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enlevait aux agriculteurs à force armée ? Si vous détruisez le maximum, on payera tout cher, il est vrai, mais, si vous le maintenez, Ton manquera de tout. » (Discours de Bréard, 3 nivôse an III.)

L’application du maximum avait duré dix mois, elle avait porté la crise industrielle et commerciale et la disette à leur comble. La Convention reconnut enfin son erreur, et le décret du 4 nivôse an III (24 décembre 1794) supprima toutes les lois relatives au maximum.

Deux autres décrets des 24 nivôse et 8 ventôse maintinrent les marchés passés avant l’abrogation.

Cinq jours après (séance du 9 ventôse), sur la proposition de Johannot, la Convention décida qu’une proclamation explicative serait adressée au peuple. « Français, y était-il dit, la raison, l’égalité, l’intérêt de la République réprouvaient depuis longtemps la loi du maximum... Les esprits les moins éclairés savent aujourd’hui qu’elle anéantissait de jour en jour le commerce et l’agriculture ; plus cette loi était sévère, plus elle devenait impraticable. L’oppression prenait en vain mille formes, elle rencontrait mille obstacles : on s’y dérobait sans cesse, ou elle n’arrachait que par des moyens violents et odieux des ressources précaires qu’elle devait bientôt tarir.

« C’est donc cette loi, si désastreuse, qui nous a conduits à l’épuisement. Des considérations qui n’existent plus Font peut-être justifiée à sa naissance ; mais une disette absolue en eût été la suite nécessaire, si la Convention, en la rapportant, n’eût brisé les chaînes de l’industrie... Les approvisionnements delà République sont confiés à la concurrence et à la liberté sur les bases du commerce et de l’agriculture. » Telle fut la fin de cette triste expérience qui met en lumière les effets, déplorables au point de vue économique, de la fixation par l’État du prix des choses.

C’est une tentative intéressante de socialisme d’État. Les résultats de cette intervention des pouvoirs publics dans le commerce et l’industrie ne sont pas faits pour montrer le mérite pratique des théories collectivistes. La Convention a cru pouvoir porter remède à la crise économique et financière en s’attaquant à la résultante de cette crise : l’élévation des prix ; au lieu de s’en prendre à la cause, elle n’a considéré que l’effet. L’élé- .vation des prix était l’effet de la crise, du trouble causé à la société, de la disette, de la guerre, des assignats et de la dépréciation. La Convention n’a pas compris où était la source du mal ; elle a voulu le guérir sans en faire cesser la cause : elle devait aboutir à une impossibilité.

Elle a cru, d’autre part, que dans des cas exceptionnels les lois économiques pouvaient être méconnues ; les résultats lui ont montré qu’elles s’imposent toujours. Par le maximum, la Convention a voulu ramener l’abondance sur les marchés et elle les a fait déserter. En portant la main sur la loi économique fondamentale de la loi de l’offre et de la demande, elle a « tué le commerce et organisé la famine ».

On a dit * que le maximum avait soutenu le cours des assignats et permis a la Révolution d’entretenir ses armées. Rien n’est moins prouvé. « C’est au maximum, à la violation des principes, aux actes arbitraires. .. qu’il faut principalement attribuer le discrédit des assignats », disait Beffroy à la Convention dans la séance du 3 nivôse an III. Le maximum ne pouvait imposer de force à la nation la confiance dans le gouvernement sur laquelle le crédit est fondé. Les assignats étaient fondés sur un crédit qui n’existait pas, sur un gage immobilier, déprécié et cent fois dépassé (V. Économie POLITIQUE DE LA RÉVOLUTION).

Telle est, dans ses lignes principales, l’histoire des lois du maximum promulguées par la Convention.

Il existe encore en France plusieurs lois qui interviennent dans la détermination des prix et qui, pour des raisons particulières, portent atteinte au libre jeu de la loi économique de l’offre et de la demande. Telle est la loi de 1791 que nous avons mentionnée et qui établit provisoirement la taxe du pain et de la viande. Cette loi provisoire subsiste encore aujourd’hui. On en a montré les inconvénients économiques et on a prouvé qu’avec la taxe l’ouvrier paye le pain plus cher et que, d’une façon générale, la classe pauvre a plus à souffrir de la taxe que la classe riche, que c’est là une mesure rétrograde et illusoire, source d’injustice et d’arbitraire (V. Commerces de l’alimentation). Le remède à la cherté du pain est donc dans la liberté des échanges qui permet à l’importation d’assurer l’abondance.

Le rapport légal des monnaies d’or et d’argent, le taux légal de l’intérêt des capitaux, sont encore des exemples de l’intervention de l’État dans la fixation de la valeur d’échange des choses.

La taxation par les pouvoirs publics de marchandises, dont la fabrication est concédée à titre de monopole (voy. ce mot), ne semble . Louis Blanc, Histoire de la Révolution française t 1 M, y, 683 et suit*