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années suivantes étaient plus qu’à moitié consommés ». Le désordre le plus complet régnait d’ailLeurs dans toutes les parties de l’administration des finances, à ce point que l’on ignorait et que l’on ne devait connaître que plus tard en chiffres le bilan de cette situation.

Par diverses mesures d’un caractère assez équivoque, le gouvernement du régent vérifia la dette exigible, la réduisit à un titre uniforme auquel il donna le nom de billets d’Etat, et dont il émit pour 250 millions portant intérêt à 4 p. 100. Ces billets devaient être admis en payements des termes arriérés des impôts et détruits à mesure qu’ils rentreraient ; mais comme les engagements de l’État n’inspiraient alors aucune confiance, ces billets n’en perdirent pas moins environ 80 p. 100 de leur valeur nominale. Cependant on mit quelque ordre dans la perception des impôts et dans l’administration des finances en général : des recherches exercées contre les traitants, et l’altération des monnaies, fournirent quelques ressources peu honorables et chèrement achetées. Ce fut dans ces conjectures que Law soumit au conseil des finances un premier plan qui ne fut point adopté : il dut, pour faire prévaloir ses idées, recourir à des moyens détournés. Des lettres patentes du 2 mai 1716 donnèrent à Jean Law le privilège de créer une banque. Elle fut constituée, sous le nom de Banque générale, au capital de 6 millions divisés en 1200 actions de 5000 livres chacune, payables en quatre versements, un quart en espèces et trois quarts en billets d’État. Les fonctions de cette banque, indépendante en apparence du gouvernement, devaient être, aux termes des statuts, les mêmes que remplit aujourd’hui la Banque de France.

Cet établissement fut fort bien accueilli par l’opinion. Les banques de circulation étaient alors dans tout l’éclat de la jeunesse. Celle d’Angleterre n’était fondée que depuis 1694, celle d’Ecosse depuis 169b, et elles produisaient Tune et l’autre de bons résultats. Le commerce appréciait très haut les avantages d’un établissement qui donnait un prix courant à l’escompte, et qui en faisait descendre le taux d’abord à 6 p. 100 et bientôt à 4 p. 100. Il appréciait plus haut encore les comptes courants et les crédits en banque fondés sur une monnaie dont le poids et le titre ne variaient point, quelques altérations que subît la monnaie courante. C’était la première fois qu’on établissait en France, sur une grande échelle ou du moins à grand bruit, deux excellents procédés commerciaux ; la banque de dépôt et la banque de circulation. Mais personne n’en connaissait exactement la théorie, et l’on vit au commencement fonctionner la nouvelle banque avec cette défiance si commune en France et si voisine de la plus aveugle crédulité. La Banque générale prospérait sans doute ; mais elle se développait lentement dans un milieu où le crédit avait subi de rudes atteintes et dans lequel il y avait peu d’affaires. D’ailleurs le capital propre de rétablissement était minime ; sur les 1 500 000 livres payables en espèces par les actionnaires, un quart seulement, c’est-à-dire moins de 400 000 livres, avait été versé. Quant aux billets d’État, ils perdaient encore 70 p. 100, et il ne fallait pas songer, dans l’état où étaient les choses, à en tirer un parti quelconque. Les liaisons secrètes qui existaient entre la Banque générale et le gouvernement se manifestèrent dès le 10 avril 1717. A cette date, un arrêt du conseil enjoignit aux receveurs des revenus publics, non seulement de recevoir les billets de la Banque en payement des contributions de toute espèce, mais encore de payer le montant de ces billets en monnaie métallique s’ils en étaient requis et s’ils avaient dans leurs caisses des écus disponibles. Il ne paraît pas, toutefois, que ces faveurs aient contribué à étendre beaucoup la circulation des billets, qui, concentrée dans Paris et dans quelques grandes villes, ne s’éleva pas au-dessus de 12 millions. Évidemment, ce n’était pas avec ces ressources minimes qu’on pouvait obtenir un crédit suffisant pour la liquidation de la dette publique. Aussi n’était-ce que le premier rouage du grand édifice qu’on appela le Système.

Vers la fin d’août 1717, un négociant célèbre, Crozat, qui avait obtenu un privilège pour le commerce de la Louisiane, céda ce privilège à une compagnie fondée par Law sous le nom de Compagnie d’Occident. Les lettres patentes qui autorisaient la création de cette compagnie lui accordaient le monopole du commerce de la Louisiane pour vingt-cinq ans et celui de la traite des castors dans le Canada, des armes, des munitions, des vaisseaux. Les faveurs accordées à la Compagnie se justifiaient assez par la manière dont son capital était formé ; il était de 100 millions, divisés en actions de 500 livres, payables en billets d’Etat, que le gouvernement assimilait aux rentes constituées et dont il s’engageait à payer l’intérêt à 4 p. 100. Mais il n’était pas nécessaire d’avoir une grande expérience des affaires pour comprendre qu’un capital ainsi formé ne pouvait fournir les ressources nécessaires pour fonder. une entreprise aussi considérable que la