Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

tie, le service de l’assistance ; ils faisaient vivre environ soixante mille ecclésiastiques ou religieux des deux sexes 1 dont beaucoup remplissaient des fonctions utiles comme ministres du culte, hospitaliers et enseignants.

Aucune dotation ecclésiastique, en effet, constituée après le xm° siècle ne fut importante que par exception. Avant cette époque, la population étant rare et la culture peu avancée, les rois et les seigneurs donnèrent assez facilement aux églises ou aux ordres religieux de vastes espaces de terres incultes que les donataires défrichaient et qui de-, venaient ainsi des centres de population ; ils ne le firent plus ensuite. Il faut ajouter, et M. de Lavergne en fait la remarque, qu’à côté des riches et vastes abbayes se trouvaient nombre de communautés peu pourvues et de très petits bénéfices (on nommait ainsi la fondation destinée à faire vivre un ecclésiastique chargé de desservir une église, une école ou un hôpital et même les trois à la fois).

Les universités françaises étaient loin d’être riches. Celle de Paris, la mère et le modèle de toutes les autres, car elle était déjà florissante au xn e siècle, avait, suivant son historien Crevier, qui écrivait en 1761, «peu de revenus. Les facultés et les nations sont pauvres, les collèges (fondés à l’origine pour recevoir gratuitement les écoliers sans ressources qui suivaient les leçons de l’université ) ont à peine de quoi faire subsister leurs services ; tout annonce la pauvreté». La liquidation du patrimoine des corporations de métiers montra que presque toujours les dettes égalaient l’actif. Quant aux biens destinés à l’assistance, ils donnaient suivant le Rapport du « comité de mendicité » comité choisi par l’Assemblée constituante parmi ses membres, un revenu qui n’allait pas à 32 millions.

C’est pourtant avec ces faibles ressources, mises toutefois aux mains de personnes à la fois compétentes et dévouées, que l’enseignement avait donné les glorieux fruits que l’on connaît et que l’assistance était distribuée d’une manière qui en certains endroits n’a pas été égalée. Une administration d’État disposant des mêmes sommes aurait-elle pu faire autant ? Était-il vrai, d’autre part, que ces biens fussent tous mal gérés, que les immeubles en particulier fussent mal cultivés ? Mais la plupart étaient aux mains des communautés religieuses qui les avaient défril. Frédéric Ozanam portait ce nombre à cent miJle, mais il estimait le revenu des biens à soixante-dix mi liions, ce qui donnait, sans tenir compte des frais du culte et de l’enseignement, 700 livres par tète. IL

chés et voici ce qu’en dit M. de Lavergne : « Presque tout ce qui exige en culture de la richesse et de l’esprit de suite a pris naissance chez nous à l’ombre des cloîtres ; nos principaux vignobles ont été créés par des religieux et n’ont pu que perdre à sortir de leurs mains. L’horticulture leur doit ses plus heureux trésors tant en fleurs qu’en fruits. Le bétail enfin, cet élément principal de toute propriété rurale, a trouvé surtout dans leurs étables, les conditions nécessaires à la conservation et au perfectionnement des races. » Et le même auteur nous fait voir que ces biens se rencontraient même en des contrées très bien cultivées dès lors, comme les Flandres et les provinces belgiques, et ne le cédaient point sous ce rapport aux propriétés individuelles.

^ En un point elles en étaient supérieures ; c’est que les communautés monastiques faisaient pour leurs biens des sacrifices que l’on ne peut demander à un particulier. « On n’ignore pas, écrivait le marquis de Mirabeau [VAmi des hommes), qu’il est passé en proverbe que les bénédictins, par exemple, mettent cent sur leurs terres pour faire produire un. Je connais dans leurs biens telle chaussée d’étang ou contre des rivières, tel autre travail enfin utile et nécessaire qui a certainement coûté trois fois le fonds de l’abbaye entière. Ces travaux longs et dispendieux qui sont une sorte de j’oie pour ces corps qui se regardent comme perpétuels, toujours mineurs pour aliéner, toujours majeurs pour conserver, sont au-dessus des forces des particuliers. »

C’est surtout pour les forêts que cette propriété de mainmorte était utile. Le maréchal de Vauban examinant, dans ses Oisivetés, le moyen d’avoir les forêts nécessaires pour fournir au royaume le bois à bâtir, établit qu’il faut cent vingt ans pour obtenir de belles futaies et désespérant de voir les particuliers commencer une sorte de plantation dont leurs petits-fils même ne doivent pas jouir, il fait appel aux communautés religieuses, la propriété de mainmorte lui paraissant seule propre à ces sortes d’entreprise. Elle rendait, en effet, cette sorte de services, et M. de Lavergne déplorait la perte de ces belles forêts du domaine ecclésiastique, «vendues à des spéculateurs et détruites ;... souvent, dit-il, ,on en regrette amèrement l’absence ».

Ceux de ces biens qui n’étaient pas exploités directement étaient loués à de telles conditions que. les fermiers s’y enrichissaient assez vite.

Il est vrai que ces biens ne servaient pas directement à entretenir des familles, mais