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d’imaginer des règlements de nature à se maintenir du bon côté. De là aussi, la guerre érigée en système ; car une conséquence à laquelle on ne peut échapper c’est que des deux parties qui traitent une affaire de commerce, il y en a toujours une qui est victime ou ennemie.

. La nouvelle doctrine.

La première rupture avec le système mercantile se produisit à propos de la doctrine monétaire. Les hommes les plus distingués de l’école n’avaient jamais adhéré complètement à Tidée que les métaux précieux fussent une meilleure richesse que toutes les autres. Vers le milieu du xvm e siècle, des penseurs profonds, indépendants de caractère, commencèrent à assaillir çà et là diverses parties du système, mais on verra, par Fexposé qui va suivre, qu’il ne fut possible de s’en émanciper que très lentement et en ne faisant des progrès que très péniblement.

Dans le pamphlet attribué à Decker, on trouve une attaque à fond des monopoles et des compagnies, des corporations de la cité (Gilds), des prohibitions à l’importation, des prohibitions à l’exportation de la laine d’Irlande, de la prohibition à l’importation du poisson, de l’Acte de navigation, des primes à l’exportation, des lois des pauvres et du faux rapport entre la valeur de l’argent et celle de For. « Les droits de douane sur les marchandises étrangères nous font plus de mal qu’aux étrangers, et cependant nos fausses idées sur le commerce nous font croire le contraire, en concentrant nos pensées sur le vendeur sans nous occuper de l’acheteur. » Il propose d’abolir les monopoles, de réunir l’Irlande à la Grande-Bretagne et de mettre par le commerce tous les citoyens sur le même pied. Hume était assez hardi pour dire : « Je m’aventurerai en conséquence jusqu’à dire, non seulement comme homme, mais encore comme sujet anglais, que je fais des vœux pour voir fleurir le commerce de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, et même de la France. » Il maintient que chacun profite de la prospérité des autres. Il désapprouve la guerre de tarifs avec la France, quoiqu’il considère la jalousie contre la France comme bien fondée ; cependant il approuve les droits protecteurs sur les produits manufacturés.

Mirabeau raille ceux qui disent que le commerce utile est celui qui fait importer de l’argent, et que le ruineux est celui qu’il faut régler en espèces ; ceux qui ont cette croyance aimeraient que le Vésuve vomît de l’argent. Il fait des vœux pour la fraternité

— LIBERTÉ DES ÉCHANGES 

des nations et pour la liberté du commerce quand la nation a suffisamment développé son industrie et qu’elle ne redoute plus la concurrence. Il pense que ce sont les superfluités et les objets de luxe qui doivent être fournis aux étrangers. Il est de notre intérêt que nos voisins aient la meilleure industrie possible, les meilleures lois et qu’ils atteignent le plus haut degré de prospérité. C’est un axiome barbare que celui qui dit « Nul ne perd que l’autre ne gagne » ; et il prétend qu’au point de vue physique comme au point de vue moral « Nul ne perd qu’un autre ne perde ». Si l’idée de surcharger de taxes une marchandise qu’on veut discréditer chez soi était aussi habile et aussi efficace qu’elle est absurde et inefficace, les hommes d’État devraient encore y résister par cette raison que «FinvenLion ne peut être secrète ni le principe exclusif ». L’empire de la mer est une chimère. Le grand secret de la politique commerciale qui s’appelle la prohibition n’est rien qu’une grosse bêtise, qui suppose que nos voisins sont des oies, quand on Fadopte, sans compter que quand on emploie la violence pour l’appliquer c’est la plus misérable injustice.

Daire pense que l’extravagance de la doctrine des physiocrates (voy. ce mot) sur la terre a été la conséquence de la prééminence injustifiée accordée au commerce dans les siècles précédents. Les physiocrates auraient ainsi réagi contre les exagérations de la doctrine commerciale des partisans du système mercantile. Quesnay regarde les marchands comme une sorte de république indépendante, constituée entre les citoyens de tous les pays, et il parle souvent de la perte que le commerce impose aux nations. Il critique l’usage qu’on fait de la balance du commerce comme si l’on y trouvait le critérium des avantages nationaux, car il arrive souvent que la nation qui perd est justement celle qui^ reçoit une différence en argent. Mais la vraie doctrine des physiocrates sur le commerce, suivant Quesnay, est un échange de valeurs contre des valeurs, ce Relativement à ces valeurs, il n’y a ni gain ni perte entre les parties. » Mercier dit que ni l’un ni l’autre des contractants n’est après l’échange ou plus riche ou plus pauvre ; mais les uns et les autres ont quelque chose qui leur convient davantage. Il regarde le commerce étranger comme un pis-aller, quand on n’a pas assez de consommateurs chez soi ou quand il faut se procurer quelque chose qu’on ne produit pas. Il tourne en ridicule l’idée que le pays puisse gagner quoi que ce soit par le commercé extérieur, parce que l’un perd ce que l’autre gagne. Le Trosne