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tanément la division du travail. Il constate la ’ supériorité de cette institution ; puis, comme s’il ignorait l’initiative de l’homme dans cette matière, il demande que l’État se charge de

développer cette division du travail. Que lui

■ a donc servi d’observer Thomme ? Tout autre est l’esprit d’Adam Smith, lorsqu’il observe

le développement de la division du travail. ■

1 L’auteur de la Richesse des nations/il est vrai, observe dans une société plus avancée au point de vue scientifique, dans un «milieu » ■ plus propice à la compréhension de la méthode d’observation. C’est pourquoi l’on ne

peut reprocher à Platon son défaut de pers-’

picacité à cet endroit, ni à Aristote ses er- ■ reurs touchant la richesse, pas plus que l’on ne doit s’étonner que les Indiens et les Égyptiens de l’antiquité, auxquels cependant Tusage du gnomon était familier, et qui même n’ignoraient pas certains faits astronomiques, n’aient point, par exemple, formulé les lois de Kepler.

L’observation des agents naturels offre de moins grandes difficultés que l’observation de l’homme. Cependant, on n’observe pas toujours les agents naturels indépendamment de l’action que l’homme a sur eux, et dans ce cas l’observation devient plus délicate. Assurément, l’observation géographique du globe est facile ; il est facile de reconnaître que les agents naturels sont inégalement répartis sur notre planète. Néanmoins, cette observation simple de l’inégalité de répartition des agents naturels, bien qu’elle puis se, à elle seule, nous faire comprendre la nécessité des échanges et du commerce par suite de la variété des productions des divers pays (V. Commerce et Liberté des échanges), n’est pas suffisante pour l’étude de certains autres problèmes. Par exemple, c’est parce que Ricardo a énoncé la loi de la Rente (V. ce mot), en n’établissant pas exactement son observation sur la fertilité de la terre, que Carey a élevé ses objections. Ricardo observe le phénomène dans la manifestation locale qu’il a sous les yeux. Carey, placé dans un autre milieu, le voit autrement ; il remonte dans l’histoire, il prouve que les observations de Ricardo sont contraires aux faits et ses conclusions sont différentes. Il faut, pour faire avancer définitivement la science et clore une controverse de quarante années, que J.-St. Mill rétablisse la position de la question au ■point de vue de la fertilité des terres, en démontrant que la fertilité est relative et dépend étroitement de l’avancement de l’art industriel à l’époque observée. Ricardo et Carey ont donc observé le même phénomène, mais se produisant sous des manifestations différentes. Un observateur qui voit rouler une pierre sur un terrain en pente déclare qu’elle n’obéit pas à la loi de la pesanteur parce qu’une autre personne aura déterminé cette loi en observant une pierre qui tombe sans obstacle vers le sol. C’est un peu le genre de dissentiment que Ton a rencontré à propos de la loi de la rente : Ricardo et Carey avaient tous deux raison ; l’homme est poussé à cultiver les terres les plus fertiles relativement à l’art industriel dont il dispose, parce qu’il obéit à la loi d’économie des forces, la grande loi de dynamique sociale.

Il est donc utile, avant d’entreprendre l’observation de la société où se produisent les phénomènes économiques complexes, d’observer particulièrement — nous ne disons pas isolément ce qui est impossible — ce que l’on pourrait appeler, de même qu’en chimie, les corps simples : l’homme et les agents naturels, facteurs premiers de ces phénomènes, c. Complexité et simultanéité des phénomènes ; localisation des observations. — Un phénomène économique n’est pas, comme nous venons de l’indiquer, un phénomène d’ordre simple. Dans nos sociétés modernes principalement, où l’échange a pris une large extension, les faits s’accumulent continuellement, divers et variés, quelquefois contradictoires en apparence. L’homme est limité dans sa puissance d’observation et il ne peut suivre dans leurs combinaisons multiples ces faits delà vie économique, sous prétexte qu’ils dépendent tous les uns des autres. Force donc lui est, dans ses investigations, de limiter son champ d’action.

Cette localisation des observations offre de grandes difficultés, et elle exige un esprit rempli de connaissances générales et habitué aux études de cet ordre. Cette sorte d’observation, en effet, véritable division du travail ne doit pas être aveugle. Il est impossible d’agir là comme en géodésie, d’enserrer la société observée par un réseau de divisions, de multiplier ces divisions et d’observer séparément chacune d’elles. Ce procédé est aussi absurde que celui qui consisterait pour le physiologiste à diviser géométriquement le corps humain sans tenir compte de la disposition des organes, età étudier chaque morceau ainsi obtenu. Non moins dangereux est le procédé de ceux qui prétendent agir avec une grande rigueur scientifique, parce qu’ils accumulent tous les faits qu’ils peuvent observer, sans tenir compte de leur importance relative, Essayer de choisir entre tous ces faits, d’étudier parmi eux ceux qui peuvent l’être avec l’état des connaissances que possède l’observateur, c’est, au dire de ces dragueurs scientifiques, se prononcer avant d’avoir une suffisante quantité^ d’observations. Or, comme