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Le premier objet sur lequel s’est exercée la politique d’approvisionnement a été naturellement la nourriture, et dès lors s’est ouvert le long chapitre des lois des céréales (voy. ce mot). Le second objet de cette politique a été de se procurer de For et de l’argent. Quand une principauté était située dans l’intérieur des terres, entourée d’autres seigneuries où les moyens de communications étaient très restreints et alors que la sécurité publique était très peu assurée, on comprend aisément qu’il pût être difficile de se procurer un stock de métaux précieux suffisant pour maintenir dans de bonnes conditions les relations économiques de ce pays avec les pays voisins.

C’est une des raisons de la situation extraordinaire prise par les associations de monnayage dans les premiers temps du moyen âge (Eheberg.) Quand on commença à sortir de la période sociale chaotique pour entrer dans cette nouvelle forme sociale où l’industrie se séparait des manoirs, les villes se bâtirent, le commerce naquit et les échanges s’opérèrent au moyen de la monnaie. Dès lors la possession de la monnaie fut équivalente à la possession d’un outil nouveau d’une extrême puissance. C’est ce qui explique l’intérêt supérieur pris à l’acquisition de l’argent et la passion qui se manifesta pour s’en procurer pendant le moyen âge. Car, faute de marchés, ceux mêmes qui possédaient de. grands biens trouvaient difficilement de l’argent comptant. Les rois avaient la plus grande peine à percevoir les impôts. Les préjugés contre l’usure et le commerce jetèrent ce qu’il y avait d’argent dans les mains des Juifs et des Lombards qui en eurent le monopole. L’argent de la circulation fut de la sorte approprié. On commit des erreurs incessantes dans les conditions vraies du monnayage, spécialement par l’exagération des droits de seigneuriage et par l’établissement de faux rapports entre les deux métaux. Les erreurs de la politique réagirent donc constamment sur la situation pour en aggraver les mauvais effets. Ces effets furent communément imputés aux usuriers et aux marchands, auxquels on attribua le rôle de parasites tirant tout ce qu’ils pouvaient de la communauté sans jamais rien lui rendre. Aussi l’idée essentielle qu’on se faisait du commerce à cette époque était que le gain qu’il apportait aux uns formait la perte des autres. Il est clair que la doctrine d’après laquelle les chrétiens devraient, dans une affection fraternelle, se partager leurs biens, impliquait que les échanges commerciaux ne comportaient pas d’avantages mutuels.

IL

, Le xvi e siècle.

Après la guerre de Cent ans, on voit clairement que le vieil ordre de choses s’écroule tant en France qu’en Angleterre. La politique de Louis XI et d’Henri VIII n’était fondée sur aucune doctrine consciente de protection. Tous deux cherchaient à organiser les éléments contradictoires qui se rencontraient autour d’eux dans une extrême confusion. On peut dire la même chose des mesures prises par la reine Elisabeth. Dans le xvi e siècle, toutefois, l’Angleterre a traversé une grande révolution économique. L’extension des fermes à moutons, les délimitations des cultures, le développement de l’industrie en dehors des villes, la décadence des corporations, l’accroissement des vagabonds et des mendiants, la distribution de la population et l’abaissement des villes, l’augmentation de la richesse de certaines classes et la pauvreté croissante d’autres classes, le changement dans les habitudes de la vie, notamment chez les nobles, la^ hausse des prix, tout cet ensemble de faits attira l’attention de tous les hommes éclairés de cette période et fut l’origine d’une production littéraire très remarquable. En fait, la littérature de l’économie politique avait commencé longtemps auparavant. La Vision de Piers le laboureur est une discussion de questions sociales qui embrasse tous les phénomènes sociaux importants de la fin du xiv Ê siècle. Le Libel sur la politique anglaise (1430) est une tentative très nette de programme de politique commerciale. La mesure proposée toutefois était que l’Angleterre prît possession du détroit du Pas-de-Calais. On peut dire que c’est la première suggestion des dogmes qui devaient avoir tant de crédit au xvm e siècle que « celui qui est maître de la mer, est maître de la terre » et que « le commerce suit le pavillon ». Il y a eu des admirateurs de ce document comme fournissant la preuve qu’un patriotisme intelligent se produisit de très bonne heure (Schanz.)

Au même moment, les Vénitiens réclamaient la domination de l’Adriatique. En 1454, Nicolas V garantissait aux Portugais la domination de l’Océan au droit de leurs découvertes sur la côte ouest de l’Afrique. Les prétentions à la domination de la Baltique et des Belt avaient amené des querelles entre les Hanséates et les Scandinaves. Dans le xyi e siècle, un écrivain espagnol, Antonio Perez, a émis l’idée que l’Espagne prît par les armes possession du détroit de Gibraltar et exclût du Levant les États du Nord. Saavedra, au commencement du siècle