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sont forcés de se demander s’il n’est pas probable qu’on puisse relever des erreurs dans l’application positive de leurs doctrines tout comme on a pu le faire dans celle des doctrines de ceux qui les avaient précédés. Il n’y a rien de plus frappant que ïa conclusion à laquelle on arrive quand on pousse à fond le genre d’étude auquel nous nous livrons. Les mesures qui ont été aune époque préconisées avec le plus de confiance et qui ont été mises à exécution sont celles dont on se plaint le plus vivement, très peu de temps après qu’elles ont été appliquées. ° Si les deux parties en présence gagnent dans l’échange, le commerce n’est pas une guerre et n’a rien de commun avec la guerre, quoiqu’on y trouve conflit d’intérêt et compétition. Il ne rend pas ennemis ceux qui font des échanges entre eux. Les fonctions par lesquelles on coopère à l’œuvre sociale ne sont pas des privilèges. Elles ne peuvent être appropriées par des individus comme si c’était leur propre bien. Elles ne peuvent pas devenir une propriété productive, parce qu’elles ont pour objet de faire disparaître les obstacles au bien-être de l’humanité. Si elles pouvaient, à titre de propriété, fructifier dans les obstacles mêmes, elles maintiendraient les obstacles au détriment du progrès de la société. Personne ne peut plus, nulle part, regarder « son propre marché » comme une propriété ou comme une possession dont on peut dire que l’étranger l’envahit, et qu’on peut prétendre avoir été dérobée par celui auquel il a été permis d’y vendre des marchandises. On ne peut plus dire non plus qu’on fonde une puissance rivale quand on demande ce dont on a besoin au commerce avec les sujets d’un État étranger ; on ne peut plus parler de cette veille déception des guerres commerciales.

Si les deux parties en présence gagnent dans l’échange, chacune d’elles s’y emploie à son propre profit, et Tune d’elles, si elle s’en abstient, ne peut le faire qu’à son détriment. S’abstenir de faire un bénéfice pour qu’un autre n’en fasse pas, c’est une ineptie. L’industrie n’est bonne qu’à donner ce dont on a besoin ; elle n’est pas une fin en elle-même. Le travail n’est pas un bien. On ne peut, en conséquence, avoir pour but d’augmenter le travail d’un groupe d’êtres humains. Le travail et l’industrie sont des moyens d’atteindre un but, et ce but est de satisfaire aux besoins ; si les besoins pouvaient être satisfaits sans travail, ce serait une bénédiction et non pas une calamité. Nous serions libres de faire autre chose que nous ne pouvons pas faire. Aussi une industrie déterminée, considérée comme une des branches de la production, ne peut-elle pas être regardée comme une propriété sociale. On ne peut avoir pour but «de créer une industrie ». Une industrie n’est qu’un des modes suivant lequel l’action productive d’une communauté est appliquée à sa tâche productrice. Elle n’estbonneà quelque chose que si elle accomplit l’objet delà production. Si la même quantité de marchandises destinées à la satisfaction des besoins pouvait être obtenue par quelque autre moyen avec une moindre dépense d’énergie productive, il y aurait un gain social, et non pas une perte, lors même qu’il en résulterait la destruction d’une forme préalablement existante de production (une industrie). Faisons un pas de plus. La notion du mérite et de la valeur des formes de l’industrie n’a plus de raison d’être ni au point de vue absolu, ni au point de vue relatif. Il n’y a ni dans l’agriculture, ni dans les manufactures, ni dans le commerce, ni dans une industrie quelconque, une qualité qui rende l’une plus précieuse que l’autre pour la société. Elles valent toutes juste ce qu’elles donnent à l’homme de bien-être dans sa vie terrestre, et rien de plus. Ces considérations ne sont ni cherchées ni puisées à une profondeur telle qu’il faille ne s’y laisser aller qu’avec crainte de se tromper. Elles sont déduites d’un simple fait. Vouloir s’y soustraire, c’est se montrer incompétent.

° On pourrait tirer en même temps de nos prémisses une conclusion d’un autre genre, et moins simple ; ce serait une formule apte à rendre compte de la productivité des entreprises dans le nouvel ordre de choses. Sans parler de monopoles, on peut dire que le rétrécissement du marché ne peut jamais balancer les efforts à faire pour élever les profits, parce que les efforts dont nous parlons sont toujours ajoutés aux prix de revient. La vraie méthode est d’abaisser les prix de revient et d’élargir le marché. C’est par ce précepte que la liberté se trouve dans un antagonisme flagrant avec tous les genres, anciens ou modernes, de protectionisme, y compris les guerres de tarifs, les guerres militaires entreprises dans un intérêt commercial, les systèmes coloniaux, les monopoles, les corporations et tout le reste. . La protection aux États-Unis.

Il est facile de comprendre que la prétendue expérience d’un tarif protecteur aux États-Unis, pendant le dernier quart de siècle, ait exercé sur les esprits en Europe une grande influence. Il y a pourtant des raisons de croire qu’on est en présence d’un de ces cas où l’on raisonne témérairement quand on conclut du nouveau monde à l’ancien. Les