politique, une entreprise qui ne supporte même pas l’examen. »

. Impôts sur le luxe : leur assiette demeure incertaine et forcément restreinte. — Exemples à l’appui. — Il est cependant nécessaire de frapper l’ostentation de la richesse. L’idéal consisterait à transporter tout le poids de l’impôt sur ce qu’on nomme le luxe, en s’abstenant absolument de taxer le nécessaire. Un tel idéal n’est malheureusement pas réalisable.

Le luxe, en effet, offre une base très fragile à l’impôt et cela pour deux raisons : d’abord, parce que ses limites sont mal définies (V. Luxe) ; puis, parce que, en raison même de sa nature, il ne saurait fournir au Trésor que des revenus de minime importance.

« Qu’est-ce que le luxe ? disait Voltaire, un mot sans idée précise. » Et il ajoutait : « Transportons-nous au temps où nos pères ne portaient pas de chemises ! Si quelqu’un leur eût dit : Il faut que vous portiez sur la peau des étoffes fines et légères, blanches comme, la neige et que vous en changiez tous les jours I Tout le monde se serait écrié : Ah ! quel luxe ! quelle mollesse ! vous voulez corrompre les mœurs et perdre l’État ! » (Observations sur MM. Lass, Melon et Dutot). Le luxe est donc un fait relatif, relatif aux temps et relatif aux personnes. Ses limites forment une ligne sinueuse qui, selon le niveau de la civilisation et selon les positions individuelles, s’élève ou s’abaisse incessamment. « Chaque classe, dit M. Paul Leroy-Beaulieu, considère comme luxe les objets que sa situation de fortune ne lui permet pas de posséder et dont la classe supérieure, au contraire, a les moyens d’user». [Précis d’économie politique.) Dès lors, comment asseoir théoriquement une taxe sur une matière aussi indéfinis^ sable ? 11 ne suffit pas de dire vaguement, au nom de la science pure, que le luxe doit être imposé. II faut préciser et, dès que l’on précise, on se trouve en présence d’un très petit nombre d’objets méritant, sans contestation, le nom d’objets de luxe. C’est pour cette raison que les taxes sur le luxe, comme nous l’avons indiqué, ne sont jamais très productives. Laissons d’abord de côté celles qui, sous la forme de lois $omptuaires{Y, ce mot), s’attachent spécialement à réprimer l’abus des dépenses. Ce sont des mesures de police, dont le résultat, s’il était atteint, consisterait précisément à détruire la matière imposable elle-même. Nous l’avons dit déjà à propos de l’impôt moralisateur.

Mais même tablisé conformément aux