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sible devant leur exécution et, avec les retards, les obstacles et les inégalités grandissent.

C’est ainsi qu’en France les contingents de l’impôt foncier n’ayant pas été revisés depuis 1821, de récentes enquêtes ont révélé que, tandis que certains départements payaient une part d’impôt équivalant à 7,21 p. 100 de leur revenu foncier, certains autres départements ne payaient que 2,50 p. 100 de ce même revenu. Entre les communes, l’écart va de 1 p. 100 à 30 p. 100, Si les statistiques pouvaient aboutir aux cotes individuelles, les différences dans les taux de la taxation deviendraient encore plus exorbitantes. De telles inégalités compromettent aujourd’hui l’existence même de l’impôt foncier. Car, ne sachant plus par quel moyen rétablir sa proportionnalité, on allait jusqu’à parler de sa suppression, ou de son abandon aux communes ou aux départements, avant que la loi du 8 août 1890 ait procédé aune péréquation superficielle, en abandonnant io millions sur les contingents.

L’impôt de quotité ne donne jamais ouverture à ces contrastes choquants. Ses tarifs, périodiquement revisés, suivent, annuellement tout au moins, les mouvements de la matière imposable.

Pour des causes identiques, la progression du rendement des impôts. de quotité dépasse de beaucoup celle du rendement des impôts de répartition. Ainsi, de 1869 à 1889, le principal des contributions directes de répartition a augmenté de 15 p. 100 seulement, tandis que les fonds généraux des impôts de quotité, ceux des patentes spécialement, ont progressé de 50 p. 100. Sans doute, cette progression des patentes demeure encore inférieure à la progression des taxes indirectes, cotée à 80 p. 100 environ, comme on s’en souvient. Mais, dans le sein des contributions directes, la supériorité du système de quotité, à cet égard se révèle sans contestation.

On peut, d’ailleurs, pour résumer, dire que les qualités des impôts de quotité reflètent, à un moindre degré, celles que nous avons attribuées plus haut aux impôts indirects.

Comme il est toujours séduisant de voir les taxes se rapprocher ainsi de la proportionnalité et procurer, en même temps, des ressources constamment progressives au budget, l’idée 4e substituer, pour tous les impôts directs, la forme de la quotité à celle de la répartition a conquis de nombreux partisans. Dans ces derniers temps surtout, la question a été spécialement agitée à propos de l’impôt foncier, en raison des inégalités flagrantes de sa répartition qui viennent d’être signalées. De graves raisons, cependant, s’opposent à une telle transformation. La forme de la quotité, en effet, ne convient ni à tous les impôts, ni à tous les pays. En France, elle n’a jamais pu s’acclimater pour certaines taxes, malgré des essais très prudemment tentés. En 1831, par exemple, une loi du 26 mars prescrivit de convertir en impôt de quotité les contributions personnelle, mobilière et des portes et fenêtres. L’exposé des motifs justifiait la réforme par les arguments les plus solides : il n’était que trop évident que l’ancien système privait l’État de revenus importants et maintenait les plus graves injustices dans la répartition des cotisations. Cependant, au bout d’une année, il fallut, bon gré, mal gré, revenir sur la mesure, parce que le redressement des injustices et la recherche des intérêts du Trésor avaient entraîné de la part des agents de l’État des perquisitions, des contacts trop directs et trop multipliés avec le public, que celui-ci ne voulut pas supporter.

En 1841, le gouvernement tenta une nouvelle expérience de même nature. Désirant convaincre les Chambres de la nécessité de revenir aux projets réalisés en 1831, il fit procéder à des recensements préalables sur divers points du territoire. Or, ces recensements provoquèrent de telles résistances à Bordeaux, à Clermont-Ferrand, à Toulouse où il fallut braquer des canons sur les places publiques, qu’on dût s’empresser de renoncer à l’opération.

Ces précédents confirment bien nos observations antérieures sur l’extrême sensibilité des contribuables, dès qu’une même sorte de taxe les atteint en masse. Alors, pouvant se communiquer leurs réflexions, leurs plaintes, ils s’exaltent réciproquement contre la souffrance commune et mettent le fisc en déroute. D’autant plus que les agents de l’État, en raison même de la direction centralisée qu’ils reçoivent, ne sauraient apporter une flexibilité suffisante dans l’accomplissement de leur mission. Le mécanisme que les administrations publiques mettent en mouvement possède, sans doute, une grande puissance, mais il est forcément rigide, implacable, hors d’état de se plier aux circonstances et aux milieux, comme peut le faire la main plus conciliante des pouvoirs locaux.

Certainement donc, le Trésor trouverait grand profit à ce qu’un tarif uniforme frappât annuellement, d’une manière directe, chaque revenu foncier. Mais, avec ce régime de quotitéj la masse des prppriétaires ces-