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avantages sociaux. Mais l’acquisition d’avantages et la réalisation d’un idéal coûtent de l’argent. Il faut dépenser pour les avoir et il faut faire les frais de leur consommation. On nous défend donc l’étude de la production de la richesse pour que nous puissions étudier les moyens de la dépenser. C’est le sophisme qui est le plus au fond et qui va le plus loin de tous ceux que Ton rencontre en économie politique et celui qui est à la base de toutes les contradictions et de toutes les controverses de notre temps.

Cette dernière phase du protectionnisme, ■ comme nous le verrons plus loin, appartient spécialement au xix e siècle. Elle date de List (voy. ce nom). Elle est indépendante du vieux mercantilisme dont elle est un dernier effort et elle a pour point de départ une nouvelle base philosophique. C’est une philosophie économique sans antécédents historiques, qui considère l’organisation industrielle entièrement a priori. Elle cherche à déterminer une conception générale du pouvoir social et du bien social d’où elle puisse tirer une philosophie de discipline à imposer au corps industriel par les autorités politique s, afin de donner satisfaction à l’idéal qui, à certaines époques, flotte dans une nation ou dans une génération. Il y a dans tout cela un déplorable élément de mysticisme économique. Garey (voy. ce nom) s’en est emparé et l’a développé avec un grand enthousiasme (dans son ouvrage Unity of Law). Les forces sociales et économiques sont discutées comme si elles étaient transcendantales, en larges phrases et dans des propositions générales qui se traduisent en termes abstraits et quasi philosophiques. On parle de la distribution des richesses comme si d’un côté elle était due à une force occulte et de l’autre à un partage arbitraire. On se sert des expressions bien général ou bien-être de tous, comme si ces mots représentaient des idées précises qu’on puisse faire entrer couramment dans la discussion. L’organisation de la société est devenue quelque chose de transcendant qui ne saurait être soumis à des recherches scientifiques telles qu’elles puissent aboutir à une connaissance objective. 11 en résulte que les chercheurs qui sont dominés par cet ensemble d’idées se plaisent à lancer dans l’inconnu un système comme celui des droits protecteurs, avec la confiance que, d’une manière ou d’une autre, ils retireront de l’inconnu une organisation sociale meilleure. Un des indices de cette façon de raisonner est la mode qui veut qu’on se serve du terme science sociale au lieu de celui d’économie politique. Cela- ouvre la voie à un champ sans limites de spéculation et de métaphysique que parcourent des faiseurs de phrases, à côté et tout à fait en dehors de la science des richesses. La science sociale s’est tellement éloignée de ce qui constitue une science qu’on peut employer, en en parlant, certaines formules qui sonnent aux oreilles le plus délicieusement du monde, alors que les méthodes, les preuves, les garanties et le critérium qui sont le fond de toute science sont encore dans un état absolu d’indétermination. En réponse à ce protectionnisme philosophique, les libre-échangistes refusent de reculer les limites de l’économie politique audelà des lois du bien-être matériel de la société. Ils laissent de côté tous les prétendus éléments moraux comme n’étant ni concluants ni scientifiques. Ils regardent la dispute du* libre-échange et de la protection comme très simple et très pratique. Ils soutiennent que c’est une question parfaitement légitime et digne d’être traitée, que celle de l’organisation des efforts productifs pour donner à l’humanité le maximum du bien matériel, que le libre-échange et la protection enfin sont entièrement du domaine de cette recherche et ils se refusent à en obscurcir la discussion par l’introduction d’éléments qui y sont étrangers.

. Il est nécessaire, pour rendre justice aux deux parties en présence, de distinguer ce que nous avons dit, dans le paragraphe 3, des dernières et plus extrêmes conséquences de la tendance que nous avons signalée. Les disciples de Carey (voy. ce mot), Thompson, Denslow, ont poussé la discussion des éléments transcendantaux et a priori de son système plus loin que lui. Carey avait fait dans l’industrie et le commerce des distinctions arbitraires. Ses disciples ont élargi et étendu sa méthode. Le professeur Thompson a déterminé un critérium pour distinguer a priori une industrie avantageuse d’une industrie nuisible et il interprète le commerce comme un échange entre les idées et les éléments psychologiques de la civilisation. Il en arrive à établir que le commerce est une bonne chose dans le sens du méridien de longitude et une mauvaise chose dans -le sens des parallèles de latitude. S. Le morceau le plus extraordinaire de cette sorte de littérature a été écrit par Rodbertus, dans le tome VII des Jahrbûcher fur national Oekonomie und Statistik (aujourd’hui Jena Jahrbùcher, V. Hildebrand). Il est particulièrement important- par suite •’- jii* :