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par son travail. Dès lors, les taxes sur le revenu deviennent seules capables de fonctionner dans la circonstance.

Cette impuissance de taxation à l’égard d’une classe aussi considérable de matières imposables constitue, en somme, une des plus graves objections contre l’impôt sur le capital, surtout lorsqu’on veut en faire un impôt unique. L’avantage que nous lui avions reconnu d’abord se transforme, maintenant, dans le champ même que nous considérons, en une lacune irrémédiable qui s’opposera toujours à son impatronisation et à sa domination exclusive.

D’ailleurs, une dernière question très inquiétante se pose à son sujet : comment procéder sans inquisition à l’évaluation des capitaux imposables ? Déjà les revenus ne se laissent pas aisément découvrir ; cependant deux faits périodiques révèlent, à la rigueur, leur trace : rencaissement aux échéances des coupons, loyers, rentes, intérêts, traitements, salaires, redevances, etc. ; puis le montant annuel des dépenses alimentées par ies revenus. Pour les capitaux, aucun indice analogue n’existe. En dehors des époques exceptionnelles de successions, partages, liquidations et inventaires, ils demeurent cachés à tous les yeux. Tout au plus peut- on déduire approximativement leur chiffre, soit des revenus, soit des dépenses ; mais le détour, on le voit, nous ramène immédiatement aux procédés mêmes d’imposition des revenus. Pour saisir directement les capitaux, on se trouve, en définitive, forcé de recourir aux inquisitions et recherches vexatoires, que tout le monde redoute avec raison.

. Impôt sur le revenu. — Formes diverses qu’il ailecte. — Article spécial qui lui sera consacré. La conclusion de la première maxime d’Adam Smith devient ainsi la nôtre : « L’impôt doit être assis sur le revenu. » « Quant aux revenus, dit Jean-Baptiste Say, ils sont proprement, — quelle qu’en soit la source, — la véritable matière imposable, parce qu’ils renaissent incessamment. » Une fois ce premier point résolu, la question du mode d’imposition du revenu suscite, de nouveau, les plus graves controverses. Trois formes différentes, en effet, s’offrent à nous.

L’impôt peut frapper en bloc la totalité du revenu individuel, au moyen de déclarations ou de constatations globales, comme le fait, par exemple, l’impôt des classes et des revenus classifiés en Prusse. Ou bien il peut s’adresser séparément, avec des procédés spéciaux, à, chaque source

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de revenus et composer ainsi une collection d’impôts sur les revenus. Tels sont Yincomer tax en Angleterre et l’impôt sur la richesse mobilière en Italie.

Enfin, s’il recule devant les difficultés d’exécution de ces deux premiers systèmes, il se contentera d’apprécier le revenu d’après ses signes extérieurs , susceptibles d’être constatés sans inquisition personnelle. Telles sont les combinaisons adoptées en France. Nous nous bornons à indiquer ici ces distinctions qu’un article spécial doit développer (V. Impôt sur le revenu).

. Impôt en nature. ■— Dîmes ecclésiastiques sous l’ancien régime. — Projets de Vauban.

— L’impôt foncier sous la Convention. La perception de l’impôt, — son assiette sur le revenu étant admise, — s’effectue soit en nature soit en argent. Bien que le choix entre ces deux procédés ne fasse plus question aujourd’hui, le sujet présente encore de l’intérêt au point de vue historique et théorique.

L’impôt du sang serait le plus terrible des impôts en nature s’il était, à vrai dire, un impôt. Mais ce nom, d’après le sens propre de la définition citée plus haut, ne peut régulièrement lui appartenir.

L’obligation permanente du service militaire, en effet, n’a été instituée qu’en prévision de l’éventualité de la guerre, afin de prémunir d’une instruction nécessaire la partie valide de la nation destinée à entrer en campagne au premier signal. A défaut de la nécessité de cette instruction préparatoire, il suffirait de convoquer les citoyens au moment même de l’ouverture des hostilités ; une telle levée en masse ne s’appellerait évidemment plus alors un impôt : ce serait un acte de défense collective ; la nation repousserait la force par la force, comme peut le faire tout individu, toute association, dont la propriété est violée, comme peuvent le faire les habitants d’une commune qui s’arment contre les bandits ou les bêtes fauves. Or, la nécessité d’une instruction préparatoire, en temps de paix, ne modifie pas ce caractère essentiel de défense nationale attribué au serviee militaire, lequel constitue, dès lors, sans doute, une obligation sociale, mais non pas un impôt, dans le sens propre du mot.

La corvée (V. ce mot), de même, sous l’ancien régime, qui réquisitionnait les hommes et les attelages pour la construction et la réparation des routes, représente seulement un effort commun, tel que les sociétés primitives en ont souvent effectué, sans donner eneore pour cela ouverture à l’idée d’impôt.