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LE HARDY DE BEAULIEU (Charles). —Peu do vies furent aussi bien remplies que celle de Charles Le Hardy de Beaulieu. Il fut à la fois minéralogiste et géologue, moraliste et économiste. Son activité infatigable, sa haute intelligence suffirent à toutes les tâches qu’il s’imposa comme professeur, comme écrivain et cornue orateur.

Il naquît le 10 mars 1816, à Uccle, près de Bruxelles. Sorti de l’École centrale de Paris en 183È , il se rendit en Espagne en qualité d’ingénieur. Il étudia ce pays d’une façon particulière et peut-être l’aspect d’une si profonde décadence au milieu des plus merveilleuses ressources naturelles attira-t-il son attention vers la science qui s’occupe de la production des richesses.

S’étant fixé àMonsà son retour d’Espagne, il renonça à l’industrie pour se consacrer plus spécialement à la science. En 1846, il fut nommé professeur de minéralogie, de géologie et de métallurgie à l’école des mines du Hainaut ; quelques années après, le cours d’économie politique lui fut également confié.

A cette époque, il commença ses nombreux et importants travaux, qui le placent au premier rang parmi les vulgarisateurs de la science économique. Apôtre convaincu de la liberté commerciale, comme de toutes les libertés, il fut un des plus ardents promoteurs du mouvement libre-échangiste qui se produisit en Belgique il y a vingt-cinq ans, sous la direction de M. G. de Molinari, alors rédacteur en chef de l’Économiste belge. Le travail incessant auquel il se livrait exerça une fâcheuse influence sur sa santé ; il fut atteint d’une maladie des organes visuels cui se termina par une cécité complète en 1858, Ce malheur ne ralentit pas son activité ; il dut renoncer à plusieurs de ses cours, mais il consacra le temps dont il put ainsi disposer à son étude favorite : l’économie politique. Elle lui est redevable de plus d’un notable progrès. C’est dans son beau livre la propriété et sarente qu’il développa la vérible théorie des monopoles naturels eL de la rente. Cette théorie, il l’avait déjà indiquée et traitée, mais avec moins de développements, dans son Traité élémentaire d’économie politique, l’un des meilleurs ouvrages sur la matière. A la fois profond et concis, ce traité résout, d’une manière claire et facilement saisissable pour tout le monde, sans jamais s’écarter de la rigueur des principes, les proies plus ardus de l’économie poli-LE HARDY DE BEAULIEU

blêmes

tique.

Doué

d’un cœur éminemment généreux, il voyait surtout dans la vulgarisation de la Science économique, dans l’application cons-II.

tante de ses principes, le meilleur moyen d’améliorer le sort des ouvriers. C’est à ce point de vue surtout qu’il a traité la question du Salaire, dont il a écrit une si belle monographie et qu’il l’a étudiée en détail, sous une de ses faces les plus intéressantes, dans Salariat et Coopération.

Il s’efforçait sans cesse d’établir la concorde entre patrons et ouvriers, ne flattant ni les uns ni les autres, faisant entendre à tous le langage du droit et de la vérité, leur faisant comprendre que leurs intérêts sont solidaires.

Animé d’un sincère amour pour le bien et la justice, il a marqué dans tous ses ouvrages l’importance capitale qu’il attachait aux questions morales, questions auxquelles il a consacré plusieurs ouvrages spéciaux, notamment le Catéchisme de morale universelle, VÊducation de la femme. > liste des écrits de Charles Le Hardy de Beaulieu est longue. A ceux que nous avons déjà mentionnés, nous ajouterons : les Considérations sur les relations commerciales entre la Belgique et VBspagne, le Guide miner alogique et paléontologique dans le Hainaut et ï Entre-Sambre-et-Meuse, le Catéchisme de la mère, les Causeries agricoles, etc.. Mais pour se faire une idée de son activité prodigieuse il faut parcourir les quatorze volumes, années 1855 à 1868, de V Économiste belge, les tables des matières des soixante volumes de la Revue trimestrielle, de Tannée 1854 à Tannée 1869.

Si l’on y joint sa collaboration au Journal des Économistes et à tant d’autres publications politiques ou scientifiques, on a l’ensemble des études les plus remarquables et les plus fécondes qui puissent remplir une vie de publiciste et de savant.

Orateur autant qu’écrivain, il ne négligea aucune occasion de vulgariser la science à laquelle il avait voué sa vie. Nous avons dit combien fut active sa participation aux meetings « libre-échangistes » ; plus tard il créa des conférences populaires et donna pendant trois ans un cours public d’économie politique au Musée de l’Industrie a Bruxelles. Il reconstitua la Société belge d’économie politique dont il fut président.

Mais les forces humaines ont une limite, quelque énergique que soit la volonté qui les soutient. Charles Le Hardy de Beaulieu succomba à l’excès de travail ; il fut atteint d’une de ces maladies dont on ne se guérit pas et il s’est éteint le 30 décembre 1871, regretté par tous ceux qui ont à cœur le bien de l’humanité, le progrès matériel, intellectuel et moral.