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sons, Thurgovie, possèdent des tarifs analogues pour l’impôt sur le capital et pour l’impôt sur le revenu. Dans le canton de Bàle, la taxe sur le capital demeure au taux uniforme de 2 p. 100 ; la taxe sur le revenu seule y subit une gradation ascendante de

p. 100 à 3 p, 100. Il en est de même dans 

les cantons du Tessin, de Berne, d’Oberwald. Le canton de Neuchâtel vient de repousser d’une manière absolue le système progressif. On voit que, dans ces petits pays, l’impôt progressif ne florit que de place en place, sans franchir jamais les limites de la modération.

En Angleterre, on rencontre, parmi les droits de succession, celui du Probate duty, dont le tarif subit un léger exhaussement à mesure que les valeurs successorales s’élèvent Au-dessous de 2500 fr., exemption ; de 2300 à 12500 fr., 2 p. 100 ; de 12 500 fr. à 23 000, 2 1/2 p. 100 ; à partir de 25 000 fr., 3 p. 100 uniformément. [Act de 1881). On pourrait encore à la rigueur attribuer à Yincome-tax une action progressive, ou plutôt dégressive, puisque les revenus inférieurs à à 10000 fr. sont imposés sous la déduction de 3000 fr. et que les revenus au-dessous de 3730 fr. sont totalement exemptés. En Allemagne, de même, l’irapôtde classes exempte les revenus inférieurs à 1123 fr. ; puis pour les dix classes, au-dessus de 1125 fr, jusqu’à 3750 fr., son taux progresse légèrement de 1 1/2 p. 100 environ à

1/2 p. 100. 

Enfin, en France, la taxe mobilière à Paris, après avoir exempté les loyers d’une valeur matricielle inférieure à 400 fr., atteint les loyers supérieurs d’après une progression qui s’élève de 6,50 p. 100 à il 1/2, ou près de 12 p. 100, suivant les années *. On pourrait donc, à la rigueur, conclure de ces exemples que l’impôt progressif est susceptible d’une application modérée à l’abri de toute objection. Cependant, il importe de remarquer que les divers cas précédents représentent seulement des expériences isolées et exceptionnelles, pratiquées dans un milieu fiscal où prédomine le principe de la proportionnalité. Il est difficile par conséquent, d’en induire rien de décisif au point de vue de la théorie.

i. A Paris, la taxe mobilière maximum est la taxe normale, celle que tout le monde devrait payer eu vertu du contingent augmenté des centimes additionnels. Les taxes inférieures ne représentent plus alors que des dégrèvements, dont le montant est récupéré sur les produits de l’octroi. Le tarif de l’impôt mobilier à Paris est donc bien dégressif. 11 existe une différence fondamentale, comme on le voit, entre le tarif progressif et dégressif, puisque ce dernier rencontre une limite rationnelle dans le maximum assigné par les contingents à l’ensemble des contribuables. n — IMPOT

Voyons maintenant ce que disent les économistes partisans du système de la progression.

Montesquieu est toujours le premier cité dans cet ordre d’idées, bien qu’il se soit borné à cet énoncé : « Chez les Athéniens, la taxe était juste quoiqu’elle ne fût pas proportionnelle. La gradation de la taxe sur le superflu empêchait le superflu. » Adam Smith s’exprime d’une manière plus précise : « Il n’est pas hors de raison, il est même dans les principes de la justice distributive que le riche contribue à la dépense publique, non seulement en proportion de son revenu, mais fort au delà même de cette proportion. » Cependant, dans la première de ses Maximes, on se souvient l’avoir vu conclure en faveur de l’impôt proportionnel. Jean-Baptiste Say incline également, dans certains passages, vers le système progressifs parce que, dit-il, « une contribution simple et proportionnelle devient souvent plus lourde pour le pauvre que pour le riche m. John-Stuart Mill a spécialement plaidé la cause de la progression en matière de droits de successions : «Bien que, dansmon opinion^ le principe progressif puisse soulever des objections comme principe général de répartition de l’impôt, il serait juste et utile de l’appliquer dans la fixation des droits sur les legs et sur les successions. » La situation privilégiée des jeunes gens oisifs, jouissant, à leur entrée dans la vie, des avantages d’une fortune qu’ils n’ont pas conquise, choque vivement l’esprit rigide du philosophe anglais : « Je ne reconnais ni comme juste, ni comme bon, un état de société où il existe des êtres humains qui, sans être incapables de travail et sans avoir acheté le repos au prix d’un travail antérieur, s’exemptent de participer aux travaux qui incombent à l’espèce humaine. »

L’école saint-sïmonienne, dans des termes analogues, déclarait la guerre à ces « jeunes gens forts, bien portants, qui, sans travail^ possèdent des fortunes colossales, leur donnant les moyens de répandre le désordre, la dissipation et la débauche partout où leurs caprices les attirent », et elle concluait que « les droits de succession devraient être fortement augmentés, suivant une progression croissante très prononcée, de manière à diminuer le scandale de ces fortunes énormes acquises sans travail ».

Léon Faucher, dont les doctrines fiscales sont, d’ailleurs, très correctes, disait : « II parait équitable que celui qui, grâce à ses talents, à ses biens-fonds ou à ses capitaux, se donne et procure aux siens toutes les. jouissances du luxe, paye à l’État un tribut