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métaux qu’ils savent être déprécié : elle provoque l’émigration du métal dont la valeur réelle est supérieure à celle que lui assigne le rapport de i à 15 1/2.

Si l’on n’envisage que les relations courantes entre personnes habitant également le territoire français, on ne voit pas très bien l’intérêt que peuvent avoir les débiteurs à livrer à leurs créanciers le métal dont la valeur réelle est moindre- En ce moment, par exemple, on peut se procurer de l’or à l’intérieur sans payer une prime et on ne pourrait pas le vendre avec une prime à l’intérieur. Pourquoi le débiteur s’attacherait-il à payer en argent plutôt qu’en or ? Le prix de revient des deux métaux est pour lui le même. Il ne peut vendre l’un plus cher que l’autre. Aussi, en fait, aujourd’hui, les payements se font, à l’intérieur, en or aussi bien qu’en argent. L’intérêt du débiteur apparaît dès que l’on considère les relations de la France avec l’étranger. Remarquons, en premier lieu, que lorsqu’on ne peut se libérer vis-à-vis de l’étranger au moyen de compensations, il faut payer en or, parce que de nos monnaies c’est la seule actuellement qui ait une valeur pleine : un banquier, dont les relations d’affaires s’étendent à l’étranger, est donc intéressé, lorsque la hausse du change indique l’insuffisance des moyens de compensation, à réserver l’or pour l’étranger et à payer ses créanciers de l’intérieur en argent. En second lieu, si la France est créancière de l’étranger, on a intérêt à la payer en argent plutôt qu’en or. La loi de germinal, en autorisant la frappe libre de l’argent, fournissait le moyen de transformer ce métal déprécié en monnaie légale. La suspension de la frappe ne permet plus à la spéculation de s’exercer sous cette forme ; il reste cependant à l’étranger un moyen de nous payer en argent, c’est de nous envoyer les monnaies de nos alliés latins. On sait que jusqu’àla loi du 5 août 1875, ce n’est pas seulement par nos débiteurs étrangers que le métal déprécié était envoyé en France. On a vu plus haut (§ 3 et 9) que la cause laplus active de l’importation dumétal déprécié était l’exportation même de la monnaie dont la valeur intrinsèque égalait la valeur nominale. Le stock monétaire de la France a été de la sorte plusieurs fois renouvelé. Chaque fois, grâce au jeu du double étalon, la mauvaise monnaie a chassé la bonne ; la France a été privée du métal qui faisait prime et est restée en posession du métal déprécié : l’argent avant 1850, l’or de 1850 à 1870. Les bimétallistes ont longtemps contesté que ces exportations du métal le plus cher infligeassent aux pays à double étalon une perte certaine et périodique, « C’est un écho lointain delà doctrine mercantile qui résonne ici », disait M. Wolowski dansl’Enquête de !870 sur la question monétaire. « Pour moi, lorsqu’un métal s’en va du pays, je lui dis bon voyage. Il reviendra quand ce sera nécessaire, il ne s’en va que s’il rencontre meilleur accueil sur le marché étranger, s’il vaut plus chez les autres que chez nous, s’il achète plus de marchandises ; jamais l’un des deux métaux qui constituent la base de notre circulation ne s’écoule sans qu’il y ait profit pour le pays 1 ». Précisant davantage sa pensée, il écrivait ailleurs : « Celui qui enverra sur le marché étranger le métal moins évalué (par la loi), touchera un bénéfice qui viendra s’ajouter à la richesse générale du pays d’origine 2 . »

Ces exportations, sans inconvénients, profitables même pour le pays en général, ont un avantage considérable : elles assurent, d’après L. Wolowski, une stabilité plus grande de la mesure monétaire. « Pour mesurer la marche du temps, la science a eu recours aux oscillations du pendule ; si celui-ci n’était formé qu’au moyen d’une seule tige métallique, l’influence de la température accélérerait ou ralentirait ses mouvements, de manière à modifier sans cesse la constatation du temps écoulé. L’art a combattu et vaincu cette difficulté, en associant deux lames de métal, agissant en sens contraire, dans le pendule compensateur... Il en est de la mesure de la valeur comme la mesure du temps : elle serait trop susceptible, elle dévierait trop fréquemment, si l’on n’employait qu’un seul métal dans le monde sous forme d’espèces ; en utilisant Por et l’argent, on obtient à chaque augmentation relative de l’offre de l’un de ces métaux, un accroissement de la demande qui lui fait équilibre, et qui entretient -une grande fixité dans l’outillage monétaire 3 . »

Il est incontestable que, les pays à double étalon étant toujours acheteurs du métal en baisse et vendeurs du métal en hausse, la loi monétaire qui provoque leurs achats et leurs ventes tend à compenser l’effet naturel de la loi naturelle de l’offre et de la demande, et àralentir ou à atténuer la baisse du premier métal et la hausse du second. Les bimétallistes ont raison de dire que le système du double étalon tend à limiter l’amplitude des variations qui se produisent, sous l’influence des lois économiques, dans la valeur relative des deux métaux et, par voie de conséquence, dans les prix exprimés en or pour les pays a i. Déposition reproduite dans l’Or et l’Argent sur la question monétaire, p. 31. . L’Or et l’Argent, p. 213,

. Jbid., p. 28.

Enquête