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revêtir un caractère scientifique qu’à la condition d’être tellement réglé qu’il empêchât l’observateur de s’égarer, qu’il l’obligeât malgré lui à l’impartialité. Il a fallu ensuite que ce cadre s’appliquât à tous les cas et permît de rechercher, toutes les fois qu’un nouveau type aurait été découvert, les faits identiques à ceux qui avaient été observés dans les monographies autérieures. Les faits de plus ont dû être classés dans un ordre tel qu’ils peuvent être facilement comparés entre eux.l *

Le cadre de la monographie satisfait à ces exigences scientifiques.il se compose de trois parties : les observations préliminaires définissant la condition des divers mémoires, le budget dressant le tableau des recettes et des dépenses de la famille, les notes et éléments divers de la constitution sociale consacrés aux faits généraux qui s’incarnent dans la famille aux conclusions. Tous les traits de l’existence d’une famille ouvrière, traits matériels et moraux, sont ainsi analysés. A l’observateur de conclure. Cette méthode, toutefois, n’offre pas tous les avantages qu’on pourrait croire et n’est même pas exempte de certains dangers. Elle se rapproche, faisons-y bien attention, par sa minutie même, de la micrographie : elle prétend enregistrer des phénomènes qui pourraient facilement échapper à l’observation ordinaire ; elle exige donc d’exceptionnelles qualités de vue, de perspicacité, et aussi et surtout un sentiment de la mesure, un sens des proportions qui ne sont pas le lot de tous. En sorte que, créée par un homme doué au plus haut point de ces dons naturels ou acquis, elle risque d’être pour tout autre d’un usage délicat. Ce n’est pas tout. Le goût et l’abondance même des observations peut nuire à l’esprit, fécond lui aussi, de généralisation et l’on pourrait craindre qu’à vouloir constater tant de détails précieux, on ne put s’élever plus tard aux vues d’ensemble. G. Michel et U. Guérin.

LEROTJX (Pierre) est né à Paris, le 17 avril 1797. Après quelques années d’études élémentaires, il fut mis en apprentissage chez un imprimeur et devint prote dans l’imprimerie où D.-E. Dubois, un de ses anciens condisciples, fonda, en 1824, le Globe, organe du parti doctrinaire,

Pierre Leroux entra ainsi en relations avec la pléiade d’hommes, plus ou moins considérables à divers titres, qui collaboraient à ce journal et y faisaient au gouvernement de Charles X la guerre qui aboutit à la révolution de 1830.

LeGlobe devaitpérir de sa victoire parla dis-LEROUX (PIERRE)

persionde ses rédacteurs. Pierre Leroux avait été chargé de ce qu’on appelle la cuisine du j ournal, qui fut vendu aux enchères et passa aux mains de l’école saint-simonienne (V. Saint-Simon). Pierre Leroux en embrassa les doctrines avec ardeur, mais il s’en sépara, en 1831, lors de la scission qui se produisit entre ses’ chefs, Enfantin et Bazard (voy. ces noms). En 1832, il prenait, avec Jean Reynaud la direction de la Revue Encyclopédique, fondée depuis 1819 et qui devint, entre leurs mains, un organe officiel des saint-simoniens. _ La Revue des Deux Mondes faisait alors une vive opposition au gouvernement ; Pierre Lerouxy inséra un article sur le Bonheur (15 février 1836) dont il reproduisit les thèses cqnime introduction à son principal ouvrage : De l’Humanité, publié cinq ans plus tard. En 1838, Jean Reynaud entreprit avec lui de refaire, sous le titre d’Encyclopédie nouvelle, l’œuvre des Encyclopédistes du dernier siècle. Les huit premiers volumes seulement purent être publiés et l’œuvre fut abandonnée faute d’argent (1841).

Pierre Leroux y écrivit, entre autres, l’article Egalité qui parut ensuite en volume sous le titre d’Essai surVégalitê, et une Critique de l’Éclectisme qui est restée son meilleur ouvrage. Mais la guerre qu’il avait déclarée à la philosophie, alors régnante dans l’université, l’en avait imbu et pénétré malgré lui. Il avait appris de Cousin à connaître Platon et la philosophie allemande, dont il ne prit guère que la phraséologie obscure.

Sous ces influences multiples, Pierre Leroux écrivit son livre De l’Humanité, ht fonds de ses premières croyances catholiques et les tendances saint-simoniennes y apparaissent sous un badigeonnage superficiel où Platon et la philosophie éclectique se mêlent à une teinte exotique d’hégélianisme. Collaborateur de la Revue Indépendante, fondée en rivalité de la Revuedes Deuœ Mondes par le parti républicain (1846), Pierre Leroux se trouva en relation personnelle avec George Sand et avec Lamennais qui, resté prêtre en / dépit de ses rebellions, devait être sympathique à ses tendances théologiques. r Pierre Leroux, pour éditer plus aisément ses écrits, se fit de nouveau imprimeur à Boussac (Creuse), d’où il dirigea une propagande active en faveur de sa doctrine humanitaire, au moyen de petits pamphlets qu’il répandait à profusion dans les campagnes. Après la révolution de Février, élu représentant du peuple par le département de la Creuse, il ne put réussir à s’imposer à la tribune politique, n’ayant aucune des qualités de Porateur.

Exilé après le coup d’État, il seretira à Jersey