Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment eneore, que « les lois monétaires, créant presque tout l’emploi qui est fait des m ô taux précieux, en déterminent presque entièrement la valeur 1 ». Cette thèse 2 — est-il besoin de le dire ? — est celle de l’école qui reconnaît à FÉtat le pouvoir de fixer les valeurs relatives de l’or et de l’argent. Elle contient, comme il arrive souvent, une part de vérité et une part d’erreur. Il est vrai de dire que l’emploi des métaux précieux dans la fabrication des monnaies est le principal élément de leur valeur. C’est une erreur d’affirmer que le législateur peut régler cet emploi. L’usage que nous faisons des choses dépend de leur utilité ou plus exactement de l’opinion que nous avons au sujet de cette utilité. Si les métaux précieux ont un pouvoir d’achat général, ce n’est point parce que le législateur Ta prescrit, mais parce que tout le monde désire les posséder. Les lois règlent bien le cours légal, mais ces lois sont purement interprétatives des conventions. Le jour où l’un des métaux précieux est l’objet d’une sorte de désaffection, les quantités demandées se réduisent. Si l’offre ne se réduit pas, d’autre part, si elle augmente, au contraire, ce métal est fatalement déprécié. Les ordres du législateur ne peuvent rien contre un mouvement de l’opinion.

. Variations constatées depuis un demi-siècle dans la valeur des métaux précieux. Les conséquences de ces variations et les méthodes propres à les constater diffèrent, suivant le rôle joué par le métal dont la valeur s’est modifiée.

Si ce métal compose la monnaie principale, celle qui sert de mesure générale, d’étalon des valeurs, les variations survenues dans la valeur du métal retentissent sur le prix de toutes les autres marchandises. Une diminution du pouvoir d’achat de la monnaie principale a pour conséquence logique la hausse des prix ; réciproquement, une hausse dans la valeur de cette monnaie tend à amener la baisse générale des prix. C’est donc par les variations en hausse ou en baisse du niveau général des prix que l’on peut constater les variations de valeur du métal qui sert de monnaie principale. Remarquons cependant que les prix, considérés dans leur ensemble, peuvent hausser ou baisser indépendamment de toute variation dans la valeur de la monnaie. D’autres causes peuvent avoir des effets semblables : telles sont, au premier chef, les i. Conférence monétaire internationale de 1881, Livre jaune, p. 51.

. Voir également Alphonse AHard, Dépréciation des richesses, 188 ?,

modifications dans les débouchés ou dans les frais de production. Les phénomènes économiques de cet ordre sont donc des plus complexes et l’on ne saurait apporter ici trop de prudence dans l’interprétation des faits. Les variations dans la valeur du métal employé comme monnaie secondaire ou d’appoint n’ont pas les mêmes conséquences. Elles sont aussi plus faciles à saisir. Il suffit alors de constater le prix de ce métal exprimé en monnaie principale, comme s’il s’agissait de toute autre marchandise, en tenant compte, bien entendu, des variations qui peuvent affecter en même temps la valeur de la monnaie principale.

Ces observations faites, voyons quelles ont été les variations survenues depuis un demisiècle 1 dans les valeurs absolue et relative de l’or et de l’argent et quelles en ont été les causes.

. Baisse de Vor après 1850. —On sait qu’au milieu de ce siècle la production de Tor s’est accrue soudainement et dans des proportions extraordinaires. De 1831 à 1840, la production annuelle ne dépassait pas 20289 kilogrammes 2 . De 1841 à 1850, après la mise en exploitation de riches dépôts aurifères dans TOural et surtout dans la Sibérie, elle s’était élevée à 54 759 kilogrammes. La découverte des gisements de Californie et d’Australie la porta brusquement à 1 99 388 kilogrammes, de 1851 à 1855 ; à 201750 kilogrammes, de 1856 à 1860. De 1493 à 1850, en trois cent cinquante-huit années, les quantités produites avaient été de 4 752070 kilogrammes ; elles furent, de 1851 à 1860, en dix ans, de 2005 690 kilogrammes. En même temps, une hausse générale se manifestait dans les prix. M. Levasseur* émit alors ridée que cette hausse des prix tenait à la baisse de l’or. A ce moment même, l’or se substituait à l’argent dans la circulation française et devenait chez nous le métal étalon (V. Monnaie), Le savant économiste était donc autorisé à conclure de la hausse des prix à la baisse de l’or. La légitimité de ses conclusions ne paraît point douteuse. Les conséquences de la baisse de l’or n’ont pas d’ailleurs tardé à devenir moins apparentes. A la hausse générale des prix, constatée en 1858 par M. Levasseur, ont succédé des mouvements fortdivers.Différentes causes, . Nous nous bornons à cette période qui a vu deux grandes révolutions successives dans la valeur des métaux précieux : la baisse de l’or de 1850 à 1870 ; la baisse de l’argent depuis 1870. Poui- les périodes antérieures, voir Adam Smith, J.-E. Say et Michel Chevalier. . Ces chiffres sont empruntés à l’ouvrage déjà cité du D r Soetbeer.

. Cf. Michel Cheval er , De tabaisse probable de l’or, 1859. . La Question de Vor, 1858.