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colonisation de la Louisiane, c’est-à-dire d’un pays qui comprenait les vallées du Mississipi et du Missouri, et qui s’étendait au nord-ouest, par l’Orégon, jusqu’à l’océan Pacifique.

Le crédit de la Compagnie d’Occident languit donc au début. L’opinion résistait et les capitaux hésitaient à se porter sur les titres. Les choses étaient en cet état lorsque, le 11 mai 1748, parut un édit qui ordonnait la refonte des monnaies. On avait déjà porté le marc d’argent de 27 à 40 livres ; redit de mai le portait de 40 à 60 livres. « De 1 edit sur la refonte, dit Eugène Daire 1 , naissait l’obligation de porteries vieilles espèces aux hôtels des Monnaies ; mais il était permis de joindre à son argent deux cinquièmes en billets d’État. Il arrivait donc que, lorsqu’aux termes de la loi on se dessaisissait en faveur du fisc de 8 écus de 5 livres, ensemble 40 livres ou un marc d’argent, il était facultatif d’y ajouter 16 livres en billets d’État, ce qui opérait bien la tradition de la somme totale de 56 livres au profit du Trésor. Or, quand celui-ci avait reçu cette valeur, il vous rendait en échange 9 écus 1/3 nouveaux, dénommés pièces de 6 livres, qui faisaient 56 livres également. Mais la valeur intrinsèque de ces 06 livres, le poids d’argent qu’elles contenaient, étant inférieur de 1/15 au poids d’argent que vous aviez livré vousmême, vous perdiez d’abord cette portion de votre numéraire, et vous donniez ensuite votre papier, vos billets d’État, pour rien. En résumé, l’État gagnait, par cette honnête opération, 6 2/3 en argent et 26 2/3 en papier, en tout 33 1/3 p. 100 sur les fonds portés aux hôtels des Monnaies». Le parlement résista vainement à cette opération. L’édit de refonte était-il l’œuvre de Law ? On a pu le croire, puisqu’il avait pour résultat d’élever dans l’estime publique la valeur de l’argent de banque, de la monnaie à titre et poids fixes, et d’inviter les peuples à l’usage du papier. Plusieurs écrivains, au contraire, ont attribué cet édit au ministre d’Argenson, qui était entré au Conseil des finances et qui aurait imaginé ce moyen simple et sommaire d’éteindre les billets d’État, justement pour prouver qu’il était un financier plus fort que Law.

Quoi qu’il en soit, ce ministre donna bientôt une preuve manifeste de son mauvais vouloir pour l’Écossais, en accordant aux frères Paris, banquiers habiles, qui avaient mis quelque ordre dans l’administration des finances, le bail des fermes à des conditions qui furent généralement considérées par t. Notice sur Law (Collection des principaux étonotnistes, 1. 1).

l’opinion du temps comme avantageuses. Les frères Paris mirent ce bail en commandite, en juin 1716, au capital de 100 millions divisés en 100000 actions de 1000 livres chacune à fournir en rentes et en billets. Cette opération avait une base bien plus solide que la Compagnie d’Occident, car il était bien plus probable que les frères Paris gagneraient sur le bail des fermes générales qu’il n’était probable que la Compagnie d’ Occident gagnât sur le commerce de la Louisiane. Les actions de cette compagnie rencontrèrent sur le marché une concurrence redoutable, lorsqu’elles se trouvèrent en présence des actions de la ferme que l’on appela Y anti-système. Il fallut donc recourir à des opérations nouvelles pour donner de la valeur aux actions de la Compagnie d’Occident. Le 4 septembre 1718, elle afferma le monopole des tabacs : les actions éprouvèrent un léger mouvement de hausse, car l’opinion considérait alors avec raison comme excellentes les opérations sur les revenus de l’État. Mais la hausse était lente et médiocre ; il était indispensable d’employer les grands moyens. Le 4 décembre 1718, une déclaration du roi convertit la Banque générale en Banque royale. Les 1200 actions de la Banque générale, dont le quart seulement avait été versé, furent achetées au prix de 5000 livres de leur capital nominal et durent être remboursées en écus. Jamais actionnaires n’avaient fait en si peu de temps une telle affaire ! Et quelle ne devait pas être la valeur intrinsèque d’une entreprise que le trésor public, tout obéré qu’il était, acquérait à ce prix ! Les imaginations furent frappées et l’on fit peu d’attention aux modifications profondes que subirent les statuts de la Banque.

Les billets de la Banque générale étaient payables en argent de banque dont le poids et le titre étaient définis : ceux de la Banque royale furent payables en livres tournois, c’est-à-dire en une monnaie de compte dont on ne définissait exactement ni le poids ni Je titre. Les billets de la Banque générale ne pouvaient être créés et émis que contre des valeurs de portefeuille ; il suffisait d’un arrêt du conseil pour que la Banque royale fabriquât des billets au profit du gouvernement. La Banque royale eut des succursales dans lesquelles on échangeait des billets contre des écus et des écus contre des billets, et, dans les villes où elles étaient établies, l’usage de la monnaie métallique était restreint aux payements de 600 livres et au-dessous. Il . était clair qu’on se défiait de la liberté et que l’on se préparait à faire violence à l’opinion : en effet, le 22 avril 1719, un arrêt du conseil interdisait tout transport d’espèces