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tre leurs ressources et la stérilité du travail y fait la stérilité de la famille. La troisième catégorie se distingue des deux précédentes en ce qu’elle n’offre plus des moyens réguliers d’existence, mais au

contraire des alternances fréquentes en ce 

■ qui concerne la nature et la permanence des

! productions. Ces régions sont composées de 
forêts associées à des sols variés et les races

’ qui les habitent diffèrent ordinairement des ■ pasteurs nomades et des pêcheurs côtiers "" par l’ensemble de leurs caractères et surtout ) par leur instabilité. Il n’y a plus là des pro-

! onctions spontanées inépuisables. Mais la 

main de l’homme doit créer sa nourriture ’ par le travail. Le Play a ainsi classé les travaux auxquels l’homme est obligé de se livrer sur les sols variés : l’art des forêts et les industries qui en dépendent ; l’exploitation des mines et les arts métallurgiques ; 1 agriculture et ses dépendances immédiates ; les industries manufacturières ; le commerce, c està-dire les branches d’activité ayant pour obi et la conservation, le magasinage, le transport et l’échange des produits de toute sorte. Parmi ces familles, ce sont les familles s’adonnant au travail manufacturier qui mènent l’existence la plus instable. Agglomérées en grand nombre autour des ateliers, elles sont tout à fait séparées du sol qui ne leur fournit plus aucune production, et le salaire constitue leur unique moyen d existence. Qu’une crise vienne à le compromettre ou à le supprimer tout à fait, les familles sont dénuées de ressources et si des institutions de prévoyance ne viennent pas remplacer le salaire absent, elles se trouvent aux prises avec de cruelles souffrances et la société tout entière ne tarde pas à ressentir le contre-coup de ces crises que 1 action du patronage (voy. ce mot), de l’association et de la souveraineté saura seule prévenir. . La méthode des monograpliies.

L’œuvre la plus originale de Le Play a été sans contredit la monographie de la famille ouvrière. Pourquoi la famille ouvrière a-t-elle été choisie comme la base de la science sociale ?

Que l’étude de la famille, la première 

cellule de toute société, constitue cette base, nulle objection ne s’élève. Mais pourquoi l’obs servateur doit-il d’abord concentrerson atteni tion non sur les familles qui occupent de hautes fonctions sociales, telles que celles des patrons industriels, des propriétaires ruraux, comme l’idée s’en présenterait naturellement, mais sur les plus humbles ? _ Plusieurs raisons justifient ce point de départ de la science sociale. D’abord les familles ouvrières forment partout la classe la plus nombreuse, et par leur nombre seul pèsent donc d’un poids lourd sur la société. En outre, les ouvriers fournissent à la société ses moyens de subsistance. Toute société périrait si le travail s’arrêtait tout à coup ; elle serait incapable de se nourrir, de se loger, de se vêtir.

Une autre raison a déterminé le choix de Le Play. La monographie d’une famille ouvrière fait entrevoir le dessous de la société, ce dessous des choses dont un historien éminent, M. Fustel de Coulanges, recommandait en histoire l’étude à ses élèves avec une si haute autorité ; car la famille ouvrière, c’est le point de jonction des classes aisées avec les classes populaires, c’est le lieu où s’accuse avec le plus de relief l’influence de la constitution sociale.

Les ouvriers n’ont pas en effet les moyens de s’y soustraire ; ils ne disposent pas des ressources qui permettent aux classes supérieures de se donner une certaine indépendance et des allurespersonnelles ; notamment, ils sont obligés de consommer les vivres du pays qu’ils habitent. C’est aussi chez les ouvriers qu’apparaît le mieux le caractère ethnographique. Ce caractère s’atténue au contraire dans les hautes classes au point de disparaître presque totalement, tandis que les familles ouvrières, exposées à un contact moins fréquent avec les étranger s, conservent plus longtemps la physionomie particulière de la race. Enfin, disposant de ressources limitées, elles sont toutes obligées de mener un mode d’existence identique. Par conséquent, l’observateur, en prenant comme point de départ la famille ouvrière, a l’avantage d’étudier un type qui, par sa grande uniformité, permet de mieux saisir les faits généraux. Or, c’est sur les faits généraux que les sciences se fondent ; c’est de leur accord qu’elles tirent les lois positives et les hypothèses probables.

Une fois déterminé le phénomène à étudier par l’analyse et tout en tenant compte des différences profondes qui distinguent l’étude des sociétés des autres études, Le Play a pu adopter les principes généraux delà méthode qui a été si féconde dans les sciences naturelles et adopter les mêmes procédés scientifiques. Recueillir le plus grand nombre de faits généraux, les comparer entreeux, étudier leurs caractères au moyen d’un cadre fixé, précis ; puis, après cette étude préliminaire, proclamer comme lois nécessaires celles que l’observation montre partout invariablement liées au maintien de la paix sociale, telle a été la seule marche à suivre. Une dernière question enfin restait à résoudre : le cadre de la monographie n’a pu