Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le couvent des chartreux de Valdemuza. On attribua sa chute, les uns au remaniement qu’il avait tenté du tribunal du Saint-Office, les autres à sa traduction du Contrat social de Rousseau. C’est de Valdemuza que sont datées diverses œuvres de science, entre autres un Traité de botanique, un Traité sur l’êducationpublique, les Mémoires historiques du château de Beher. En 1808, l’invasion française mit fin à cette captivité.

Nommé membre de la Junta central, Jovellanos hésitait à reprendre la vie politique, mais le comte de Florida-Blanco l’y entraîna. La Juntal central dissoute, il put encore réunir le nombre de membres nécessaires pour constituer une régence et sauver sa patrie ; puis il s’embarqua à Cadix, erra près d’une année, dénué de tout, à travers la Galicie. Quand il put enfin rentrer dans sa province des Asturies, il était mortellement atteint de la poitrine et expira le 23 novembre 1811. L’œuvre économique de don Melchior de Jovellanos est beaucoup moins vaste que son œuvre littéraire, dramatique, scientifique et pédagogique. Elle consiste surtout en brochures dont quelques-unes toutefois présentent un vif intérêt pour l’histoire des idées économiques en Espagne :

Dictamen de la Junta formada de orden de S. M. para el examen y aprobadon de un banco nacional. 1782. (Avis de la Junta constituée par ordre de S, M. pour l’examen et la fondation d’une banque, -1 182.)

Dictamen de la Real Junta de comercio en el eœpediente seguida sobre renovar 6 revocar la prohibicion de la introduccion y uso de la museleni. 1 784. {Avis de la Junta formée afin de renouveler ou combattre la prohibition de l’importation de la mousseline, 1784.) Consulta de la Junta formada para la resolucîon de un eœpediente sobre la necesidad de fo-

— LACROIX 

mentor nuestra marina mercantil. 1784. (Consultation de la Junta sur la nécessité de protéger notre marine marchande, 1784). Informe à la Junta General sobre la libertad de artes, 1785. (Avis de la Junta sur la liberté des Arts et Métiers.)

Informe de la Sociedad Economica de esta Corte al Real y suprema Consejo de Castilla en el eœpediente de la ley agr aria. 1794. (Rapport de la Société Economique sur la loi agraire, 1794.) La plus connue et la plus répandue de ces œuvres économiques, est l’Informe sobre la ley agraria, qui se trouve traduit en français dans Y Itinéraire oVun voyage en Espagne, par A. de Laborde.

En dépit de ses vues théoriques, et bien que don Mechior de Jovellanos semble appartenir à l’école d’Adam Smith, malgré ses vives déclarations en faveur de la liberté économique, il faut reconnaître qu’au fond il est vacillant entre l’ancien et le nouveau système, et plus prohibitioniste qu’il ne le semble à première vue. En revanche, ses vives critiques des taxes qui grevaient alors les corporations de tous genres, tant industrielles qu’artistiques, en amenèrent l’abolition. Tl étudia avec des détails excellents l’état agronomique de l’Espagne, examinant un à un les obstacles qui s’opposaient au développement de l’agriculture, surtout les privilèges de la mesta (émigration périodique et annuelle des troupeaux. — V.Trakshumajnxe), ainsi que l’effet pernicieux du défaut de routes, des barrières intérieures, de l’ignorance des cultivateurs, etc., de même que l’effet encore plus désastreux des mainmortes et des majorats.

En somme, malgré plus d’une erreur, partagées du reste par la plupart des économistes de l’époque, il s’impose à l’attention de l’historien et de l’économiste. A. A. LACROIX (ÉmericDE), né à Paris vers 1390. On ignore les détailsdesavieetl’époquedesa mort. Cet écrivain était loin cependant d’être un homme vulgaire. On lui doit une édition de Stace, annotée, deux poèmes en latin sur HenriIVetLouisXIII,imprimésen 1613 eti 620, deux autres ouvrages sur Stace, P. Statii Silvanorum Frondatis, etc., Ad. Statii Silvas muscarium, etc., publiés en 1639 et 1640, et enfin l’ouvrage par lequel il relève de l’économie politique ; le Nouveau Cynée, paru, en 1623, sous la signature de Emeric Crucé. Dans ce dernier livre, É. de Lacroix, véritable précurseur de l’abbé de Saint-Pierre et des physiocrates (voy. ce mot), développe des idées politiques et économiques qui sont encore en question à notre époque ; il préconise la paix universelle, ainsi que le laissez faire et le laissez passer de M. de Gournay. « Quel plaisir seroit-ce, écrit-il page 26, de veoir les homes aller de part et d’autre librement, communiquer ensemble sans aucun scrupule de pays,