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célérer sans avoir à compter avec les influences atmosphériques.

En agriculture, la machine ne remplit jamais le rôle principal que nous venons d’assigner aux instruments de la production industrielle ; les conditions de travail et la nature des opérations ne sont pas moins dissemblables. Dans l’industrie agricole, Thomme netransforme pas lui-même, comme le tisserand ou le potier, du fil en un tissu, de l’argile en un vase. Il ne peut qu’assurer dans les meilleures conditions révélées par l’observation et l’expérience, la transformation d’une graine en une plante, ou ce qui est plus merveilleux encore la transformation d’un aliment par un être animé. Les machines ne sont plus ces instruments aux organes simples et fixes que l’homme modifie à son gré, dont il règle l’action, l’énergie et la productivité ; en agriculture rien de pareil, c’est la plante qui est la machine aux mécanismes cachés dont la vie mystérieuse est réglé e par des lois que rien ne révèle tout d’abord aux yeux. La machine, c’est la terre dont on a ignoré si longtemps jusqu’à la composition chimique, jusqu’aux transformations les plus importantes sous l’influence des saisons, de l’humidité, de la chaleur, sous l’influence de ces organismes microscopiques dont l’action incessante peut rendre stérile ou fécond le sol qui fait germer la plante et l’alimente ensuite. Ici nous le répétons, Faction humaine est indirecte ; l’agriculteur se borne à découvrir dans quelles conditions, suivant quelles lois la plante se développe, il fait ce qu’on appelle de la physiologie végétale. Puis, il étudie avec non moins d’attention les lois naturelles qui règlent la transformation du milieu où la plante végète, c’est-à-dire de la terre. Ailleurs l’agriculteur cherche comment l’animal se développe, de quelle manière plus ou moins avantageuse et économique il transforme en lait, en laine, en viande, en force, l’aliment qui lui est donné. Et quand il possède toutes ces notions, si incomplètes qu’elles soient, quand il a lutté contre les circonstances imprévues, contre l’action mal connue encore des lois qu’il a si longtemps ignorées, alors l’agriculteur ne peut que se placer dans les meilleures conditions, attendre une transformation toujours incertaine parce qu’il ne peut rien sur les vents, sur les pluies, sur les agents morbides, parce qu’il commence à peine à entrevoir les lois auxquelles sont soumises ces trois machines qu’il n’a pas faites et dont il doit pourtant se servir : la plante, la terre, l’animal.

On se demande parfois pourquoi l’industrie agricole ne fait pas plus de progrès, pourquoi sa productivité s’accroît avec tant de lenteur. Peut-être le comprendra-t-on mieux si on conçoit nettement les difficultés, multiples et à peine entrevues jusqu’à nos jours, de ces transformations qui s’opèrent sous nos yeux mais suivant des lois que l’homme n’a pu découvrir ou pressentir qu’après de longs siècles de recherches et de tâtonnements.

Quant à l’outil mécanique, quant à la machine au sens habituel du mot, son rôle en agriculture ne peut être et n’est jamais que secondaire. A l’inverse de ce qui se passe dans l’industrie ; comme nous l’avons dit et répété, en agriculture, l’opération principale n’est pas l’œuvre de l’outil ; ce dernier est employé aux différentes façons du sol, au labour, au hersage, à la récolte ou aux transformations des produits déjà obtenus. La charrue fend le soi, sert à l’aérer, à le soumettre aux influences des agents atmosphériques ; ]a moissonneuse et la faucheuse mécaniques coupent les tiges des plantes fourragères ou des céréales, la machine à battre sépare le grain de la balle, d’autres instruments nettoient encore les céréales et remplacent l’homme dont l’action directe s’efface. Mais ces services, si appréciables et appréciés qu’ils soient, ne sont que d’une faible importance si on les compare à ceux que rendent en industrie les machines qui filent, qui tissent ou qui produisent la force. Le rôle des instruments mécaniques est donc tout différent en agriculture de ce qu’il est en industrie.

Les conditions dans lesquelles s’opère le travail mécanique ne sont pas moins dissemblables la plupart du temps. Si certains instruments comme les machines à battre, les appareils destinés à la préparation des grains, des fourrages et des racines pour l’alimentation du bétail, etc., peuvent être employés à toute époque, à tout instant, avec une régularité parfaite et une efficacité certaine, il n’en est pas de même pour les machines employées à l’extérieur de la ferme. Les influences atmosphériques, la compacité du sol, son humidité, sa sécheresse et les exigences de la végétation rendent toujours difficile et incertain l’usage des instruments. Leur direction, leur traction suppose d’ailmas l’emploi de l’homme et des moteurs animés. Les économies réalisées dépendent pour une large part de l’étendue des surfaces sur lesquelles ces instruments sont employés, des accidents du terrain, de la nature des récoltes ; et ce sont là des conditions ou des circonstances que l’homme subit la plupart du temps sans pouvoir les modifier. Les opérations agricoles de culture à l’aide