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diverses qui correspondent aux usages différents qui en sont faits. A ce point de vue, on distingue les monnaies réelles et les monnaies de compte ou de banque, les monnaies principales ou étalon et les monnaies secondaires, les monnaies légales et les monnaies d’appoint.

Considérée comme instrument de circulation, comme marchandise servant à constituer les prix de vente ou d’achat, la monnaie est qualifiée de monnaie réelle. Dans les pays civilisés, c’est un lingot de métal précieux, de forme et de dimension variables, dont l’autorité publique garantit le poids et le titre.

La monnaie légale, ou à cours légal illimité, est celle que le débiteur peut imposer en paiement à son créancier, celle qui, en droit français, peut être valablement la matière d’une offre réelle suivie de consignation, quelle que soit l’importance de la somme offerte. On appelle monnaie d’appoint, ou monnaie à cours légal limité, celle dont le pouvoir libératoire est limité à une somme déterminée.

La monnaie de compte est celle que les débiteurs s’engagent à livrer : elle consiste en un poids déterminé de métal fin et constitue une unité, distincte ou non de la monnaie réelle, permettant de dénombrer les valeurs.

La qualification d’étalon est un peu ambitieuse. Elle implique une idée de fixité qui n’est pas dans la nature des valeurs. L’usage s’est établi d’appeler de ce nom la monnaie qui, en droit ou en fait, est la principale monnaie d’un pays et qui sertpar suite, dans ce pays et pour un temps donné, de mesure générale des valeurs.

II. MONNAIE RÉELLE ET MONNAYAGE. Le monnayage consiste dans la division d’un métal monétaire en pièces de dimensions et de poids uniformes et dans l’apposition sur ces pièces d’une empreinte qui vaut attestation, par l’autorité publique, de la quantité de métal fin contenue dans chacune d’elles,

’1. Matière cLbs monnaies.

Beaucoup de marchandises ont joué, aux diverses époques de l’histoire, le rôle de monnaies. Les peuples chasseurs se sont servis pour cet objet de peaux de bêtes (exemple : les peaux de castor sur le territoire de la Compagnie de la baie de Hudson) ; les pêcheurs, de poissons (à Terre-Neuve notamment, V. règlement du 18 août 1825) ; les pasteurs, de bétail (pecus, pecunia) ; les agriculteurs, de blé (origine de la drachme) ou d’autres produits naturels (cacao dans l’Amérique centrale, tabac dans la Virginie, sucre dans le Maryland) ; tous les peuples, d’articles de parure (cauris dans l’Inde, wampum dans l’Amérique du Nord), de vêtements (pièces de coton appelées guinées au Sénégal, toile de coton de Kachgar dans l’Indou-Kouseh), ou d’armes (balles de plomb dans le Massachussets au xvn a siècle, fusils en Afrique, en Chine, couteaux de bronze munis d’un anneau qui sont l’origine de la sapèque trouée).

C’est sous la forme d’armes ou d’outils que le bronze a dû probablement jouer d’abord le rôle de monnaie. Plus tard, ce métal a circulé sous forme de lingots (ses rude, ses signatum), puis de disques ayant une forme lenticulaire et distingués par des figures (œs librale). Après avoir été la monnaie principale, le cuivre a cédé la place à l’argent, puis, dans les temps modernes, à l’or ; il joue maintenant le rôle de monnaie subordonnée et d’appoint, concurremment avec le cuivre, le nickel, le zinc et l’étain.

L’or et l’argent sont depuis longtemps les métaux monétaires par excellence : la beauté de leur aspect les fait rechercher généralement ; leur couleur, leur dureté caractéristiques les rendent facilement reconnaissables ; ils sont malléables et reçoivent facilement les empreintes ; fusibles et homogènes, ils se divisent facilement en parties semblables les unes aux autres qui peuvent être réunies ou séparées de nouveau sans rien perdre de leur valeur ; à raison de leur rareté, ils possèdent une grande puissance acquisitive sous un faible volume et sont par là des instruments commodes d’accumulation et de transport des richesses ; enfin, la stabilité relative de leur valeur permet de leur supposer, sans trop d’inexactitude pour une durée de temps limitée, un pouvoir d’achat fixe à l’égard des autres marchandises et d’attribuer à l’un ou à l’autre d’entre eux la fonction d’étalon.

Le cuivre, au contraire, est soumis, depuis longtemps déjà, à des variations de prix considérables. Le niveau moyen de ces prix est, au surplus, trop bas pour que ce métal ait pu conserver dans nos sociétés modernes le rôle prépondérant qu’il a eu à une époque où la richesse générale était moins grande. Le cuivre est donc réduit à l’état de monnaie d’appoint. On a même dû, pour que l’usage n’en fût pas incommode, réduire le poids des espèces de bronze ou de cuivre au point que leur valeur nominale ne correspond pas à leur valeur intrinsèque et que ces pièces constituent une sorte de monnaie fiduciaire ana-