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devenu tyran. Pour anéantir ses ennemis, il s’attaque à leur poche. « Contre ses ennemis, dit Guichardin, il maniait l’impôt comme un poignard. » Pour plaire à la multitude, il établit l’impôt progressif (1441). En 1443, il leperfectionne en établissant l’impôt dit graziosa. Cet impôt divise les fortunes en trois catégories : celles de la catégorie inférieure paieront 4 p. 100, les intermédiaires, 16 p. 100 ; celle de la catégorie supérieure, 33 1/2 p. 100 du revenu. Il supprime le catasto, puis il le rétablit, en le rendant progressif. Du reste, il a soin de laisser aux impôts florentins leur vice originel et capital de l’arbitraire ; ils continuent à être établis au gré des répartiteurs, dont la décision est sans appel. Par ce moyen, les amis du nouveau régime sont déchargés d’impôt, les adversaires sont accablés jusqu’à la ruine. Cosimo n’a pas d’armée ; il achète le condottiere Sforza pour le protéger contre ses ennemis du dehors ; contre ceux du dedans, il a la populace. Mais surtout, il s’entend à les diviser en répartissant adroitement les rigueurs et les faveurs financières. Comme son pouvoir est durable, toutes les anciennes familles finissent par revenir âlui. Comment lui résister ? Il est si riche. Sa fortune s’est accrue de celle de l’État ; il a eu soin de les confondre, il a tripoté dans les deniers publics ; il tient les cordons de toutes les bourses. Puis il est éblouissant ; ses fêtes amusent et séduisent toute la ville : il dépense en constructions des sommes immenses ; il est le banquier d’Edouard IV, roi d’Angleterre, celui du duc de Bourgogne, celui du peuple ; la vanité d’un peuple d’hommes d’affaires est flattée de voir tant d’éclat dans l’un d’eux. A sa mort (1 er août 1464) il laisse à Florence une cause de ruine. Par recherche de la tranquillité intérieure, il avait favorisé l’industrie de la soie aux dépens de celle de la laine. La soie, de plus de valeur sous un moindre volume, demandait moins d’ouvriers pour un bénéfice égal ; les ouvriers de la soie étaient plus tranquilles que ceux de la laine, d’un niveau supérieur comme tenue générale ; la soie n’avait pas besoin de braccianti, ni de ciompi. Mais le commerce de la laine avait cet avantage d’offrir plus de débouchés et d’être universel. En l’abandonnant pour se restreindre à la soie, Florence restreignait sa clientèle d’acheteurs et surtout sa clientèle de vendeurs. Par cela même, elle abandonnait les relations que ce commerce lui avait créées dans toute la chrétienté et qui avaient permis aux Florentins d’en devenir les banquiers. L’industrie de la laine avait fait naître Florence : eile était comme Pâme de la ville, qui dépérit quand elle en fut abandonnée. La protection donnée par Cosimo etpar ses successeurs aux beaux-arts, qui eurent alors une période éclatante, put faire illusion sur la prospérité des Florentins. Les beaux-arts viennent à la suite de la prospérité, ils ne suffisent pas à la créer ni à l’entretenir, à défaut de l’industrie. T

Lorenzo des Medici, le fameux Laurent le Magnifique, abandonnala tradition originale de ses ancêtres ; il changea l’assiette de la fortune patrimoniale. 11 avait peu réussi dans la banque et le négoce ; il manqua même de faire banqueroute. Mais il était, comme son aïeul Cosimo, le maître de l’État, et les deniers publics, maniés sans scrupules, vinrent en aide à sa fortune privée. Après avoir failli la perdre, il la rétablit par tous les moyens, même les moins avouables ; puis, pour assurer l’avenir, il se retira du commerce et de la banque et immobilisa ses capitaux. Le gouvernement intérieur de Lorenzo fut despotique et marqué par un retour à l’influence de l’oligarchie. Il tenta de réformer l’organisation des arts en laissent seulement subsister sept arts majeurs et cinq arts mineurs (20 septembre 1471)-Cette tentative échoua devant l’émotion quelle souleva dans le peuple. Sa gestion des finances publiques fut médiocre et de nature à diminuer grandement le crédit de l’État et des institutions financières et économiques de son pays. ’

Il mourut le 8 avril 1492. Ses successeurs, après beaucoup de vicissitudes, héritèrent de son pouvoir. Mais ils n’eurent plus rien d’original. Ce furent des potentats semblables à tous ceux que vit l’Italie à la même époque. Ils régnèrent par les mêmes procédés de diplomatie, d’intrigue et de terreur. Ce furent de médiocres princes. Ils accordèrent, il estvrai, quelque protection aux beaux-arts sur leur déclin et à la science naissante. Mais toute leur habileté se réduisit à l’emploi des moyens utiles à asservir leur patrie. Ce fut le grand mérite, de Cosimo des Medici qui, le premier de sa race, prit le titre de duc de Florence (20 septembre 1537). Tous oublièrent l’industrie, le commerce, la banque et ne firent rien, en somme, pour arrêter la décadence dans laquelle leur État glissait avec toute l’Italie.

Jean Le Roy,

Bibliographie.

Pekbbns, Bistoire de Florence, 6 volumes chez Hachette (de 1877 àl883) ; trois volumes chez Quantin (de 1888 à 1890). C’est la seule histoire complète qui ait été publiée de Florence. L’auteur y indique avec soin ses soin-ces, qui sont innombrables. — Macuiavjîl, Histoire de Mo ?*ençe et passim. ’