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Malheureusement, on n’a, en effet, que sauf de rares exceptions (V. Économie politique [aperçu historique sur l’]) séparé, dans l’enseignement de cette science, la science elle-même de l’art. On comprend aisément la confusion qui règne dans l’exposé des théories économiques lorsqu’elles sont embarrassées de considérations relatives à l’application. Il en est de l’économie politique d’ailleurs comme de la mécanique. La mécanique en tant que science pure est enseignée sous le nom de mécanique rationnelle ; la mécanique, en tant qu’applications, fait l’objet d’arts nombreux et variés. Tout problème d’application relatif à l’homme ne comporte pas que de l’économie politique ; on est obligé de tenir compte, pour arriver à sa solution, de données fournies par les autres branches de la science sociale. Rien n’est donc plus funeste à la démonstration, dont la principale qualité est autant que possible d’être claire, que de confondre, dans une science aussi complexe, l’application et la science pure (V, Science et Art).

Mais même avec le secours de ce procédé d’enseignement, les théories économiques n’arrivent guère à être comprises que par des esprits assouplis déjà par une solide préparation scientifique. On ne saurait trop le répéter, des connaissances générales, une sorte de tassement de l’esprit sont nécessaires pour aborder l’étude de phénomènes de cet ordre. L’opinion de Platon qui considérait tout homme c&e&>[/.eTpvÎToç comme non préparé à l’étude de la philosophie semble d’autant plus vraie pour l’économie politique — si l’on traduit l’expression grecque dans le sens très large d’ignorance scientifique — que les sciences sociologiques sont le couronnement des connaissances humaines, la science de la civilisation.

Ces connaissances générales scientifiques apprendront, en effet, à celui qui entreprend l’étude de l’économie politique que le progrès dans toutes les sciences a pour résultat de réduire de plus en plus, en des lois simples, les manifestations multiples des phénomènes. C’est ainsi qu’une foule de faits d’apparence condictoires sont rattachés maintenant à la théorie de la pesanteur ; c’est ainsi que Newton, comme nous l’avons déjà dit, a condensé en une formule, la gravitation universelle. Ce spectacle de l’ordre des lois naturelles mettra l’esprit en défiance contre les interventions précipitées, contre les remèdes empiriques. La physiologie offre un exemple frappant de ce changement d 1 état dans les esprits. Par ses découvertes, elle a appris aux hommes de l’art, aux médecins, à être plus prudents, à se bien pé-M 1LL (James)

nétrer que les difficultés d’application sont grandes et qu’il est parfois dangereux d’agir, lorsqu’on ne peut le faire scientifiquement. « N’est-il pas probable, dit Herbert Spencer (Introduction à la science sociale, ch. i, p. 22) qu’en sociologie comme en biologie, à mesure qu’on accumule les observations, qu’on compare les faits selon les règles de la critique et qu’on en tire des conclusions d’après la méthode scientifique, ou sans augmenter ses doutes quant à la bonté des résultats et ses craintes quant aux mauvais effets possibles, n’est-il pas probable que ce qui porte dans l’organisme individuel le nom impropre, mais commode, de vis medicalrix nature, a son analogue dans l’organisme social ? N’y a-t-il pas toute- apparence qu’en constatant ce fait, on verra que, dans les deux cas, la seule chose nécessaire est de maintenir les conditions dans lesquelles les agents naturels ont beau jeu ? La conscience de ces vérités, qu’on peut attendre d’un complément d’instruction, ôtera de sa force à l’argument invoqué par ceux qui agissent vite sans prendre beaucoup d’informations, puisqu’elle réprimera la ten dance à s’imaginer qu’un remède qui peut faire du bien ne peut pas faire de mal... cette étude (celle de la science sociale) dissipera l’illusion si répandue que les plaies sociales peuvent être radicalement guéries ». Dans ces conditions, avec cette idée générale touchant les résultats du progrès des sciences — idée qui rappelle la formule noninterventionniste des physiocrates — on peut entreprendre, si l’on a en outre une préparation nettement scientifique, l’étude de l’économie politique. On aura chance de ne pas rencontrer sur son chemin les déceptions qu’éprouvent tous ceux qui n’ont reçu qu’une préparation exclusivement littéraire. André Liesse,

MILL (James). — James Mill appartient à l’histoire, non moins par ses écrits que par son fils John-Stuart Mill, dont il détermina, d’une façon décisive, la direction et la carrière scientifique, grâce à l’extraordinaire discipline intellectuelle et morale qu’il lui infligea.

Il était né en 1773, à Northwater Bridge, comté de Forfar (Ecosse). Son père était cordonnier, sa mère fille d’un cultivateur. Après avoir fait ses premières études à l’Académie de Monrose, il dut à la libéralité de sir John Stuart de Fettercairn d’entrer, en 1790, à l’université d’Edimbourg et d’y passer huit années. Il se destinait à la carrière ecclésiastique. Il vint à Londres, en 1602, avec sir John Stuart. C’est ïà, et dès cette époque, qu’il renonça à ses idées religieuses et qu’il