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loi du 12 juillet 1791. D’après elle, les mines et les minières furent à la disposition de la nation, en ce sens qu’elles ne purent être exploitées que de son consentement et à la charge d’indemniser les propriétaires de la surface* L’indemnité se borna à la réparation des dommages résultant de l’exploitation et consista à payer le double de la valeur intrinsèque du sol qui était l’objet de dégâts ou dont la jouissance était paralysée entre les mains du propriétaire. Les concessions furent limitées dans leur durée et l’État se donna le droit de les attribuer, avec cette réserve cependant que si un propriétaire voulait exploiter une mine située au-dessous de sa propriété, la concession ne pouvait lui être refusée, à moins que sa terre ne fût pas assez étendue pour former une exploitation. Cette loi dura dix ans à peine. On lui reprocha de n’être qu’une transaction entre les divers systèmes et de ne pas contenir une solution nette et franche des questions qu’elle avait pour but de décider. Une limitation dans la durée des concessions parut surtout injuste, en ce qu’elle enlevait aux exploitants la possibilité d’amortir leur capital. On attaqua, en outre, la rédaction ambiguë et vicieuse de quelques-unes de ses dispositions comme devant faire naître à l’application de graves difficultés. Dès 1801, la nécessité d’une législation nouvelle se fit sentir : on en trouve la preuve dans les inutiles efforts que fit le ministre de l’intérieur de l’époque, pour suppléer par une instruction détaillée aux lacunes de la loi et faire cesser par une interprétation positive les inquiétudes des concessionnaires et les embarras de l’administration. Trois ans après, le code civil était publié et portait une grave atteinte au principe fondamental de la loi de 1791 en déclarant par son article 5S2 que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et que le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations... et au-dessous toutes les fouilles et les constructions qu’il juge à propos, sauf les modifications résultant des lois et règlements sur les mines ». Mais bientôt la loi du 21 avril 1810, qui forme encore aujourd’hui le code des mines et remplaçait quelques années après la loi de 1791, ne devait tenir qu’un faible compte de cette disposition du code civil ; nous allons l’examiner.

. Régime de la propriété des mines en France. D’après la loi de 1810,1a concession d’une mine est donnée par le gouvernement, qui a toute latitude pour adopter la solution qui lui paraît la meilleure au point de vue de l’intérêt social, sauf certaines obligations de pure forme résultant des formalités de l’en^ quête légale. Ainsi, en principe, aucune restriction ni dans l’étendue ni dans les limites à donner à la concession ; liberté la plus complète dans le choix du concessionnaire ; ni l’inventeur ni le propriétaire du sol n’ont un droit de préférence. Toutefois, si l’inventeur n’obtient pas la concession, il a droit à une indemnité à fixer par le gouvernement et à payer par le concessionnaire. On le voit donc, le pouvoir discrétionnaire du gouvernement est limité au choix du concessionnaire et à la détermination de l’étendue du champ d’exploitation. Ce n’est pas un contrat, en effet, qui est passé avec le concessionnaire, c’est un titre de propriété qu’on lui délivre en vertu d’un pouvoir discrétionnaire, mais qu’on ne peut lui conférer qu’avec les droits et charges fixés par la loi et non d’après des conventions à débattre entre les parties. Ainsi, après l’obtention de la concession, la mine devient nécessairement et essentiellement une propriété immobilière, perpétuelle, incommutable, entièrement distincte de la propriété du sol, assimilée aussi complètement que possible au point de vue juridique à la propriété d’un bien foncier, notamment pour la vente, la location, l’hypothèque, et tous autres modes de disposition, sauf qu’elle ne peut être matériellement partagée. De cette assimilation primordiale découle la compétence des tribunaux judiciaires pour toutes les contestations entre intérêts privés auxquelles put donner lieu la propriété des mines.

Dans la loi, l’administration exerce sur l’exploitation des mines une surveillance au triple point de vue d’éviter le gaspillage des gisements au nom de l’intérêt public, d’assurer la sécurité de la surface et celle du personnel occupé dans les travaux. On a, en outre, reconnu au propriétaire du sol un certain droit sur la mine située dans son tréfonds. Mais ce droit, qui ne va pas jusqu’à lui permettre d’exploiter ou de disposer de la mine, est liquidé lors de l’institution de la concession par une redevance que le concessionnaire doit payer au propriétaire du sol et dont la nature, la modalité et la quotité sont déterminées irrévocablement par l’État en instituant la concession. L’État lui-même exige le payement annuel d’une double redevance : l’une fixée à 10 centimes par hectare, l’autre proportionnelle au produit net et de b p. 100 au plus de ce produit.

Enfin, les concessionnaires ont le droit d’occuper à la surface les terrains qui leur sont nécessaires en dédommageant au double les propriétaires.