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services. Les droits de succession, de donation, de vente, par exemple, sont directement payés par les héritiers, donataires, acquéreurs, qui, mandés nominativement au bureau d’enregistrement, viennent y verser directement le montant des droits dont ils sont redevables.

En outre, l’Instruction générale omet de signaler certains caractères essentiels qui, plus que tous autres, singularisent les impôts directs et les impôts indirects. Les premiers, en effet, se distinguent non seulement par leurs rôles nominatifs, mais aussi par la permanence de leurs éléments imposables. Les seconds, inversement, se reconnaissent non seulement à leurs tarifs impersonnels, mais aussi à l’intermittence de leurs éléments imposables. Permanence et intermittence des éléments imposables, ces mots ont été très heureusement commentés par M. de Foville, à l’École des sciences politiques, dans les termes suivants : « L’impôt direct vise et atteint chez le contribuable ceux des éléments imposables qui ont un caractère durable, constant, ou, du moins, continu, comme l’existence, la possession ou la profession. « Exister, posséder, exercer un commerce ou une industrie, voilà chez l’homme des données permanentes, que l’administration peut suivre dans leur cours et mettre en coupe réglée, pour ainsi dire, par des impôts nominatifs ou périodiques.

« Les impôts indirects, au contraire, portent, non pas sur des qualités ou des possessions, mais sur des circonstances, sur des faits particuliers, sur des actes intermittents. « En deux mots, le verbe faire appellerait l’impôt indirect, le verbe être ou avoir appellerait Timpôt direct 1 . »

M. de Parieu avait déjà exprimé une idée analogue en disant : « Le législateur atteint par l’impôt direct les situations normales, relativement stables, lap ossession ou la j ouissance des richesses. C’est à cause de la permanence des faits auxquels il se réfère que l’impôt direct comporte des rôles nominatifs ».

Sans insister davantage sur ces observations — car nous ne saurions les exprimer en meilleurs termes — on aboutit, d’après elles, à la définition suivante : « Les contributions directes frappent certains faits permanents, périodiquement constatés et sont perçues au moyen de rôles nominatifs.

« Les impôts indirects frappent certains faits intermittents, constatés au jour le jour

. Ce passage, emprunté au cours de M. de Foville à l’Ecole 

des sciences politiques, a été reproduit en partie par lui dans un article de l’Économiste français, du 1" septembre 1SS3. et sont perçus en vertu de tarifs impersonnels. »

Deux ordres d’idées distinguent ainsi les. impôts directs des impôts indirects. Le premier concerne l’incidence des taxes qui reposent soit sur des faits permanents périodiquement constatés, soit sur des faits intermittents accidentellement constatés. Le second se rapporte aux procédés de perception : d’une part, rôles nominatifs ; de l’autre, tarifs impersonnels. Ainsi remaniée, la formule qui vient d’être substituée à la formule administrative possède, au moins, le mérite de la concision.

L’analyse à laquelle nous venons de nous livrer permet, d’ailleurs, de constater que les expressions impôts directs et indirects reçoivent trop souvent, dans le langage courant, une interprétation plus étendue que ne le comporte leur véritable sens. On considère, la plupart du temps, par routine, les impôts directs comme des droits assis sur la propriété, et les impôts indirects comme des droits assis sur les consommations et on déduit alors de cette distinction une série de réflexions absolument déplacées. Les impôts directs frappent, sans doute, la propriété, comme nous l’avons vu ; mais ils ne sont pas seuls à le faire et la propriété se trouve encore atteinte par un grand nombre d’impôts indirects, tels que les droits sur les mutations de propriété entre vifs et par décès, les droits sur les valeurs mobilières, les droits de timbre, etc. Le surplus seulement des impôts indirects s’adresse aux consommations. On voit que les circonscriptions réciproques des taxes sur la propriété et sur les consommations sont tout autres que celles des impôts directs et indirects.

M. Paul Leroy-Beaulieu s’est attaché, avec beaucoup de pénétration, à signaler la confusion qui régnait jusqu’à ces derniers temps dans cette partie de la science fiscale. « On ne saurait croire, dit-il, les ravages que font dans l’esprit les confusions qu’y produisent ces deux vocables mal interprétés. » (Économiste français, 13 novembre 1886.) La discussion fiscale, en effet, perd pied juste au moment où sa précision acquerrait le plus= d’intérêt.

Seulement, M. Paul Leroy-Beaulieu accuse peut-être à tort l’administration d’avoir créé « par ses classifications tout empiriques » ce trouble dans les idées. L’administration est bien innocente d’un tel méfait : elle a modestement défini de son mieux, sans penser à mal, les impôts directs et indirects. C’est à nous, bien prévenus maintenant, que revient le soin de ne pas tirer de fausses