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de base peut se résumer ainsi. La production de l’or a diminué : elle est tombée à 173 904 kilogrammes par an de 1871 à 1875, à 17241 4 kilogrammes de 1876 à 1880, à 149 137 kilogrammes de 1880 a 1885. D’un autre côté, la demande de ce métal a augmenté. L’or est plus recherché, plus estimé ; l’argent est dédaigné, considéré comme moins propre que son rival aux usages monétaires. La reprise des payements .en espèces aux États-Unis et en Italie, la réforme monétaire allemande ont nécessité l’emploi de grandes quantités d’or. M. Giffen les évaluait à 5 milliards de francs, c’est-à-dire à une somme : à peu près équivalente aux valeurs extraites des mines pendant la même période. Ces faits ne suffisent-ils pas à établir que la baisse des prix a pour cause la hausse de l’or ? Il est probable qu’en effet l’or a reconquis depuis quinze ou vingt ans une partie de la puissance d’achat qu’il avait perdue après 1850 en raison de son abondance, et que le relèvement de la valeur qui sert à mesurer et à exprimer les prix de toutes choses n’a pas été complètement étrangère à la baisse de ceux-ci. Mais on a, ce nous semble, surestimé l’importance de la hausse de l’or. Si la production de ce métal a diminué par rapport à la période 1850-1870, elle n’en reste pas moins de beaucoup supérieure (149137 kilos pour 1881-1885) à ce qu’elle était de 1830 à 1840 (20289 kilos) ou même de 1840 à 1850 (54 759 kilos). Les quantités produites qui, de 4 752 070 kilogrammes, chili’re auquel elles s’étaient montées de 1493 a 18o0, avaient été portées en 20 ans, de 1850 à 1870, à 8 058 175 kilogrammes, ont été accrues encore dans les quinze années suivantes et ont, en 1885, atteint, 11135 450 kilogrammes. 11 est vrai que d’autre part la demande a augmenté. Mais ce n’est pas dans la mesure indiquée par M, Giffen. Il y a beaucoup de . doubles et de triples emplois dans les 5 milliards de francs auxquels il évalue la consommation de l’or de 1870 à 1885. L’Allemagne, par exemple, a utilisé pour la fabrication de ses nouveaux reichsmarks beaucoup d’or ancien : 273 millions de francs en pièces de 20 francs françaises y ont été certainement employés 1 . Les États-Unis ont fondu de l’or allemand pour la reconstitution de leurs encaisses ; l’Italie, de l’or américain et allemand. D’ailleurs, on ne tient pas compte du développement de plus en plus grand du système des Compensations devant le Congrès monétaire international de 1889. M. R. Giffen est monométatliste. V. un article de lui dans le Nineteenth Cenlury de novembre 1889. i. L. Say, Rapport sur la liquidation et lu payement de l’indemnité de guerre.

(voy. ce mot), développement dont l’effet certain est de réduire l’usage et, par suite, la demande de l’or. Enfin, il est permis de trouver singulier que la rareté de l’or ne soit pas révélée par le cours de ce métal, sur lequel on n’a coté de prime en France, depuis la reprise des payements en espèces, qu’à de rares intervalles et dans des moments où le taux de l’intérêt a été ou aurait dû être relevé par la Banque de France (V. Billet de banque).

Comment donc expliquer la baisse générale des prix ? Dans une lecture faite à l’Académie des sciences morales et politique, en 1889, M. Alph. Allard n’admet, comme causes possibles de ce phénomène, que la surproduction des marchandises, ou le manque de monnaie. Il repousse l’hypothèse d’une crise de surproduction comme paradoxale. Comment admettre, dit-il non sans raison, que a pendant quinze années les hommes aient continué à produire trop de richesses ne leur procurant que pertes et mécomptes » ? Il attribue dès lors à la crise une origine monétaire. « On a enlevé du plateau métallique de l’Europe tout l’argent et on n’y a plus laissé que l’or. Quoi d’étonnant que l’équilibre se soit rompu et que le plateau des marchandises, emporté par son propre poids, ait été précipité dans une baisse fatale ?

» Sa conclusion est qu’il faut réhabiliter 

l’argent et le replacer sur le plateau métallique à côté de For dont le poids est insuffisant pour contre-balancer celui des marchandises. Il est aisé de sortir du dilemme où M. Allard prétend enfermer ses contradicteurs. La baisse des prix peut être produite par d’autres causes que la surproduction. Toute réduction du prix de revient tend inévitablement à la baisse du prix de vente. C’est précisément à cette réduction que doit être surtout attribuée, selon nous, la baisse que l’on a constatée dans les prix de vente durant une quinzaine d’années.

Pour nous résumer, nous estimons que la baisse des prix de 1873 à 1888 est due, pour la plus forte part, à la transformation des moyens de transport et, en général, des moyens de production par la substitution de plus en plus étendue des moteurs mécaniques aux moteurs animés. Nous admettons que les effets de cette révolution économique ont été rendus plus sensibles par cette circonstance qu’ils n’ont plus été atténués, comme après 1850, par une réduction de la valeur de l’or, ce métal ayant reconquis, au moins partiellement, son ancienne puissance acquisitive. Enfin, le relèvement des prix qui s’est manifesté depuis 1888 nous semble indiquer que leur abaissement antérieur résul-