Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

des gros inconvénients du système cantonal, la division des médecins en deux catégories. 11 aurait également pour avantage de rapprocher le médecin du malade, ce qui serait un grand bienfait, si tous les médecins du département se trouvaient répartis pour la plus grande commodité de fonctionnement de cette organisation ; mais leur répartition n’offre pas malheureusement ce caractère, et le plus souvent ils sont ou trop rapprochés ou trop éloignés les uns des autres ; assez fréquemment même, ils se trouvent tous réunis au chef-lieu du canton. A ce dernier point de vue, ce système peut donc offrir ou non des avantages. Il a, du reste, comme le précédent, le gros inconvénient d’enlever au malade le choix du médecin.

Au contraire, le troisième système est basésurle principe de la liberté. Ce troisième système, ou système landais, ainsi nommé à cause du département des Landes, dans lequel il a d’abord fonctionné, consiste en ce que le malade est libre du choix de son médecin ; il peut faire appel à tous les médecins et pharmaciens qui, dans une circonscription déterminée, ont accepté un tarif spécial pour les visites et les médicaments ; il peut même s’adresser à un praticien, domicilié en dehors de la circonscription, si celui-ci veut bien accepter le tarif de l’assistance. Mais s’il y a liberté pour le malade, il y a, à l’inverse, liberté pour le médecin, qui peut accepter ou non les charges du service de la médecine gratuite, soigner ou non tel malade ; cette dernière liberté ne va pas sans quelques inconvénients ; on a vu parfois des médecins qui se refusaient à soigner les indigents ; on en a vu qui ne consentaient pas à donner leurs soins aux malades pauvres d’une commune un peu éloignée, alors qu’ils en visitaient la clientèle riche. Ce sont là, sans doute, des exceptions qui ne doivent pas nous empêcher de rendre pleinement justice au corps médical.

Entre les trois systèmes que nous venons d’analyser brièvement, nos préférences sont pour le dernier. Le système landais, en effet, nous paraît être celui qui présente le moins d’inconvénients. Est-il le meilleur ? Nous n’oserions l’affirmer. Il faut, au reste, reconnaître que, dans Y Enquête parlementaire sur l’assistance dans les campagnes, les déposants ont été très divisésdans leurs appréciations. Déjà, en 1866, l’Association générale des médecins de France s’était chargée d’étudier la question de l’assistance médicale des indigents dans les campagnes, et elle avait sollicité l’avis des sociétés locales, qui étaient alors au nombre de quatre-vingt-quinze. Or, voici comment s’exprimait

— 239 — MÉDECINE GRATUITE

M. Barrier, faisant connaître l’opinion de ces sociétés : « Aucune des opinions émises ne peut, disait-il, invoquer, en théorie, la valeur souveraine d’une raison qui s’impose, ni en pratique, la sanction d’une expérience générale. Le même système qui, dans tel département, fonctionne à la satisfaction de tous, est, dans tel autre, décrié ou abandonné. Ici, je vois la réglementation administrative acceptée sans opposition ; là, elle est repoussée comme une source d’abus, comme contraire à la dignité médicale, aux droits et aux intérêts du pauvre. Si quelques sociétés s’inspirent d’un sentiment de respect pour la liberté du malade indigent et pour le maintien d’une loyale égalité entre tous les membres du corps médical, d’autres jugent ces visées plus généreuses que pratiques, et y aperçoivent les chimères d’une utopie. » Qu’on ne s’étonne pas, d’ailleurs, de cette divergence. Si tel système est accepté dans telle région, c’est qu’il y a réussi ; si, à l’inverse, il est décrié ailleurs, c’est qu’il y est mal pratiqué. Tant vaut l’application, tant vaut le système.

. Les reformes .nécessaires et les projets. Comme on l’a vu par les détails et les renseignements statistiques qui précèdent, le service de la médecine gratuite est encore bien défectueux en France. Et cependant s’il est un fait d’assistance qui doive déterminer l’unanimité dans les assemblées délibérantes, c’est bien celui auquel donne lieu lamaladie. La maladie, en effet, ne comporte pas la surprise et ne peut se feindre, comme l’indigence ; déplus, elle n’est pas, comme la mendicité, susceptible de s’étendre par le soulagement même qui lui est apporté. Un homme qui a une compétence indiscutable dans les questions d’assistance, M. Théophile Roussel, dit « qu’en présence des infirmitéset de lamaladie, la consciencehumaine ne saurait se soustraire à l’accomplissement du devoir social ». Le devoir moral n’est pas contesté ; la question est seulement de savoir si le droit, à l’assistance doit être consacré dans cette hypothèse. Nous avouons qu’ici et par exceptionla charité pourrait être légale, sans qu’on eût à craindre de graves abus ; nous serions même assez tenté, pour notre part, de donner à l’assistance médicale un caractère obligatoire ; c’est là une brèche faite à des principes auxquels nous sommes fortement attaché ; mais nous ne pensons pas que cette atteinte à la loi fondamentale de la libre bienfaisance puisse déterminer des dérogations plus importantes. Dans l’enquête parlementaire de 4 872, presque tous les déposants ont reconnu que l’organi-