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rhénane, rédigée avec le concours d’Engels, de Lassalle, Wolff, Freiligrath et quelques autres écrivains ; en 1849, ce journal fut supprimé et Karl Marx, poursuivi, se réfugia à Londres où il résida jusqu’à sa mort.

Il publia en 1859, la Critique de l’économie politique, et enfin, en 1867, son ouvrage le plus important le Capital.

L’Internationale, fondée en 1866, avait pour but de mettre en pratique les principes posés dans le manifeste du parti communiste. Karl Mars en inspira les statuts, qui furent élaborés à Londres et adoptés presque sans changement, au congrès de Genève ; il se proposait d’imprimer une direction unique au mouvement socialiste dans les divers pays, tout en laissant une assez grande autonomie aux divers groupes que devait relier l’association. Son influence fut prépondérante dans l’Internationale jusque vers 1872 ; mais le pouvoir qu’il y exerçait excita des jalousies ; au congrès tenu à La Haye, en septembre 1872, il fut en butte à de violentes attaques ; des scissions se produisirent ; son crédit, profondément atteint, diminua rapidement ; ses partisans tinrent encore un congrès à Genève en septembre 1873, mais ce fut le dernier. Karl Marx vécut, depuis lors, dans la retraite et mourut à Londres le 15 mars 1883.

On trouvera l’exposé de ses théories sous le mot Socialisme.

C. D.


MATIÈRES PREMIÈRES.


SOMMAIRE


1. Observations générales.
2. Définitions des diverses écoles.
3. Questions qui s’y attachent.
4. Influence des régimes économiques.


1. Observations générales.

On est encore loin d’être d’accord sur le véritable sens de la formule choisie par Montesquieu pour épigraphe à l’Esprit des lois : Prolem sine maire creatam. Un traducteur intrépide aurait pu la rendre par : enfant qui n’est pas sorti de la matrice ou mieux : enfant sans mère ; ce qui n’aurait eu aucun sens. Œuvre sans matières premières, correspondait probablement beaucoup mieux à la pensée de l’auteur. Eh bien, Montesquieu se trompait : la matière première est la condition de toute production. Sous une forme ou sous une autre, l’esprit est obligé de se servir de la matière ; et toute matière qu’il n’a pas façonnée et transformée par le travail est une matière première. L’Esprit des lois a donc eu sa matière première. On conviendra qu’il y a loin de cette définition générale à la définition spéciale qui réduit les matières premières à ne figurer que dans les tarifs de douane pour y être exemptes ou surchargées de droits à l’entrée ou à la sortie, même à la sortie et à l’entrée.

Aussi est-il intéressant de rechercher les définitions que les diverses écoles économiques ont données à cette formule si élastique : matières premières. Dans plusieurs des traités d’économie politique récents, elle est même délaissée ; on ne lui accorde aucune place. Il semble qu’elle soit dépourvue de caractère scientifique, et cependant bien des problèmes économiques, dont l’examen est loin d’être épuisé, se rattachent à cette formule et aux définitions qui en ont été données.


2. Définitions des diverses écoles.

La grande école des physiocrates, venue la première, a donné à la formule : matières premières, un sens large, mais sans précision. « Plus vous multiplierez, disait Quesnay, les marchandises de main-d’œuvre, plus aussi vous multiplierez les fabricants et artisans qui achèteront chez vous et les étrangers des productions pour subsister et pour les matières premières de leurs ouvrages. » Il ajoutait : « Vous trouverez des bâtiments, des bestiaux, des semences, des matières premières, des meubles. » Le sens était moins étendu et vague encore. Dans le Dialogue sur le travail des artisans, Quesnay est plus net : « Le verre à boire ne coûte qu’un sou ; la matière première qu’on y emploie vaut un liard. » La matière première serait donc la matière que l’industrie transforme. Cette définition est, en réalité, demeurée longtemps dans la science ; elle est cependant fort insuffisante. En effet, elle exclut de l’agriculture toute matière première. Mercier de la Rivière reprend cette idée à propos du lin transformé en dentelle ; mais il repousse la théorie du maître. Il nie que la filature et le tissage ajoutent aucune valeur au lin. Dans Turgot, l’idée de la matière première est encore moins dégagée que dans Quesnay. Dans le § III du Mémoire sur la formation des richesses, il dresse un tableau plus vigoureux que Quesnay des diverses phases de la production, sans faire ressortir nulle part la fonction économique des matières premières :

« Les denrées que la terre produit pour satisfaire aux besoins de l’homme ne peuvent y servir, pour la plus grande partie, dans l’état où la nature les donne ; elles ont besoin de subir différents changements et d’être préparées par l’art, il faut convertir le froment en farine et en pain, tanner ou passer les cuirs, filer les laines et les cotons, tirer la soie des cocons, rouir, teiller les chanvres