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homme d’esprit, d’un citoyen, d’un philosophe, et je ne crois pas que, du temps même de M. Colbert, il y eût en France deux hommes capables de composer un tel livre. Cependant il y a bien des erreurs dans ce bon ouvrage, tant le chemin vers la vérité est difficile... Parmi les choses que je remarque, il me sera bien permis, en ma qualité d’homme de lettres et d’amateur de la langue française, de me plaindre qu’il en ait trop négligé la pureté. L’importance des matières ne doit pas faire oublier le style. » (Lettre à M. de T*** sur l’ouvrage de M. Melon et sur celui de M. Dutot en 1738.) Il a encore parlé du livre de Melon dans son Précis du siècle de Louis XV, chapitre m, et dans les Questions sur l’Encyclopédie, Outre cet ouvrage, Melon a aussi publié une Lettre à madame la comtesse de La Verrue sur l’apologie du luxe, réimprimée dans l’édition des Œuvres de Voltaire, à la suite du Mondain, satire en vers dont elle est l’éloge. Rousseau, au contraire, dans une lettre à M. Bordes, trouve « ses maximes sur le luxe odieuses et empoisonnées ». Melon traite le même sujet dans le chapitre ix de son Essai sur le commerce ; il est partisan du luxe ; mais il fuit une différence entre les dépenses, et ne les approuve pas toutes indistinctement.

Melon avait publié avant son Essaie en 1729, une histoire allégorique de la régence sous ce titre : Mahomoud le Gasnevide, histoire orientale traduite de l’arabe, avec des notes. Rotterdam, J. Hofhondt, m-8* et in-12. il a encore édité les Œuvres de l’abbé de l’abbé de Pons, précédées d’un éloge historique de l’auteur ; 1738, in-12» MENDICITÉ.

SOMMAIRE

. Mendicité et ses causes.

. Mesures prises contre la mendicité. . Conclusions.

. Mendicité et ses causes.

La mendicité est un mal de tous les temps, de même que c’est an mal contre lequel les gouvernements, à toutes les époques, dans les principaux États, n’ont cessé de lutter. C’est qu’en effet la misère est une maladie chronique des sociétés, et la paresse un vice d’une partie constante de l’humanité ; c’est que ceux qui sont atteints d’indigence pensent que le plus sûr moyen d’être soulagés est de provoquer la compassion et de faire eux-mêmes appel à la charité. Mais,’ d’un autre côté, l’État est intéressé à ne pas voir se multiplier l’armée des mendiants, qui groupe trop souvent les paresseux à côté des véritables pauvres, les vicieux à côté des malheureux ; il est surtout intéressé à ne pas laisser ces individus émigrer de leur domicile, ni mener une vie vagabonde ; car si la mendicité est, jusqu’à un certain point, tolérable de la part d’individus connus, elle devient un danger, quand elle est exercée par des gens inconnus, errants, sans domicile, dont on ne peut contrôler l’état de misère et qui, dans leur existence de sollicitations, ne pouvant provoquer la pitié, sont tentés d’user de l’intimidation et de remplacer la prière par la menace. La mendicité engendre fatalement le vagabondage ; celui-ci n’est autre que la mendicité ambulante, exercée par des gens valides qui, impuissants à éveiller la pitié de ceux au milieu desquels ils vivent, espèrent être plus heureux au loin et y tromper plus facilement la compassion. L’extinction de la mendicité, et surtout du vagabondage, est toutefois un de ces problèmes insolubles, que l’on ne craint pas d’aborder et auxquels on n’hésite pas à donner une solution, bientôt abandonnée et remplacée par une autre solution, condamnée à son tour, jusqu’à ce que, las de ces expériences inefficaces, on se résigne à une tolérance regrettable et à un laisser faire dangereux.

. Mesures prises contre la mendicité. ^ L’histoire des mesures prises contre la mendicité est le témoignage le plus frappant de l’impuissance et de la stérilité auxquelles le législateur se condamne, lorsqu’il néglige d’interroger les causes du mal avant de le frapper, et lorsqu’il veut appliquer un remède unique à des situations très différentes. En France, cette histoire est plusieurs fois séculaire ; en effet, déjà vers le milieu du xiv e siècle, une ordonnance du roi Jean (1351) obligeait tous les oiseux, truands ou mendiants valides, « à prendre du travail ou à sortir de Paris dans les trois jours, sous peine de prison pour la première fois, du pilori pour la seconde, de la marque au fer chaud et du bannissement pour la troisième». La célèbre ordonnance de police de 1413 voulait que l’on forçât les mendiants valides à aller labourer. Sous François I er , les pénalités contre les mendiants furent renouvelées. Une ordonnance de 1545 chargea le prévôt des marchands et les échevins de les employer, par la force, aux travaux publics de Paris ! Un édit de 1566 associa dans la répression les mendiants et ceux qui leur faisaient l’aumône. Mais toutes ces mesures n’avaient pas empêché les mendiants de se multiplier considérablement ; aussi les états de 1614 demandèrent-ils que Ton recourût à des moyens plus efficaces pour forcer au travail les mendiants valides ; c’est alors que l’on tenta de nouveaux essais, dont l’inefficacité ne tarda pas, d’ailleurs, à éclater aux yeux. En 1627, par exemple, on contraignît les mendiants à prendre du service dans les compagnies de commerce ou dans la manne et à s’embarquer pour les Indes ; en même temps, on prescrivit de fonder dans les diverses provinces des hôpitaux-ateliers, institutions qui furent l’origine de nos dépôts de mendicité. Le mal subsistait, malgré ces nouvelles mesures ; on voulut aviser autrement. En 1688, d’après une ordonnance, «tous mendiants, vagabonds ou gens sans aveu, eurent à vider Paris avant le premier jour du ca-