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faisant varier le taux de l’escompte des bons de monnaie ou celui des avances, accélérer, ralentir et même arrêter le mouvement des matières précieuses vers l’Hôtel des Monnaies. Notons aussi que, dans le système de la régie, ces matières ne peuvent plus être attirées vers le bureau du change par des réductions sur les frais’ de fabrication comme l’entreprise avait le droit d’en consentir. Aujourd’hui la Banque de France achète au pair l’or étranger importé en France. Elle ne le fait pas monnayer, préférant le conserver jusqu’au moment où l’état des changes lui permettra de le vendre pour l’exportation avec une prime. On a déjà signalé, au mot Change, certains inconvénients de cette pratique. On doit ajouter ici que la suspension de la fabrication a des conséquences dommageables pour l’état de la circulation (V. ciaprès § 5). Il n’en est pas moins certain que s’il y avait disette véritable de numéraire dans la circulation, la hausse soutenue du taux de l’escompte et la perte persistante du métal en barres sur le pair— est-ce probable pour l’or ? — amèneraient les matières précieuses sous les presses monétaires. L’intérêt des détenteurs en est un sûr garant. On vient d’examiner deux causes d’importation ou d’exportation des métaux précieux : la balance commerciale, les variations du taux de l’escompte. La législation monétaire de la France a suscité une troisième cause, dont l’action a renouvelé plusieurs fois la composition du stock monétaire de notre pays, mais a cessé, fort heureusement, de s’exercer depuis une loi du 5 août 1876 {sus-pension de la frappe des écus de 5 francs). Aux termes de la loi du 17 germinal an XI, l’argent fournit la matière de l’unité de compte et de l’étalon monétaire français. Cette disposition législative contenait, au moment où elle fut rédigée, la reconnaissance d’un état de fait : la circulation française était, alors, principalement composée d’argent. H y avait de l’or néanmoins et il fallait lui faire une place dans la loi. On décida que des pièces de ce métal seraient frappées et qu’elles auraient une valeur de 20 et de 40 francs. La loi prescrivit, en outre, que l’on taillerait dans le kilogramme d’or à 900/1000 155 pièces de 20 francs ; la valeur du kilogramme d’or était, par voie de conséquence, fixé à 3100 unités monétaires, soit à 15 1/2 kilogrammes d’argent.

Ce rapport de. 1 à 15 1/2 était le rapport existant à l’époque. La loi ne prétendait nullement lui donner un caractère de perpétuité. Bien au contraire, le ministre des finances, Gaudin, avait dit expressément que si le rapport venait à changer, il faudrait modifier la taille du kilogramme d’or et refondre la monnaie d’or i .

En fait, le rapport a changé maintes fois (V. Métaux précieux) et jamais le gouvernement n’a refondu la monnaie d’or pour faire concorder le rapport légal avec le rapport commercial. Il est arrivé, pas suite, que la monnaie d’or a été légalement tantôt dépréciée, tantôt surévaluée par rapport à la monnaie d’argent. Ainsi, jusqu’en 1850, le rapport moyen de l’or à l’argent a été au-dessus de 151/2 :1 kilogramme d’or valait plus de 1 5 1 /2 kilogrammes d’argent. L’or était donc légalement déprécié. Au contraire, après 1850, le kilogramme d’or n’a plus valu 15 1/2 kilogrammes d’argent. A son tour l’argent a été déprécié. Le métal ainsi déprécié légalement n’est pas resté en France : il a émigré à l’étranger où on le prenait pour sa valeur intrinsèque. Avant 1850, c’est l’or que l’on a exporté, après 1850 c’a été l’argent. On a vu ainsi se vérifier une fois de plus l’exactitude d’un théorème, connu dès l’antiquité, mais que l’on appelle communément loi de Gresham, du nom de celui qui Ta formulé le premier dans les temps modernes 9 . Ce théorème s’énonce ainsi : lorsque la loi attribue à deux monnaies de valeur inégale une force libératoire égale, la monnaie légalement dépréciée est exportée, la monnaie légalement surévaluée reste seule dans la circulation ; ou, en termes plus expressifs et qui font image : la mauvaise monnaie chasse la bonne.

La loi de Gresham n’a pas la rigueur absolue d’une loi physique ou chimique. Deux monnaies d’inégale valeur peuvent coexister pour un temps dans la circulation bien que la loi leur assigne un pouvoir d’achat équivalent. Pour que la bonne monnaie s’écoule à l’extérieur, il faut que le commerce ait intérêt à l’exporter pour faire un paiement, le papier à ce moment étant plus cher. 1 Si les compensations en papier et en titres ne suffisent pas, il faut bien exporter du numéraire, et comme l’étranger ne prend les espèces des autres pays que pour leur valeur intrinsèque, on a tout intérêt à lui envoyer les monnaies dont la valeur intrinsèque n’est pas inférieure à la valeur nominale, et à réserver pour les payements intérieurs celles qui ont cours pour une valeur supérieure à leur valeur comme lingots. Dès que l’un des i. L’édit de 1785, auquel remonte la première fixation du 151/2, contenait une disposition analogue. . Sir Thomas Gresham provoqua la proclamation du 27 septembre 1560 par laquelle Elisabeth ramenait la valeur légale des espèces altérées frappées sous Henri VIÏI à leur valeur en métal fin. C’est M. Mac Leod qui a lait prévaloir l’expression de théorème de Gresham. Cf. Michel Chevalier, La Monnaie, p. 334 et 337.