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LOIS) 33 AGRAIRES (LOIS)

I. 3

sultats du travail et de l’argent qu’il y avait dépensés bref, tout ce qu’on résume par les mots the interest ou the good-will of his farm. On exprimait cette situation, ces entraves en disant qu’il était tenancier à volonté (tenant at will).

Ces faits ont été constatés à plusieurs reprises par des commissions d’enquête parlementaires. Lord Melbourne disait en 1831 « Tous les magistrats et tous les jugescompétents, interrogés par les différentes commissions, composées d’hommes de toutes les classes, de catholiques et de protestants, ont été unanimes à déclarer que l’état troublé de l’Irlande doit être attribué au système des relations existant entre les landlords et les tenants, système manifestement préjudiciable aux uns et aux autres. »

Cependant il existait, dans la province d’Ulster et dans quelques autres régions de l’Irlande, un système de loyer etd’occupation qui avait donné de bons résultats, tout en respectant les droits du propriétaire et en protégeant le tenancier. Ce mode de tenure, connu sous le nom d’Ulster Tenants Right, peut se résumer en trois articles 1° Le tenancier a le droit de vivre sur sa ferme, d’année en année, indéfiniment, en agissant convenablement et en payant son loyer, que le landlord peut élever dans une mesure raisonnable, mais pas au point de rendre illusoire le droit de vendre le goodwill.

2° Si le tenancier fait des dettes et ne peut payer son loyer, ou si, pour toute autre raison, il désire quitter sa ferme, il peut vendre son good-will, à condition que le landlord accepte les prix et les conventions, ainsi que le remplaçant proposé.

3° Le landlord ne peut reprendre la ferme à son compte qu’en payant une juste somme au tenancier sortant, pour le trouble apporté au droit du locataire et à’titre d’indemnité pour les améliorations faites par ce dernier.

Le parti libéral anglais, alors conduit par M. Gladstone, ayant décidé de ramener l’Irlande à un régime moins vexatoire, pensa que le modèle des mesures législatives à prendre pour apaiser ce pays setrouvaitdans les lignes principales de ce contrat entre les landlords et tenanciers de l’Ulster. Il estima que le meilleur moyen d’apaiser ce désir persévérant de possession du sol, auquel avait été donné le nom énergique de land-hunger ’(faim de terre),était de généraliser ce système qui avait donné d.’excellents résultats dans le petit pays où il était appliqué.

Profitant des discussions des années précédentes et des conclusions formulées par

les commissions spéciales, les Irlandais avaient résumé leurs desiderata qui pouvaient être classés sous trois rubriques loyers équitables (fair rent), fixité assurée dans l’occupation ( fixed tenure), liberté de vendre le droit d’occupation (free sale). C’est ce qu’on appela familièrement le programme des trois F (par allusion à fair, fixed, free). Toutefois M. Gladstone et ses partisans estimaient que ces réformes essentielles devaient être graduelles. On commença par faire promulguer, en 1848, la loi sur les propriétés obérées (encumbered estates bill), en vertu de laquelle les lords avaient le droit de vendre leurs domaines par-devant un tribu nal créé à cet effet, lequel délivrait aux acheteurs des titres valables en justice. (Il ne faut pas oublier que jusque-là les lords ne pouvaient pas légalement vendre leurs biens.) Grâce à cette loi, ceux dont les domaines étaient grevés d’hypothèques ou de fondations (settlements) purent se libérer vis-à-vis de leurs créanciers. Plus d’un huitième de la surface du sol changea de mains par application de ce bill. D’immenses domaines furent morcelés et il y eut des milliers de nouveaux propriétaires fonciers.

Une autre mesure préparatoire aux réformes projetées fut ce que nous appellerions la séparation de l’Église et de l’État, mesure connue sous le nom de Disestablishment of the English Church ; ce désétablissement de l’église anglicane en Irlande eut pour effet d’ajouter encore 8000 nouveaux propriétaires aux précédents acquéreurs.

Vint ensuite une série de lois, instituant sur de justes bases les relations entre les propriétaires fonciers et les tenanciers. Nous voulons parler d’abord de l’Irish land Act, que M. Gladstone, en 1870, fit passer dans les deux chambres, non sans de longues discussions, et qui devint le nouveau code de tenure pour l’Irlande.

En voici le résumé

Le Land Act de 1870 traite, en substance, de quatre sujets 1° la coutume de l’Ulster ; 2° les usages analogues à cette coutume et suivis en dehors de l’Ulster ; 3° les cas de fermage (tenancy) non soumis à la coutume de l’Ulster, ni à aucune autre coutume analogue 4° la création d’une classe de propriétaires-paysans (a peasant proprietary).

1° L’Acte en question établit que le droit coutumier sur les fermages de l’Ulster (Ulster tenant’s right custom) sera converti en loi, sans que l’on essaye de le modifier ou de s’enquérir de ses variétés, étant donné qu’il diffère en différents endroits. Il est accepté comme un fait et le juge n’a qu’à le mettre en vigueur.


AGRAIRES (