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Il faut ajouter toutefois que l’idée du mo- Il faut rappeler en outre que les condamnaopole puissante alors chez les artisans des tions ne recevant aucune publicité seront ordiorps de métier, puisqu’elle leur faisait re- nairement ignorées par les familles des

Il faut ajouter toutefois que l’idée du monopole puissante alors chez les artisans des corps de métier, puisqu’elle leur faisait regarder le droit d’exercer leur industrie comme une propriété personnelle et exclusive, exerçait aussi son influence en matière d’apprentissage et gâtait parfois ce que l’institution avait en soi d’excellent. Aussi, pour limiter le nombre des apprentis, on leur imposait souvent un temps d’apprentissage exagéré. A Paris il a été aussi long pour les potiers que pour les orfèvres, bien que les deux professions ne soient pas également délicates ni difficiles. On exemptait aussi de l’apprentissage les fils de maître ou l’on en diminuaitpour eux la durée, sur ce motif d’ailleurs qu’élevés, pour ainsi dire, dans l’atelier et au milieu de la profession, ils n’avaient pas besoin des mêmes études que les étrangers.

Enfin, le fond même de l’institution se soutenait malgré quelques défauts particuliers. 3. Le temps présent.

Depuis l’abolition du régime corporatif, il est loisible à tout individu de prendre autant d’apprentis qu’il veut pour leur enseigner un métier quelconque. C’est aux parents des enfants ou à ceux qui les représentent à s’enquérir de la capacité du maître et des garanties qu’il offre pour enseigner le métier et former le caractère de l’apprenti.

Mais comme une liberté sans règle tourne en licence et se nuit à elle-même, on reconnut, après un demi-siècle, qu’il était nécessaire de donner quelques garanties aux apprentis, c’est ce que fit la loi du 22 février-4 mars 1851. Elle n’exige des maîtres aucune capacité technique, mais seulement quelques garanties de moralité assez peu sévères d’ailleurs. Il faut, pour recevoir des apprentis mineurs, être âgé de vingt et un ans au moins. Aucun maître, s’il est célibataire ou en état de veuvage, ne peut loger comme apprenties des jeunes filles mineures. Sont incapables de recevoir des apprentis les individus qui ont subi une condamnation pour crime ; ceux qui ont été condamnés pour attentat aux mœurs, ceux enfin qui ont été condamnés à plus de trois mois de prison pour banqueroute, escroquerie, vol, abus de confiance, tromperie sur la marchandise vendue. Ceux qui ont été condamnés à moins de trois mois de prison pour ces faits ou à plus de trois mois pour d’autres délits peuvent très bien être chargés de faire l’éducation professionnelle et morale de jeunes enfants. Encore la loi a-t-elle pris soin d’ajouter que les incapables pourraient être relevés de leur indignité par le maire de la commune (à Paris, par le préfet de police), après trois ans de séjour.

Il faut rappeler en outre que les condamnations ne recevant aucune publicité seront ordinairement ignorées par les familles des apprentis.

La loi n’a pas cru devoir exiger que le contrat d’apprentissage fût fait par écrit ; il peut être verbal, mais il est d’expérience que la preuve est alors, en fait, presque impossible. Les législateurs de 1851 se sont bornés à donner de grandes facilités pour le contrat écrit. Il doit, à la vérité, être fait sur papier timbré, mais n’est passible que d’un droit d’enregistrement de 1 franc. De plus si les parties chargent de la rédaction un notaire, greffier de justice de paix ou secretaire de conseil de prud’hommes, il ne lui sera dû qu’un honoraire de 2 francs. Il est bien rare d’ailleurs de rencontrer des contrats rédigés par ces officiers ministériels.

Les deux premiers mois de l’apprentissage sont considérés comme un temps d’essai pendant lequel le contrat peut être annulé par la seule volonté de l’une des parties. Il n’est plus permis ensuite de le rompre que dans les cas marqués par la loi, et encore faut-il distinguer des cas où il est rompu de plein droit et d’autres où il ne peut l’être que sur la demande de l’une des parties. La loi ajoute encore cette restriction si le temps convenu pour l’apprentissage dépasse le maximum de la durée consacrée par les usages locaux, ce temps peut être réduit ou le contrat résolu. Pour la question de rétribution comme pour le mode d’exécution du contrat, liberté complète est laissée aux contractants. En fait l’apprenti habite toujours chez son patron.

Les devoirs du maitre et de l’apprenti ont eté énumérés par le législateur. L’apprenti doit à son maître fidélité, obéissance et respect. Il est tenu de remplacer, à la fin de l’apprentissage, tout manquement de plus de quinze jours arrivé même par maladie ou force majeure. Le maitre doit enseigner le métier à l’apprenti et ne l’employer, sauf conventions contraires, qu’aux travaux de la profession. Il doit surveiller sa conduite et ses moeurs soit dans la maison, soit au dehors, et avertir ses parents ou ses représentants des fautes graves qu’il pourrait commettre ou des penchants vicieux qu’il pourrait manifester, comme aussi de toute maladie survenant ou de toute absence sans cause de l’apprenti. Il doit, à la fin de l’apprentissage, lui délivrer un congé d’acquit ou certificat. Telles sont les prescriptions de la loi. Quel résultat ont-elles eu  ? Elles n’ont point empêché la décadence de l’apprentissage, surtout dans les grands centres, surtout à Paris, et il y a de cela deux causes, l’une toute écono-


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