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des formules diverses *. Il suffira de citer ici ce court extrait : « Tout ce qu’un gouvernement obtient par les taxes se mesure annuelment sur la quotité connue des dépenses publiques. Les taxes ne doivent cesser d’être la [propriété de ceux qui les payent, que pour devenir la propriété de ceux dont elles payeront les services ou avances. Le gouvernement, quels que soient son nom et sa forme, n’en est que le transmetteur. » La vie tout entière de Mollien n’estque le développement et, pour ainsi dire, le commentaire de ces principes.

Après de brillantes études classiques, il il avait dans sa ville natale commencé l’apprentissage du droit. Venu à Paris en 1774 pour suivre un important procès dont il avait pris la direction, il fît la connaissance du célèbre avocat Gerbier et du vieux maréchal de Richelieu- Les sombres prophéties du premier lui firent abandonner la carrière du barreau ; la protection du second lui ouvrit les bureaux du contrôle général, où il s’éleva bientôt au grade de premier commis et fut chargé, sous les ordres d’un intendant des finances, de la surveillance de la ferme générale. Il ne tarda pas à donner des preuves de la maturité de son esprit, en même temps que de la hardiesse de ses vues.

Après la guerre de l’Indépendance, jugeant que la conquête du marché américain devait être le prix des sacrifices de la France, il proposa d’appliquer au port de Bayonne, pour le commerce avec les États-Unis, la franchise dont jouissait le port de Marseille pour le commerce du Levant. Le Mémoire dans lequel il développa ce projet fut mis sous les yeux du contrôleur général, Joly de Fleury. L’idée entrait dans les plans de Vergennes ; elle échoua devant la résistance de la ferme générale.

Plus tard, ayant découvert dans les cartons un travail de Lavoisier sur les fraudes qui se commettaient aux entrées de Paris, il réussit à en faire adopter les conclusions, dont la principale tendait à la construction d’un mur d’enceinte autour de la ville. Vers la mémo époque (1784), il prépara les éléments du dernier bail conclu en 1786 avec la ferme générale ; il y introduisit une innovation qui mérite d’être rappelée parce qu’on i. Le principe de la propriété reparaît pour ainsi dire à tout propos dans les Mémoires. Mollien l’invoque au sujet de la loi du 23 nîyôseauxiji sur les consignations judiciaires (I, p. 391} comme au sujet de l’institution de la Coup des comptes (II, p. 168). En outre, c’est au point de vue des intérêts de la propriété qu’il se place pour apprécier les transformations politiques auxquelles il a successivement assisté. Ses opinions à cet égard sont curieuses. Nous en avons donné J’analyse dans une étude présentée à la Société des études économiques et publiée par les Annales économiques.

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a essayé d’appliquer aux évaluations budgétaires le principe sur lequel elle était fondée (V. Budget, § 21). Il avait observé que l’accroissement du produit d’anciens impôts devait être considéré comme le symptôme le plus caractéristique de l’accroissement de la prospérité publique, que ce mouvement une fois donné pouvait être plus ou moins secondé par les événements, mais qu’il ne devenait presque jamais rétrograde ; il en avait conclu que les calculs de l’avenir devaient être établis sur la comparaison des progressions acquises et non sur des moyennes proportionnelles qui ne faisaient que niveler le passé, et il avait tenu compte de l’accroissement normal des produits dans la fixation du •prix espéré, au delà duquel seulement les fermiers généraux avaient droit à des bénéfices. En 1791, il voulait renoncer aux fonctions publiques. Les instances du ministre Tarbé lui firent accepter le poste de directeur des domaines à Évreux. Destitué après le 10 Août, il s’était mis à la tête d’une filature lorsqu’un ordre du comité de sûreté générale vint le surprendre au milieu de ses ouvriers. Accusé de complicité avec les fermiers généraux et incarcéré avec eux dans l’hôtel même des Fermes, il dut probablement la vie à un mouvement d’humanité chez un de ses gardiens et ne recouvra la liberté qu’après le 9 Thermidor.

A l’avènement du Consulat, Mollien venait d’étudier en Angleterre les causes et les effets de la crise financière de 1798. Gaudin, qui avait été son collègue au contrôle général, le chargea de diriger la Caisse d’amortissement (voy. ce mot) créée par la loi du 6 frimaire an VIII (V. Gaudin). De sérieuses difficultés naissaient pour cette institution, tant de la diversité de ses fonctions que de l’exiguïté de ses ressources. A la fois caisse de garantie pour les obligations des receveurs généraux, caisse de dépôtpourcertainsfonds en litige et caisse d’amortissement pour le rachat successif de la dette perpétuelle, elle devait encore parfois venir au secours du Trésor et recevoir, contre ses versements en numéraire, des valeurs d’un recouvrement difficile et douteux. Sur les 10 millions provenant des cautionnements des receveurs généraux qui avaient constitué ses premiers fonds, elle avait dû presque immédiatement abandonner 5 millions, pour permettre au gouvernement de souscrire à cinq mille actions de la Banque. Après la rupture de la paix d’Amiens, le premier consul l’employa vainement, contre l’avis de Mollien, à lutter pendant quatre jours contre la baisse des rentes. Malgré ces entraves, elle parvint, en moins de quatre ans, à racheter un quatorzième de la dette