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JACHÈRE.

SOMMAIRE

. Rôle économique de la jachère dans la culture. . Statistiques sur l’étendue actuelle de la jachère. Bibliographie.

. Rôle économique de la jachère dans la culture.

La jachère est un procédé de culture qui a conservé une place régulière dans certains assolements de la culture extensive. C’est l’état du sol auquel, pendant une période plus ou moins prolongée, on ne demande pas de récolte, mais qui reste néanmoins compris dans l’étendue des champs soumis à un assolement cultural régulier. Le sol en jachère ne doit donc pas être confondu avec les terres vagues ou incultes.

L’étendue des jachères dans une contrée est un signe caractéristique de son agriculture. Quand les jachères occupent de grands espaces, quand les terres sont abandonnées à elles-mêmes plus ou moins longtemps, sans qu’on leur demande autre chose que les herbes qui croissent spontanément et ne peuvent servir qu’à la dépaissance des troupeaux, la culture est extensive et peu productive. L’ancienne jachère nue, qui pendant un an et souvent plus laissait la terre dans un repos absolu, n’existe plus aujourd’hui en France que dans quelques rares et pauvres districts. A peu près partout, la terre se travaille avec soin et Ton n’a recours à la jachère que pour lui accorder un repos relatif ; l’intervalle qui sépare deux récoltes s’utilise pour nettoyer le sol et l’ameublir par des labours, des hersages et des roulages répétés. La jachère ainsi travaillée se rencontre surtout dans les terres fortes, à culture difficile et où l’exploitant dispose de peu de fumier. Même dans ce cas, elle tend cependant à disparaître par suite du progrès agricole, de l’activité des agriculteurs et de l’emploi raisonné des engrais et amendements. La jachère tient lieu de la fumure qui fait défaut en réalité ; si on la travaille, c’est pour l’enrichir davantage encore aux dépens des agents atmosphériques.

La suppression de la jachère, sa transformation en jachère cultivée, problème qui a passionné nos pères de la fin du siècle dernier, ne doit donc être considérée que comme une amélioration ordinaire de l’exploitation rurale subordonnée aux ressources intellectuelles et physiques des cultivateurs, à leur instruction et aux capitaux dont ils peuvent disposer, en même temps qu’à la situation économique de la région où elle est encore pratiquée.

L’emploi de la jachère dans l’exploitation du sol est donc une caractéristique de certains systèmes de culture (voy. ce mot). De Gasparin en a fait un système type dans sa classification. Ce système comprendrait seulement deux soles sur lesquelles la culture du blé alterne chaque année avec la jachère. Il l’appelle système latin, parce que c’est celui qui paraît avoir dominé chez les Romains. Mais Royer l’a aussi adopté dans sa classification, quoique avec moins de netteté, pour le placer à la base du développement de l’industrie agricole. Et Lecouteux, à leur suite, en fait également un système type qui précède habituellement celui dans lequel apparaissent les prairies artificielles, lesquelles en effet prennent la place de la jachère. L’assolement jachère-blé n’est pratiqué que dans les pays pauvres, où le bétail est encore entretenu sur de maigres pâturages pendant une bonne partie de l’année. Cet assolement n’est même pas étendu à tout l’ensemble de la surface ; il existe en outre les terrains de parcours pour le bétail dans la belle saison et quelques prairies permanentes, toujours restreintes, dans le fond des vallées, qui fournissent les fourrages d’hiver.

Ce système de culture est encore fort répandu au sud de la Loire, dans notre pays. Il se prête aisément au progrès cultural, aux améliorations, par l’extension de la surface cultivée, par le remplacement de la jachère libre par les fourrages, et il se transforme alors en système à culture alterne, celle-ci étant considérée comme point de départ de la culture la plus parfaite. Cette transformation très natureUe se réalise fréquemment et a été, à notre époque, l’une des principales causes du progrès de notre agriculture depuis le commencement de ce siècle. D’après de Gasparin, le défrichement des terres vagues, non encore soumises à la charrue, est aisé, il revient à 300 ou 350 francs