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Quand nous parlons de conséquences possibles, nous omettons les exemples effectifs que nous offre l’histoire. Au xv e siècle, à Florence, l’impôt progressif fut « le bâton avec lequel les Médicis assommaient leurs adversaires », suivant le mot de l’historien Guichardin, que rappelle M. Léon Say dans les chapitres de ses Solutions démocratiques si décisifs contre l’impôt progressif. Sous la Révolution, les emprunts forcés et progressifs absorbèrent la totalité des revenus qualifiés de superflu ; ils prirent 50 p. 100 des revenus abondants et 100 p. 100 des revenus superflus. Renouvelés à trois reprises différentes, en 1793, 1795 et 1799, ces emprunts progressifs provoquèrent tant de récriminations, d’injustices et de souffrances qu’on attribua, en grande partie, au dernier d’entre eux la recrudescence de mécontentement public qui précéda le coup d’État du 18 Brumaire. (V. notre Histoire des finances de Vançien régime et de la Révolution.) Ce sont là les dangers extrêmes qui, à juste titre, font reculer devant l’application, même modérée, du principe de la progression.

Sans doute, une telle application modérée pourrait rendre des services : elle contre-balancerait utilement, comme nous l’avons dit, la progression à rebours de certains impôts indirects sur les objets de première nécessité. Mais comment définir la progression modérée ? Par quelle barrière rationnelle la distinguer de la progression excessive ? Quelle limite tracer entre Tune et l’autre qui ne soit arbitraire et, dès lors, susceptible d’être franchie au premier caprice, au premier changement du pers onnel gouvernemental ?

« Vous êtes modérés aujourd’hui et 

vous vous nommez la majorité. Vous serez modérés demain et toujours peut-être. Mais vous nommera- t-on toujours la majorité ? » Ainsi s’exprimait le rapporteur du canton de Neuchâtel en concluant contre l’impôt progressif 1 .

Nous avons vu tous les auteurs qui, suivant l’expression de M. Baudrillart, ont adressé au passage un salut sympathique à l’impôt progressif, s’empresser de réserver la nécessité de la modération de ses tarifs. C’est sur cette modération que Joseph Garnier étaye sa théorie de l’impôt progressionneL Sauf les politiciens niveleurs, chacun . Nous avons déjà cité ces mots de M. Léon Say ; « Une imposition progressive, une imposition modérée, ce n’est, en réalité, pas autre chose que de l’arbitraire . » Il ajoute : « Ou peut vivre sous un gouvernement modéré, sous un gouvernement qui le serait moins, sous un gouvernement qui ne le serait pas du tout et sous un gouvernement qui serait le contraire d’un gouvernement modéré. » (Les Solutions démocratiques de la question des impôts,) est d’accord pour condamner les excès de la progression. Cependant, les excès de la progression sont inhérents à son essence même. Livrée à elle-même, la spontanéité de sa gradation aboutit inévitablement à la spoliation. Toute atténuation, tout temps d’arrêt apportés à sa marche naturelle, en vue de la détourner de ce but fatal, ne sont que des obstacles factices, des limites arbitraires tracées sur le sable, qu’un successeur moins prudent efface à son gré. Dès lors, comment classer parmi les systèmes réguliers d’imposition une conception ainsi dépourvue de sécurité et de certitude ?

Tout au plus est-il possible d’admettre 

que, par exception, dans certains cas inoffensifs ou paraissant tels, les gouvernements mettent en pratique, à leurs risques et périls, cet expédient dangereux. Mais la doctrine, qui ne saurait profiter des mêmes tolérances que les gouvernements, se trouve obligée, d’une manière générale, de répudier sans rémission un tel expédient. « Et voilà pourquoi, dit Proudhon, l’impôt progressif, capable tout au plus d’alimenter le bavardage des philanthropes et de faire hurler la démagogie, manque également de sincérité et de valeur scientifique. » . Impôts directs et indirects. — Leur définition.

— Nécessité de bien spécifier cette classification ; elle n’a pas l’importance qu’on lui attribue généralement. — Avantages de l’un et l’autre mode.

L’Instruction générale des finances sur la comptabilité définit ainsi les impôts directs et indirects :

« Art. l« r . — La contribution directe s’entend de toute imposition qui est assise directement sur les personnes et sur les propriétés, qui se perçoit en vertu de rôles nominatifs et qui passe immédiatement du contribuable cotisé à l’agent chargé de percevoir. « Les impôts indirects sont ainsi nommés parce que, au lieu d’être établis directemant et nominativement sur les personnes, ils reposent, en général, sur des objets de consommation ou sur des services rendus et ne sont, dès lors, qu’indirectement payés par celui qui veut consommer les choses ou user des services frappés de l’impôt. » Sauf le style qui sent un peu son origine administrative, sauf l’excessive dimension de la formule, sauf quelques inexactitudes que nous allons essayer de corriger et quelques lacunes que nous allons essayer de combler, cette définition semble encore la meilleure. En fait d’inexactitudes, l’Instruction générale a tort de dire que l’impôt indirect est toujours indirectement payé par celui qui veut consommer les choses ou user des